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Union libre, divorce, homosexualité : les annonces du pape sur la famille

vendredi 8 avril 2016

Dans le texte très attendu sur la famille publié vendredi, le pape reconnaît une valeur à certaines unions libres et maintient le statu quo pour les homosexuels.

Source AFP

Les directives du pape François sur la famille dévoilées. Dans un texte très attendu publié vendredi, le souverain pontife tend la main aux remariés et reconnaît une valeur à certaines unions libres, sans toutefois toucher au dogme du mariage catholique. Le pape François maintient néanmoins le statu quo pour les homosexuels, quasi absents du texte et dont l’Église catholique refuse toujours de reconnaître les unions.

« Chaque personne doit être respectée »

Dans cette « exhortation apostolique » qui tire les conclusions des synodes de 2014 et 2015, le pontife argentin répond en partie aux attentes des divorcés remariés, en appelant à leur intégration dans l’Église et en rejetant les condamnations définitives. Au coeur de la revendication des catholiques divorcés mais remariés civilement, l’accès à la communion, moment fort de la liturgie catholique, n’est cependant pas mentionné directement dans ce long texte de quelque 260 pages consacré à la famille et au mariage et intitulé « Amoris Laetitia » (« La joie de l’amour »).

Les couples hétérosexuels en union libre ou mariés seulement civilement peuvent aussi être des « signes d’amour » à prendre en compte quand ils atteignent une « stabilité consistante à travers un lien public », ou lorsque leur union est « caractérisée par une affection profonde », écrit le pape.

Seuls deux paragraphes sont consacrés à l’homosexualité, en évoquant essentiellement la nécessité d’entourer les familles dont « l’un des membres manifeste une tendance homosexuelle ». « Chaque personne, indépendamment de sa tendance sexuelle, doit être respectée dans sa dignité et accueillie avec respect », assure le pape, tout en réaffirmant : « Il n’y a aucun fondement pour assimiler ou établir des analogies, même lointaines, entre les unions homosexuelles et le dessein de Dieu sur le mariage et la famille. »

« Un texte très politique, très rusé »

La Conférence des baptisé(e)s francophones (réformateurs) a salué vendredi le caractère « discrètement subversif » du texte du pape François sur la famille, qui « refuse le terrain des doctrinaires », même si « on a peu bougé » sur les homosexuels. « C’est une exhortation discrètement subversive. Le pape impose son terrain et refuse celui des doctrinaires. Il dit : Ce qui compte, ce n’est pas le droit canon, mais l’attitude de miséricorde », a réagi auprès de l’AFP la bibliste Anne Soupa, présidente de la Conférence des baptisé(e)s francophone, qui revendique 10 000 sympathisants parmi les catholiques d’ouverture de France, de Belgique, de Suisse et du Québec.

Pour les divorcés remariés, le texte « ouvre à des discernements sous la conduite d’un prêtre qui peuvent aller jusqu’à supprimer des exclusions de type « liturgique, pastoral, éducatif et institutionnel ». C’est dire sans le dire qu’un couple qui a fait un travail de discernement peut, si sa conscience le lui dicte, et si le prêtre y consent, accéder aux sacrements. C’est acter ce que font déjà beaucoup de couples qui, en conscience, vont communier », se réjouit la responsable associative. « Cette exhortation valide la casuistique, le cas par cas, au lieu de principes absolus et universels », poursuit Anne Soupa, qui y lit « une sorte de décentralisation en matière de morale et de discipline de l’Église ».

Certes, « en ce qui concerne l’homosexualité, on a peu bougé », regrette cette intellectuelle, tout en relevant que « le pape évite de citer l’article le plus controversé du catéchisme de l’Église catholique (le n° 2357, qui évoque des actes « intrinsèquement désordonnés », NDLR) pour citer le suivant qui demande d’accueillir les personnes homosexuelles ». Pour Anne Soupa, qui salue un « texte très politique, très rusé », « François déplace la matière sur le terrain de la miséricorde ». « On peut se demander si ça valait deux ans de travail. Moi, je crois que oui parce que c’est l’attitude de fond qui change, avec une bienveillance foncière envers les couples et les difficultés des familles : c’est un gros acquis », estime-t-elle.

« Un texte qui colle à la réalité »

Le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Georges Pontier, a salué dans les directives du pape François sur la famille et le mariage publiées vendredi « un texte qui colle vraiment à la réalité de la vie des gens ». « C’est un texte qui colle vraiment à la réalité de la vie des gens et qui essaye d’encourager l’accompagnement (des personnes) pour traverser les épreuves de la vie », s’est réjoui l’archevêque de Marseille, interrogé par l’AFP sur l’exhortation apostolique « Amoris Laetitia ».

Selon Mgr Pontier, qui était l’un des « pères synodaux » à Rome et qui est considéré comme une figure d’ouverture de l’épiscopat français, le texte du pape dit aux fidèles que « la vie chrétienne n’est pas une vie où l’on a tout ou rien, c’est un chemin ». « Ceux qui attendaient un changement de la loi (canonique) vont être déçus, ceux qui attendaient une réaffirmation stricte des principes chrétiens vont être déçus », a estimé l’archevêque, interrogé notamment sur la question de l’accès aux sacrements, théoriquement interdit pour les divorcés remariés civilement après une première union à l’église.

Mgr Pontier a lu dans cette exhortation apostolique « un appel du pape à changer notre manière d’être prêtre » : « Il nous invite à un discernement plus fin » pour les personnes en situation dite « irrégulière », notamment les divorcés remariés. « C’est un gros travail pastoral qu’il va nous falloir faire. Nous évêques, avec les prêtres, nous étions peut-être dans une posture qui pour certains était sécurisante - quand on a un règlement qu’on applique, ce n’est pas compliqué. Il va nous falloir davantage devenir des personnes humbles et remplies de respect pour la vie des gens », a encore fait valoir le président de la CEF.

« Une ouverture »

« C’est vraiment une ouverture jamais faite auparavant » : une association de chrétiens divorcés a accueilli « avec joie » le texte du pape sur la famille, « même s’il ne parle pas ouvertement de réintégration aux sacrements » des personnes remariées civilement. « Nous sommes heureux que le pape prenne en compte la foi des personnes et leur situation concrète », a réagi auprès de l’AFP la présidente de l’association française Chrétiens divorcés - chemins d’espérance, Monique Rouquié-Parriel.

« Nous n’avons jamais attendu du synode ou de l’exhortation « une nouvelle législation générale du genre canonique applicable à tous les cas » », a souligné Monique Rouquié-Parriel, citant une formule du pape François. En revanche, son association de divorcés remariés attendait que « soit levée la condamnation éternelle » des personnes en situation dite « irrégulière », et « c’est ce qu’il (le pape) fait », estime-t-elle.


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