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Classement de Shanghaï : les universités françaises maintiennent leur rang

vendredi 15 août 2014

La France adore les classements, à la sortie des grandes écoles comme à l’internat de médecine, mais pas celui de Shanghaï. Chaque 15 août depuis 2003, celui-ci dresse le palmarès des 500 premières universités, sur les 17 000 que compte la planète, mais les universitaires français estiment qu’il ne rend pas justice au potentiel de recherche du pays.

L’édition 2014 réaffirme la suprématie des Etats-Unis, qui occupent seize des vingt premières places, avec en tête l’indétrônable quatuor Harvard – Stanford – Massachusetts Institute of Technology – Berkeley. Dans le top 20, les seules universités non américaines sont britanniques (Cambridge, 5e ; Oxford, 10e ; University College of London, 20e) et suisse (Institut fédéral de technologie de Zurich, 19e place, une de mieux par rapport à 2013). La Suisse se distingue d’ailleurs par la présence de cinq de ses universités dans le top 100, contre quatre l’an passé.

LA PREMIÈRE UNIVERSITÉ FRANÇAISE AU 35E RANG

La France, elle, compte 21 établissements dans ce classement des 500 premières universités mondiales, une de plus qu’en 2013. La première université française, Pierre-et-Marie-Curie (UPMC), a grappillé deux places en un an. Mais elle n’arrive qu’au 35e rang, creusant l’écart avec sa rivale, Orsay-Paris-Sud, légèrement rétrogradée, elle, de la 39e à la 42e place. L’Ecole normale supérieure de Paris, qui a formé pratiquement tous nos médaillés Fields à l’exception de celui de cette année, le Franco-Brésilien Artur Avila, arrive à la 67e place, quatre de mieux qu’en 2013.
L’université de Strasbourg figure, quant à elle, dans le top 100, à la 95e place. Mais cela n’émeut guère son président, Alain Beretz, également président de la Ligue européenne des universités intensives en recherche, qui rassemble une vingtaine d’entre elles : « Nous sommes certes heureux d’être bien classés, mais ces palmarès sont ineptes ! On ne résume pas la qualité d’une université, qui mène plusieurs missions de front, par une seule note et sur la base de données peu fiables, proteste-t-il. Inscrire dans les objectifs stratégiques de notre enseignement supérieur et de notre recherche celui de grimper dans les classements me paraît donc une erreur. »

« ON NE FONDE PAS UNE POLITIQUE SUR CE CLASSEMENT »

Pour Geneviève Fioraso, secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur et à la recherche, « le classement de Shanghaï est un indicateur parmi d’autres, à prendre en compte mais sur lequel on ne fonde pas une politique. Nous encourageons les regroupements, mais dans un but de lisibilité pour les étudiants et de mutualisation des moyens. »

Grâce à la fusion, en 2009, de trois entités en une seule, Strasbourg a atteint l’envergure et la notoriété qui la rendent considérable aux yeux de tels classements. Depuis 2012, c’est le cas également d’Aix-Marseille, qui se situe entre la 101e et la 150e place cette année, ou l’université de Lorraine (située entre la 201e et la 300e place).
La fusion, en réalité, a un double impact : d’un côté, elle permet d’additionner publications et citations ; mais de l’autre elle dilue les performances entre un plus grand nombre d’enseignants-chercheurs, notamment ceux en sciences humaines, peu considérées. Si, d’ici quelques années, le projet d’université de Saclay se concrétise, englobant celle d’Orsay mais aussi Polytechnique, Centrale-Supelec, HEC et l’ENS Cachan, le nouvel ensemble pourrait prétendre au top 20 de Shanghaï.

LES ÉCOLES D’INGÉNIEURS SOUS-ESTIMÉES

La France est pénalisée par la spécificité de son système dual, la recherche étant principalement menée dans les organismes distincts des universités que sont, par exemple, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), premier publiant au monde, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), ou l’Institut Pasteur. Nombre de bons résultats des universités françaises dans les classements internationaux sont d’ailleurs dus aux laboratoires mixtes qui les associent à ces organismes. Les enseignants-chercheurs français ne jouent, en outre, pas toujours le jeu des palmarès en omettant, lorsqu’ils signent leurs publications, de citer leur université de rattachement, préférant la mention de leur laboratoire, de leur faculté…

Les grandes écoles d’ingénieurs françaises, dont le modèle est unique au monde, attirent de très bons étudiants mais sont encore peu tournées vers la recherche et se voient donc sous-estimées par ces classements. C’est le cas de Polytechnique, qui se voit reléguée, en 2014, au-delà du 300e rang, rejoignant l’Ecole de physique chimie de Paris, devant l’Ecole des mines, dans la dernière centaine. « Les écoles d’ingénieurs doivent encourager leurs diplômés à faire de la recherche, estime Geneviève Fioraso, mais les entreprises aussi ont leur responsabilité, en ne valorisant pas encore assez les chercheurs ni le diplôme de doctorat. Cela doit évoluer et ce sera un de mes combats de cette année. »

Depuis que les classements internationaux, notamment anglo-saxons, font la loi, l’Union européenne a décidé de lancer son propre outil, U-Multirank. Le premier classement a été publié en février, mais il se limite à quatre disciplines, génie électrique, génie mécanique, physique, études commerciales. U-Multirank n’a toutefois pas encore convaincu la Ligue européenne des universités intensives en recherche, qui n’a pas participé à la collecte des données : « C’est, pour nous, un classement de plus, particulièrement dangereux car cette initiative de l’Union européenne peut faire croire qu’il s’agit d’un classement officiel et orienter les financements et les politiques publiques », argumente Alain Beretz.

Les critères du classement de Shanghaï

Le classement de Shanghaï se concentre sur les performances de la recherche, surtout scientifique, sans considérer la qualité de l’enseignement. Il recense les lauréats Nobel et Fields parmi les enseignants (20 % de la note) et les anciens diplômés (10 %), fait la part belle au nombre de publications, dans l’année passée, dans deux revues anglophones, Nature et Science (20 %), aux citations de ces articles (20 %), aux chercheurs cités au cours des cinq années précédentes (20 %) et à la performance académique, rapportée au nombre d’enseignants-chercheurs (10 %). La première université classée se voit attribuer la note 100 et les suivantes vont en diminuant. C’est une petite équipe de l’université Jiao Tong, de Shanghaï, qui a délégué à l’Academic Ranking of World Universities (ARWU) le soin de collecter par Internet les données requises.


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