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Ces hommes qui prennent le nom de leur femme

dimanche 10 août 2014

En pleine saison des mariages, on voit surgir une pratique nouvelle, étonnante : des hommes qui adoptent le patronyme de leur épouse. Entre militantisme… et opportunisme. Enquête.

« Nous prendrons tous les deux le nom de mon épouse pour le mariage ! » Tandis que le personnel de la mairie écarquille les yeux, Thomas et sa fiancée se délectent. Leur union est tout ce qu’il y a de plus traditionnel : robe blanche, messe catholique à l’Église, lancer de bouquet. À la différence que le couple a également choisi d’unir leurs deux noms, en laissant la priorité à celui de madame, chargé d’histoire. Ses ancêtres polonais, tout juste immigrés en France, avaient transformé leur nom imprononçable en une appellation sans pareil : Pochouny. Mais, quelques décennies plus tard, le nom est en voie d’extinction. Et Thomas a choisi de s’appeler "Pochouny-Benguigui". « J’en suis très fier, explique le jeune infirmier de 25 ans. Et cela ne change rien à mon identité personnelle ».

“L’option est si singulière qu’on la découvre tout juste”

Comme Thomas, certains hommes épousent une femme et son nom. Ils l’accolent tendrement au leur ou l’adoptent à bras le corps, gommant leur propre patronyme. Impossible de savoir combien ils sont : ni l’Insee ni les mairies parisiennes ne se sont intéressés à ces avant-gardistes du mariage. Car cette option est si singulière qu’on la découvre tout juste, de mariages en récits de famille. Il faut dire que jusqu’à présent le nom de famille était la chasse-gardée de l’homme. La règle n’a jamais bougé : la femme donne la vie et le père, le nom. « Il y a toute une dimension de la domination masculine et du patriarcat qui est représentée dans le nom de famille : on parle de nom de jeune fille, de patronyme, en oubliant que beaucoup d’enfants portent un matronyme », explique Alban Jacquemart, docteur en sociologie du genre à l’EHESS et au Centre d’études de l’emploi. Depuis une dizaine d’années, les femmes gagnent du terrain. D’abord en 2002, lorsque l’Assemblée nationale vote une loi qui autorise la mère à donner son nom à son enfant, avec ou sans celui du père. Et depuis 2011, elle peut également le transmettre à son mari comme l’a clarifié le Journal Officiel. Le « sexe faible » vient donc défier un héritage très « mâle » jusqu’ici peu bousculé. Parfois au nom de l’égalité, parfois par pur opportunisme.

En réalité, chacun des époux garde son nom de naissance à vie sur ses papiers. Le mariage octroie seulement un droit d’usage d’un double nom ou de celui de son conjoint. Qu’importe le sexe. « Dans la pratique, on continue souvent de penser que l’épouse est obligée de prendre le nom de son époux, comme si le mariage était un acte d’appropriation de la femme par l’homme », explique Alban Jacquemart. C’est pour faire un pied-de-nez à ce schéma très suzerain que Yoni a tenu à faire une place au nom de sa femme. « Moi aussi, dans ce cas, je suis la propriété de ma femme ! clâme-t-il. Je trouvais ça illogique qu’elle mette mon nom à côté du sien sans que je fasse de même ». Avant même de rencontrer sa moitié, ce parisien de 27 ans préparait son coup, par souci de parité. « Prendre le nom de ma compagne n’est ni un symbole, ni un fait exceptionnel. J’ai juste reconnu une normalité qu’on refuse aux femmes », explique Yoni, rejetant toute auréole.


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