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Coups de massue contre l’empire Clinton en Haïti…

vendredi 16 septembre 2016

« Pour une démocratie considérée comme exemplaire, on peut s’étonner de l’étrange mélange des rôles public/privé, Département d’État/Fondation Clinton, Hillary/Bill Clinton dont les agissements s’imbriquent à tel point qu’il devient impossible de discerner quand il s’agit d’une politique d’État ou quand des simples, néanmoins puissants intérêts privés sont en jeu », Ricardo Seitenfus.

Des e-mails privés de Hillary Clinton, ex-secrétaire d’Etat américain, candidate démocrate à la Maison-Blanche, sont sur la place publique. Quelques-uns confortent la position de ceux pour qui la prise du pouvoir de Michel Martelly est le fruit d’un « deal » avec le clan Clinton dont le tout-puissant patriarche, l’ex-président américain, Bill Clinton, était un peu le chef d’orchestre de la « reconstruction d’Haïti » avec sa casquette de coprésident de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH). « Cela m’en a tout l’air qu’il y a eu un deal avec Michel Martelly pour l’aider à accéder au pouvoir », a estimé Mirlande Manigat dans une interview au journal, le mercredi 14 septembre 2016. « On ne m’a proposé aucun deal sans doute parce qu’on savait déjà que je ne suis pas une personne qui tombe dans le piège des deals », a-t-elle poursuivi, maintenant qu’elle avait gagné la présidentielle de 2011.

Elle n’est pas « ravie » mais a moins « d’amertume », cinq ans après, alors que ces e-mails, tombés dans le domaine public, démasquent et démontrent l’absence de frontière entre la diplomatie américaine et la fondation Clinton. « Depuis le début, on avait dit qu’il y avait une interférence américaine dans ces élections », a rappelé Mirlande Manigat, qui relève, à défaut, « des accusations directes », des « insinuations » dans ces e-mails. « Comprenne qui voudra, mais moi j’ai compris. J’ai compris que c’est une confirmation de toutes les inquiétudes et des interrogations que nous avions lors des dernières élections », a affirmé Mirlande Manigat, estimant qu’il y a une leçon à tirer de cette expérience pour les politiques et l’ensemble du pays. « Il faut se méfier de l’interférence des étrangers dans les affaires internes d’Haïti », a-t-elle dit. « Le étrangers se mêlent de nos affaires parce qu’il y a des Haïtiens qui leur ouvrent la porte », a regretté Mirlande Manigat.

Le professeur Ricardo Seitenfus, ex-représentant de l’OEA, auteur de l’ouvrage « L’échec de l’aide internationale à Haïti …Dilemme et égarement », plaie de certains diplomates adeptes de l’omerta, en poste pendant ces évènements, relève les concordances entre des témoignages rapportés dans son livre et ces e-mails. Il n’y a pas que ça. « Ces communications - il faut souligner qu’il s’agit de quelques e-mails et que l’ensemble des documents ne sera en libre accès que dans plusieurs années - montrent que la stratégie des États-Unis embrasse une multitude de thèmes. Parmi ceux-ci, les affaires politiques, spécialement les affaires électorales et les affaires économiques (reconstruction, aide via ONG, affaires privées) sont les plus importantes », a confié Ricardo Seitenfus au journal.

Il tance les Américains. « Pour une démocratie considérée comme exemplaire, on peut s’étonner de l’étrange mélange des rôles public/privé, Département d’État/Fondation Clinton, Hillary/Bill Clinton) dont les agissements s’imbriquent à tel point qu’il devient impossible de discerner quand il s’agit d’une politique d’État ou quand de simples, néanmoins puissants intérêts privés sont en jeu », a noté Ricardo Seitenfus, qui dézingue les Nations unies, la communauté Internationale. « La soi-disant Communauté Internationale, spécialement les Nations unies, ne sort pas grandie suite à ces révélations. Il semble qu’elles ne sont même pas des strapontins mais plutôt des marionnettes », a indiqué l’ex-représentant de l’OEA estimant qu’il « transparaît que c’est Washington et seulement Washington qui est l’unique centre de pouvoir en charge des affaires haïtiennes ». « A cet égard, le rôle de l’Amérique latine - rappelons que la région fournit 70% des troupes de la MINUSTAH - est négligeable et négligé », a affirmé le Brésilien.

