MosaikHub Magazine

Du 27 au 30 septembre est programmée à la...

lundi 16 janvier 2017

Du 27 au 30 septembre est programmée à la Fokal, la Cinémathèque de Pétion-Ville et l’Institut Français, la première édition du festival Massimadi. Ce festival de films et d’arts a pour mission première de présenter les réalités des communautés LGBTI

Ce festival veut surtout créer le dialogue afin de lever le voile sur les tabous, les persécutions et les préjugés qu’elles subissent. Si ce festival est reconnu au Canada, en Belgique et dans certains pays d’Afrique pour son combat, non pas pour faire accepter l’homosexualité, mais plutôt pour tenter d’expliquer les impacts néfastes de sa condamnation publique sur le développement social, individuel et psychologique, il semble qu’en Haïti la sauvegarde des « bonnes moeurs » et des valeurs familiales imposées sont incompatibles avec le respect des droits de l’homme.

Le Sénateur Renel Sénatus, fidèle à lui-même a fait une sortie contre la tenue du festival Massimadi estimant que cette manifestation culturelle était une entrave à la paix sociale et à l’équilibre familial. Monsieur Sénatus dans son illusion utopique est parvenu à se trouver un acolyte de taille, le Commissaire du gouvernement Danton Léger. Ce dernier va tout faire pour interdire formellement le festival et a précisé que des mesures seront prises afin de freiner toute forme d’homosexualité dans le pays. Bonne chance messieurs ! Votre pouvoir serait-il divin ?

Protéger la famille à tout prix

Danton Léger et Renel Sénatus ont à coeur le respect de l’article 259 de la constitution haïtienne qui stipule : L’Etat protège la Famille base fondamentale de la Société. Un petit article de quelques mots pour brimer la liberté individuelle de milliers de citoyens haïtiens.

Mais où sont ces fervents défenseurs de la famille quand on dénombre au pays au moins 400 000 enfants (aux trois quarts des filles) qui vivent en domesticité ? Que font Léger et Sénatus pour garantir le respect de ces enfants Restavek ? Réponse : Rien !

Que font-ils quand l’impunité est norme dans les cas de violence conjugale ? La violence sur les femmes constitue la principale source d’instabilité dans les familles haïtiennes selon le Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes. Réponse : Rien !

Que font-ils face au viol qui est un fléau social ? Selon un rapport de la Section des droits de l’Homme (SDH) de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) publié en août 2013, les institutions chargées de la justice et de l’application des lois n’agissent de manière appropriée que dans une très petite proportion des plaintes pour violences sexuelles qu’elles reçoivent. Face au déboutement prévisible de leurs plaintes ou le peu de moyens financiers qu’elles ont pour se défendre, les femmes n’osent même plus dénoncer ! Elles vivent leur fardeau en silence. Que font Léger et Sénatus pour protéger le socle de la famille, la mère, la femme, le pòto mitan ? Réponse : Rien

Que risquent ces hommes qui s’affichent librement aux bras de jeunes mineures qui grâce à leur argent et leur condition se croient tout permis ? Réponse : Rien

Que fait-on pour tous ces enfants qui quémandent jour et nuit dans les rues ? Réponse : Rien

Donc avec ce constat assez dur sur la réalité (crue et vraie) de la famille et l’inaction gouvernementale pour vraiment garantir son équilibre et sa protection, on peut se demander quelles sont les motivations réelles de Léger et Sénatus pour cette chasse aux sorcières qui vise les homosexuels. Car il va s’en dire que l’orientation sexuelle et le choix d’un partenaire de vie est sans conteste le « danger » le plus insignifiant qui guette l’équilibre de la famille haïtienne de nos jours.

Car si dans leurs allocutions, les deux intéressés se dédouanent d’être contre l’homosexualité, leur engagements et leur actions prouvent le contraire. C’est une chose de vouloir sauvegarder les valeurs républicaines, C’en une autre de travestir les écritures et les textes de lois pour imposer à tous ses idéologies archaïques.

Parlons constitution

Si Danton et Sénatus se reposent sur l’article 259 de la constitution pour justifier leur décision d’interdir le festival Massimadi. Voici d’autres articles de cette même constitution qui vont totalement à l’encontre de leur position. Si ces hommes de lois sont réellement ce qu’ils prétendent, ne devraient-ils pas appliquer les textes selon leur valeur fondamentale et non à des fins politiques et idéologiques qui attisent la haine, l’ostracisation, le rejet ?

Article 18

Les Haïtiens sont égaux devant la loi sous réserve des avantages conférés aux Haïtiens d’origine qui n’ont jamais renoncé à leur nationalité

Article 19 :

L’Etat a l’impérieuse obligation de garantir le droit à la vie, à la santé, au respect de la personne humaine, à tous les citoyens sans distinction, conformément à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Article 22 :

L’Etat reconnaît le droit de tout citoyen à un logement décent, à l’éducation, à l’alimentation et à la sécurité sociale.

Article 24 :

La liberté individuelle est garantie et protégée par l’Etat.

Article 28 :

Tout Haïtien ou toute haïtienne a le droit d’exprimer librement ses opinions, en toute matière par la voie qu’il choisit.

Article 31 :

La liberté d’association et de réunion sans armes à des fins politiques, économiques, sociales, culturelles ou toutes autres fins pacifiques est garantie.

Concernant la Déclaration universelle des droits de l’Homme qu’Haïti a accepté dans sa Constitution, il est indiqué ?

Article 2

Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.

Article 3

Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.

Article 20

1. Toute personne a droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques.

Tous ces articles ne feraient donc aucun poids devant article 259 ?

La religion dans tous cela ?

Les deux mousquetaires de la « bonne moralité » ont même brandi les Écritures bibliques pour justifier l’impardonnable ! Mais où étaient-ils lorsque le Pape François, deux semaines après la fusillade d’Orlando qui a causé la mort de 49 personnes et les blessures d’une cinquantaine d’autres rassemblées dans une boîte de nuit gay de Floride, a affirmé que, selon lui, « l’Église doit présenter ses excuses aux personnes homosexuelles qu’elle a offensées comme l’a dit récemment le cardinal Marx (un des proches conseillers du pape qui a dénoncé la marginalisation de l’homosexualité par l’Église, ndlr) » et que « nous, les chrétiens, devons présenter nos excuses de ne pas avoir accompagné tant de déchirures » et « de familles ». Le pape a rappelé que le catéchisme affirme que les homosexuels « ne doivent pas être discriminés, mais respectés, accompagnés sur le plan pastoral », mais où étaient-ils donc ?

Les conséquences

Massimadi n’est qu’un festival qui dure 4 jours. Mais les personnes LGBTI vivent 365 jours par année, 24/24, 7/7 avec cette pression sociale qui les exclut, qui les juge, les punit, les rejette et les brime de leur liberté individuelle et sociale. Cet amalgame dangereux qu’affichent Léger et Sénatus (et tant d’autres encore) sont responsables de la détresse psychologique que doivent vivre ces hommes et ces femmes qui ont peur d’être ce qu’ils sont. Car si plusieurs croient que l’homosexualité est un choix, des études prouvent cependant que l’homosexualité trouverait ses origines dans la génétique et dans ce cas si l’homosexualité n’est pas un vice ou une perversion et quelque part même pas un choix, pourquoi devrait-on persécuter les homosexuels ?

Ce festival n’est pas une parade pour afficher sa fierté gaie ! C’est un festival pour permettre de comprendre, de réaliser à quel point l’homme est parfois un loup pour l’homme et comment on peut réussir à vivre en harmonie malgré nos différences. La violence morale et pire encore physique dont sont victimes les homosexuels en Haïti ne doivent pas être atisées par des discours de haine. Nous avons connu des incidents malheureux et des actes barbares contre les homosexuels, que le gouverment s’associe, par l’entreprise de ses sénateurs et de son commissaire, à ces derniers en appuyant cette rhétorique dangeureuse est grave. C’est une honte pour cette république qui est le symbole de la liberté pour le monde entier.

Interdir le festival Massimadi serait une erreur grave ! Non seulement, cela envoie le message que nous ne sommes pas tous égaux aux yeux de la loi, mais pire encore que nous vivons dans une société où le dialogue et la compréhension mutuelle ne sont pas permis. Que nous avons une constitution qui n’a aucun poids réel, car n’est respectée qu’à des fins partisanes et qu’au final, notre peur de la différence nous consumera, mais ça nous le savions déjà, nous le constatons au quotidien, mais nous ne faisons rien !

La violence et la peur

La FOKAL vient de publier une note de presse dans laquelle elle annonce son retrait du festival : " Ayant reçu de graves menaces, la Fokal pris la décision de ne plus accueillir des activités prévues dans le cadre du Festival Massimadi (projections, conférences et débats) qui devaient se dérouler le jeudi 29 septembre dans ses locaux.

Ce retrait basé sur la peur est l’exemple parfait de la haine et des dérives que les discours de Monsieur Sénatus et Léger entraînent. Ils cautionnent la violence et l’anarchie au détriment de la liberté et de la paix.

Bravo messieurs !

Tags :

Homosexualité

LGBT

Massimadi

Fokal

Kouraj


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie