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Euro 2016 : l’échec espagnol, fiasco ou fin de cycle ?

mardi 28 juin 2016

Double tenante du titre, favorite à sa succession, la Roja a vu son parcours stoppé net dès les 8es de finale. Les explications sont multiples.

Par Tidiany M’Bo

En Espagne, l’onde de choc est encore bien palpable, au lendemain de la défaite de la sélection, éliminée pour la première fois d’un Euro depuis 2004. Les termes employés par la presse locale sont forts (« Fin de cycle », pour As, « Nous ne sommes plus les meilleurs », dit Marca) mais pas aussi vindicatifs que ceux des tabloïds anglais. Huit années de domination continentale ont pris fin au stade de France, après une leçon d’efficacité et de tactique reçue de la part d’une Italie qui a parfaitement récité sa partition.

Fin de la génération Del Bosque ?

« Nous n’avons pas le niveau de 2010 ou 2012 », lâchait Gerard Piqué après le match. L’explication semble logique. Il serait facile de lui donner raison, même si nul ne sait ce qui serait arrivé si le défenseur avait égalisé devant Buffon, quelques secondes avant que Graziano Pellè n’inscrive le deuxième but italien. Après le temps des constats vient celui des enseignements. Car les responsabilités sont partagées. Hors de question de désigner comme unique coupable le sélectionneur Vicente Del Bosque. Le sage, dont l’aventure avec la sélection a de grandes chances de s’arrêter, a probablement commis quelques impairs. Un onze de départ figé sur les quatre matches, le choix de laisser Isco ou Saúl Ñíguez à la maison, la difficulté à trouver du poids en attaque avec les choix de Diego Costa puis d’Aduriz, l’impuissance devant une Iniesta – dépendance flagrante… Mais en choisissant d’amorcer une « révolution douce » à la suite de l’accident industriel de 2014, l’ancien du Real Madrid n’a, surtout, pas assez fait pour transformer en profondeur une équipe devenue au fil du temps plus lisible pour ses adversaires. L’a-t-il fait pour des raisons diplomatiques ou était-il convaincu que ses « presque trentenaires » étaient encore les hommes de la situation ?

Des chiffres évocateurs

Avec 1,3 but de moyenne inscrit durant cet Euro, est-ce le rendement offensif qui est en question ? Possible, mais la moyenne espagnole durant le Mondial 2010, encore inférieure (1,14), ne l’avait pas empêché de triompher.

Plus que son efficacité, c’est son ADN que la Roja semble peut-être disposée à remettre en question. Les deux échecs de 2014 puis de 2016 ont mis en lumière la capacité de ses adversaires à accepter de subir la possession de balle pour faire mouche sur du jeu de transition rapide. Face à la Squadra Azzurra, le constat est limpide dans ce secteur : l’Espagne a comme toujours eu plus souvent le ballon (60 % de possession). Mais elle a frappé à peu près autant de fois au but (14 tirs, contre 11 aux Italiens) et, surtout, elle a concédé des occasions bien plus dangereuses qu’elle ne s’en est procuré.

Est-il idiot de considérer cette Roja comme vieillissante ? Avec 27,6 ans de moyenne pour le groupe – la moyenne monte à 28,3 pour le onze aligné chaque fois par Del Bosque –, le chiffre ne semble pas déterminant… d’autant plus que le Portugal (27,8) ou encore l’Italie (28,4) la devancent dans ce classement.

Est-ce alors une question de densité physique ? Là se trouve peut-être une clé dans ce qui a pu gripper le système de jeu espagnol. Hormis contre la Turquie, contre qui elle s’est très vite facilité le match, l’Espagne a systématiquement moins couru que ses adversaires. À savoir 107 km face aux Tchèques (contre 110), 104 face à la Croatie (contre 106) et 110 face à l’Italie (contre 117). Or, si l’impression visuelle laisse penser que c’est le ballon qui court plus que les joueurs dans un jeu de possession, les notions de déplacement, d’appel et surtout de récupération sont directement liées à l’abattage kilométrique des joueurs.

Se pose donc la fameuse question de la lassitude, ou de la motivation, c’est selon. Motivation à répéter inlassablement les efforts pour des joueurs qui ont déjà tout gagné ou presque. Capacité à se régénérer après des saisons harassantes, quoique couronnées de succès.

Pourtant, une génération trépigne, et elle n’a pu observer que de loin sa devancière lâcher prise sur le terrain. Cette génération, celle des Koke, Vásquez et Thiago Alcántara, avait été sacrée championne d’Europe Espoirs en 2013 en ayant battu en finale… l’Italie (4-2). Aujourd’hui, c’est l’Italie qui triomphe avec un autre souvenir, celui de 2012. L’Espagne, elle, arrive à la croisée des chemins.


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