Les leçons ?

Ces e-mails rendent des « services importants » aux Haïtiens. Ils doivent faire en sorte « que les Haïtiens prennent conscience d’une réalité encore présente et suffocante ». Pour Ricardo Seitenfus, parce que les Haïtiens n’ont pas attendre les livres d’histoire pour comprendre cette réalité, ils « peuvent », « ils doivent » agir, a appelé Ricardo Seitenfus. « Comment ? J’ai la certitude qu’un premier pas a été fait en nationalisant les élections », a-t-il dit, insistant sur le fait que les affaires politiques, les affaires électorales ne doivent jamais être aux mains des étrangers. « D’aucun étranger », a souligné Ricardo Seitenfus. « La vertu de la démocratie est un apprentissage. Elle ne s’achète pas. Elle n’est pas une marchandise. Faites, Haïtiens, votre démocratie, avec vos moyens. Avec vos qualités, vos limitations et vos défauts. Mais faites vous-mêmes », a-t-il dit. « Votre premier devoir est celui de comparaître de façon massive aux prochaines joutes et d’exercer en toute liberté et sans aucune sorte de menace ou de violence votre devoir citoyen. C’est la condition sine qua non pour recouvrer l’autre sens de la nationalité : la récupération de votre souveraineté », a appelé Ricardo Seitenfus.

Les tentatives pour obtenir un commentaire de Jude Célestin, candidat de Inite écarté sous pression des Américains qui avaient reproché au président René Préval des agissements frauduleux en faveur de son poulain à l’époque, sont infructueuses. « Jude Célestin vient de partir. Vous l’avez raté de 10 minutes. Il est en campagne », a confié sa sœur Rita Célestin. L’ex-président René Préval, dont l’expulsion du pays était planifiée par Edmond Mulet, représentant du secrétaire général de l’ONU, n’était pas joignable. C’est sa sœur, Marie-Claude Calvin, qui a répondu au journal. L’ex-président est en dehors du pays, a confié sa sœur. L’ex-président Michel Martelly, cité lui aussi dans ces e-mails, est à l’étranger. « Michel Martelly n’est pas en Haïti », a répondu un de ses proches. Si le journal a pu entrer en contact avec le porte-parole de l’ambassade des Etats-Unis à Port-au-Prince, ce dernier n’est pas bavard. « Pas de commentaire sur cette question », a répondu poliment Karl Adam, soulignant qu’en « général » les Etats-Unis sont neutres lors des élections en Haïti et ailleurs.

Parmi les e-mails, il y a celui de Laura Graham. « La situation ne permet pas à Washington de rester sans rien faire. Ils l’ont élu et ils doivent [sic] faire pression sur lui. Il doit rester sous contrôle », a écrit Laura Graham, alors chef des opérations à la Fondation Clinton, à Bill Clinton au début de l’année 2012. Graham, selon CEPR, faisait référence au comportement on ne peut plus fantasque, et potentiellement dangereux du président Michel Martelly. Quand elle dit qu’« Ils l’ont élu », elle fait référence au gouvernement américain, qui est intervenu à travers l’OEA pour modifier les résultats des élections du premier tour en Haïti, propulsant Martelly au second tour. L’e-mail, l’un des nombreux envoyés par Graham au chef adjoint du personnel de Bill Clinton le 26 février 2012, a finalement été envoyé à la secrétaire d’Etat Hillary Clinton et à son principal conseiller, Cheryl Mills. La note est sans doute la preuve la plus tangible à ce jour que les principaux responsables, même au sein du camp Clinton, considèrent l’intervention américaine dans les élections de 2010 en Haïti comme étant décisive, selon CEPR. L’action des Clinton en Haïti est scrutée à un moment où la candidate démocrate, essoufflée, entame la dernière ligne droite dans la course à la présidence.
Roberson Alphonse

AUTEUR

Roberson Alphonse

robersonalphonse@lenouvelliste.com


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