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Festival Étonnants voyageurs

Le créole, expression du peuple

vendredi 9 décembre 2016

Ce samedi 3 décembre, entre 10 h et 12 h, à la Bibliothèque nationale d’Haïti, la construction de soi par la lecture, le langage de l’éducation, que prône la quatrième édition d’Etonnants voyageurs, a été un échange d’idées enflammées.

Le débat sur la langue créole, modéré par le poète Bonel Auguste, a réuni 4 écrivains haïtiens : Pierre Michel Chéry, auteur de Bebe Golgota ; Anivince Jean-Baptiste, poète et animateur culturel ; Ricardo Hippolyte, gagnant du prix René Philoctète 2015, et Jean Robert Léonidas, médecin et auteur de Prétendus créolismes. Ces hommes du monde littéraire haïtien ont tenté d’élucider le dilemme de l’écriture en créole. Pourquoi écrire en créole ?

Le public, peu nombreux, est jeune. Composé d’écoliers et d’étudiants, il partage, comme les panélistes, le souci de l’enjeu du créole et du français en Haïti. Quand un peuple se construit il le fait par ses racines. En effet, le dilemme éternel de la langue écrite et parlée en Haïti interpelle plus d’un et certains ont déjà leur position sur le sujet.

Pierre Michel Chéry, l’auteur de Bebe Golgota, a commencé le débat pour faire savoir que sa décision de n’écrire qu’en créole est un choix politique et social. On saura plus tard qu’Anivince et Ricardo, tous deux poètes, partagent son idéologie. Pour ces hommes, le créole est la langue de toutes les classes sociales et devrait donc être celle qui ait la priorité. « C’est une exclusion de la majeure partie du peuple que d’imposer lefrançais, dont un grand pourcentage est illettré », avance-t-il.

Anivince Jean-Baptiste, écrivain et membre de Sosyete Koukoi, renchérit en ces mots : « Se nan kreyòl mwen plis alèz. Pale ak ekri en kreyòl se yon jès idantite. » Un souci d’identité, de satisfaire un public essentiellement haïtien est, selon lui, sa priorité. « Lè w konn dimansyon psykanalitik ekriti, ou wè se yon eleman enpòtan nan yon sosyete. Jounen jodi a, fòk yon ekriven idantifye l paske fò n pa bliye idantite n se nan lang kreyòl li makonnen », conclut-il.
Ricardo Hippolyte est une image de cette jeunesse révoltée. Il explique au public que, par ses écrits, il essaie de décrire le réel, car sa meilleure plume, soutient-il, c’est dans le créole qu’elle trouve sa source. « Kreyòl se zouti pou m di tout sa m santi, tout sa m wè », maintient-il.

Les panélistes pensent que la langue française doit être une langue seconde au même titre que l’anglais ou autre. Ainsi, imposer le français comme il est fait en Haïti détruit l’imaginaire et met la majeure partie des citoyens en quarantaine.

Jean Robert Léonidas, médecin, fut le seul de ce débat à ne pas être outré par la place qu’on donne au créole dans la société haïtienne. « C’est un prétendu créolisme que de croire que le créole et le français sont différents l’un de l’autre », rétorque-t-il. Mes recherches m’ont permis de voir la similitude sévère entre les deux langues. Moi ce que je prône, c’est surtout et avant tout une balance équitable entre les deux langues en Haïti ». Le spécialiste en endocrinologie vote pour une gestion de cette déficience bilatérale. Ses écris mettent l’accent par ailleurs sur la place du créole dans le social, car, pour lui, les mots s’apprennent dans un contexte global. Ne parlons-nous pas le créole plus que nous ne l’écrivons ?

La littérature et la société marchent d’un commun accord ; l’un est le reflet de l’autre. Les éléments d’une société, ses mœurs, ses coutumes mais aussi ses manies sont les ingrédients qui épicent la bonne pâte littéraire haïtienne. Écrire en créole n’est pas seulement un devoir, c’est avant tout la marque identitaire du peuple.

Le débat a été vif. Chaque panéliste a démontré la raison et le bien-fondé du créole, et/ou de la langue française qui, elle aussi, est d’utilité. Il faut voir l’importance du français et ne pas perdre de vue que le créole est une langue qui doit être primée parce qu’elle seule a la capacité d’être comprise par chaque Haïtien quelle que soit sa classe sociale. Pourquoi écrire en créole ? Une question apparemment banale qui pourtant a enflammé la discussion au sein de la Bibliothèque nationale entre les partisans fervents du créole et ceux qui croient que les deux langues officielles peuvent cohabiter. Un véritable dilemme pour le citoyen haïtien.

AUTEUR

Géraldine Colin et Péguy F. C. Pierre


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