MosaikHub Magazine

Les éléphants blancs de l’ère Martelly

jeudi 14 juillet 2016

Ces réalisations d’envergure coûtent plusieurs millions de dollars à l’État haïtien. Bien qu’ils soient inaugurés, ces bâtiments ne servent pas à grand-chose. Le Nouvelliste en a répertorié quatre au centre-ville, s’avérant plus coûteuses que bénéfiques.

À l’angle des rues Pavée et du Quai, des entassements de détritus, d’alluvions jonchant le bitume rappellent notre vulnérabilité aux fortes averses. À quelques encablures, une architecture contemporaine, audacieuse et élégante, d’une superficie d’environ 6 000 mètres, détonne dans ce décor hideux. On est au centre de convention et de documentation de la Banque de la République d’Haiti (BRH). À l’intérieur, quelques clients s’attablent au restaurant « Le bicentenaire », enceinte pouvant accueillir plus de 100 personnes. Quoique quasi désert, c’est le rare département qui fonctionne dans ce centre inauguré en novembre 2015, selon un employé de la BRH trouvé sur place. Bien que nuançant ses propos, le responsable du centre de convention, qui n’a pas révélé son nom, confirme : « Le restaurant fonctionne. Nous organisons des activités à l’interne. On n’a pas encore pensé à accueillir des activités réalisées par d’autres institutions », lâche-t-il, laconiquement, avant de renvoyer la balle dans le camp du conseil pour toutes les autres préoccupations. « Je ne suis pas autorisé à fournir des informations à la presse. Veuillez contacter le conseil », a-t-il suggéré.

Un peu plus haut, à la rue des Casernes, quelques maisons en mal de ravalement accouplées à une chaussée délabrée recouverte d’immondices avoisinent l’imposant immeuble devant loger le Ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales (MICT). Dans ce décor, l’affluence n’est pas anémiée. Petites marchandes, débardeurs et gagne-petit se côtoient. Sur la cour, quelques agents de sécurité montent la garde. À l’intérieur du bâtiment, dans une petite pièce, un expatrié somnole, les pieds allongés sur son bureau, tandis qu’à côté, deux autres Haïtiens prennent leur repas du midi. Ces employés du service de supervision ne sont pas en mesure de communiquer des informations sur cet immeuble inauguré en février 2016 par Michel Martelly. Il aura fallu attendre la finition des travaux pour que le ministère soit logé dans le bâtiment. Pour l’heure, on ignore à quel point sont ces travaux. Aucun ouvrier n’a été remarqué sur place ce mercredi. Le Nouvelliste a tenté de contacter le directeur de l’UCLBP, Clément Bélizaire. En vain.

On monte. Une partie de l’aire du Champ de Mars a été difficile d’accès durant toute la journée de ce mercredi. Des agents de l’USGPN ont empêché les usagers d’approcher le Ciné Triomphe qui accueillait le président de la République, Jocelerme Privert. Ce dernier participait au lancement officiel d’un symposium initiatique à l’intention des nouveaux élus municipaux, organisé par le MICT. Cette occasion résume les nouvelles affectations de ce géant bâtiment du Champ de Mars. Parce que le cinéma est mort, le Ciné Triomphe reste seul dans son périmètre, accueillant quelques rares événements. C’est pratiquement le même constat pour le kiosque Occide Jeanty. Mis à part les festivités de la 12e édition de Carifesta, les évènements qu’accueille le site se comptent sur les doigts d’une main. Il doit composer avec les herbes sauvages qui parsèment le dos de ses gradins, les sans-abri passant la nuit à la belle étoile, et les oisifs qui tuent le temps sur la plus grande place publique du pays.

Jean Daniel Sénat

jdsenat@lenouvelliste.com -


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie