MosaikHub Magazine
ENQUETE SUR PETROCARIBE

Le rapport remis en question, Latortue explique

mercredi 24 août 2016

Le rapport de la commission Éthique et Anticorruption du Sénat a été présenté ce mardi à l’assemblée des sénateurs. Ces derniers ne l’ont ni approuvé ni rejeté. Ils ont plutôt demandé d’approfondir l’enquête. Avant la séance, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer plusieurs aspects du rapport et il y a eu des interrogations sur le mode de rédaction. Le sénateur Youri Latortue, le premier des commissaires, a apporté des précisions.

Les réactions fleurissent, une semaine après la publication du rapport de la commission Éthique et Anticorruption. Cette fois-ci, ce n’est pas Laurent Lamothe, ni Marie Carmelle Jean Marie qui le clouent au pilori, mais plutôt des voix discordantes au Sénat qui s’en distancient. La ficelle se détire de l’intérieur. Le sénateur Onondieu Louis, secrétaire-rapporteur de la commission, n’y va pas de main morte. « Je suis en train de lire le rapport et j’y constate des irrégularités », révèle-t-il, sans maquillage. Le parlementaire, qu’on avait remarqué actif dans les auditions de hauts fonctionnaires ayant eu leurs mains trempées dans la gestion du fonds PetroCaribe, affirme qu’il n’a pas sa touche dans le document, qu’il n’a pas pris part dans sa rédaction…

Les sénateurs, après une longue hibernation, devraient tenir séance ce mardi. En plus d’autres dossiers en souffrance dans leurs tiroirs, ils devraient plancher sur le rapport, dont les recommandations n’ont cessé de remuer l’actualité. Onondieu Louis qui a pris part mercredi dernier à la remise du rapport au président du Sénat, croit qu’il « faudra du temps à ses pairs pour l’analyser » avant de se prononcer. Youri Latortue, président de la commission, sénateur de l’Artibonite, pour prendre le contre-pied d’Onondieu Louis, indique que ce dernier « l’a reçu et l’a signé ». Sur la rédaction du rapport, Latortue explique qu’ils ont fait appel à des techniciens de la C3 édition. « Aussitôt cette étape franchie, un draft du document a été remis à chaque sénateur. », détaille-t-il, ajoutant que beaucoup s’appliquent à « diviser les pères conscrits ».

Ceux qui crachent sur les recommandations du rapport et qui donnent une couleur politique à l’orientation de ces dernières n’ont pas réussi à intimider Youri Latortue. Quand on lui objecte le fait que Cyrus Sibert, journaliste au Cap-Haitien, a scripté un email publié sur le Rezonòdwès où il laisse comprendre que les conclusions du rapport ont été dictées par Youri Mevs, Youri Latortue parle de « distractions ». « Je ne vais pas me laisser influencer », dit-il, serein, insinuant que beaucoup ont intérêt à ce que se pérennise la « grande tradition de corruption » inhérente à cette portion d’île. Le puissant sénateur de l’Artibonite soutient que les sénateurs « ont fait des recommandations qui se basent sur des faits », sans se priver de tacler Cyrus Sibert qui, à ses yeux, est sous les bottes de Laurent Lamothe, lui-même mis en cause dans le rapport. Entre deux soupirs, Latortue se fend d’un petit message à ses détracteurs : « C’est aux faits qu’ils doivent s’attaquer, pas aux gens ! »

« Evans Paul n’a pas signé de contrats », répond Youri Latortue, quand on lui fait part des appréhensions de moult observateurs qui croient dur comme fer que le rapport de la commission utilise deux poids deux mesures dans la mesure où il n’en a cure de certaines firmes et personnalités, tout en s’en prenant à d’autres. Contrairement à Lamothe et Bellerive, KP n’a pas eu une responsabilité directe dans la signature des contrats, explique Youri Latortue, joint au téléphone, un peu après 15 heures. Sur la construction des terrains de football – projet piloté par le fils de l’ancien président Martelly – ayant gobé plus d’une centaine de millions de dollars, Youri Latortue indique que le rapport en parle. Mais, s’empresse-t-il de souligner, il faudrait attendre la publication officielle de celui-ci. En attendant que les pères conscrits planchent là-dessus ce mardi, le parlementaire, croyant que cette enquête peut déboucher sur un grand procès dans le pays, dit avoir le « moral au beau fixe »

« J’ai mes réserves sur le rapport », jette Jacques Sauveur Jean, joint lui aussi au téléphone. Le sénateur, membre de la commission, se garde de les exprimer. Dans un style qui lui est propre, il brandit l’argument de sa « jeunesse » au Parlement où, dit-il, il apprend d’abord à observer les choses avant de se donner le grand bain. Sur les recommandations du rapport, dont il a déjà pris connaissance, il parle d’une « vaste piste à explorer ». N’écartant pas la thèse que des modifications pourraient être apportées au document par les sénateurs, le chanteur-sénateur croit qu’il y a « des points dans le rapport qui lèvent le voile sur ce que font des hommes d’État secrètement », en dehors de la loi. Il parle d’un « système défaillant » et soutient, en pesant ses mots, qu’il « faut penser à refonder les choses en profondeur ».

Le sénateur Jean Baptiste Bien-Aimé, à deux pas de son bureau au Bicentenaire, a confié son « doute », sa « suspicion », sur le travail de la commission. Un temps membre de celle-ci, il explique pourquoi il a abandonné le navire. « J’avais rapidement compris qu’ils cherchaient à protéger un groupe de personnes et à en combattre un autre », argue Jean Baptiste Bien-Aimé, pour qui il est incompréhensible que lumière n’ait pas été faite sur la construction des terrains de football. Le travail de la commission a été impartial ? Il ne se prête pas au jeu. Il attend, comme d’autres, la séance de demain (si les sénateurs parviennent à réunir le quorum) où les langues vont forcément se délier, d’autant que des pères conscrits ne parlent point le même langage, du moins pour l’heure…

AUTEUR

Juno Jean Baptiste

jjeanbaptiste@lenouvelliste.com


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie