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Barack Obama, le président qui a oublié les Arabes

vendredi 20 janvier 2017

Syrie, Palestine, Arabie saoudite... Malgré les promesses, le bilan du président américain sortant vis-à-vis du monde arabe se révèle catastrophique.

Par Armin Arefi

Son discours historique prononcé au Caire, en 2009, où il prônait une réconciliation avec le monde musulman, avait suscité beaucoup d’espoir chez les populations arabes. L’obtention, la même année, du prix Nobel de la paix était censée l’encourager à trouver enfin une solution pour la création d’un État palestinien, qu’il avait appelée de ses vœux. Or, huit ans plus tard, force est de constater que Barack Obama a lamentablement échoué dans sa politique à l’égard du monde arabe.

Au Proche-Orient, sa dernière décision de laisser le Conseil de sécurité adopter une résolution condamnant la colonisation israélienne ne doit tromper personne. S’il rappelle l’illégalité des contructions israéliennes au regard du droit international et réaffirme l’attachement du Conseil de sécurité à la solution à deux États, le texte n’est assorti d’aucune mesure coercitive. Et sur le terrain, la poursuite tous azimuts de la colonisation israélienne à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, dont Obama avait pourtant réclamé la fin en 2009, renvoie tout hypothétique État palestinien aux calendes grecques. Depuis l’arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche, le nombre de colons israéliens a augmenté de près de 100 000 !

"La politique israélienne l’en a empêché" (diplomate)

"Barack Obama a essayé, mais c’est la politique israélienne qui l’a empêché de réussir toute tentative de médiation", confie un diplomate moyen-oriental. Sous l’impulsion d’Obama, le secrétaire d’État américain John Kerry n’a pas ménagé ses efforts pour trouver une issue à cet épineux conflit. De juillet 2013 à avril 2014, le chef de la diplomatie américaine a joué le rôle de médiateur pour arracher un accord bilatéral entre les deux camps. En vain, il s’est heurté au bulldozer de la colonisation israélienne. Et lorsqu’il a souhaité prendre publiquement la parole pour la dénoncer, il en a été dissuadé par Barack Obama en personne, qui souhaitait notamment ménager son indéfectible allié israélien pour ne pas compromettre les négociations sur un autre accord, celui sur le nucléaire iranien.

"Les relations entre les États-Unis et Israël empêchaient le président américain d’aller plus loin sur le dossier israélo-palestinien", souligne le diplomate moyen-oriental. Fin décembre, John Kerry a finalement exprimé le fond de sa pensée sur la réalité des obstacles empêchant toute paix au Proche-Orient, pointant "la menace que font peser les colonies" sur la solution à deux États. Trop tard. Au passage, le président américain a consenti à octroyer en septembre 2016 une aide militaire de 38 milliards de dollars sur dix ans à Israël, ce qui en fait le président américain de l’histoire le plus généreux envers l’État hébreu.

"Lorsque vous êtes la première puissance au monde, vous ne pouvez pas tergiverser sur la Syrie" (ex-haut diplomate français)

Mais l’échec le plus retentissant de Barack Obama a eu lieu en Syrie. Sa passivité a contribué à la pire tragédie humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale, avec au moins 310 000 morts, en majorité des populations arabes sunnites. Certes, le président américain a été élu sur la promesse de retirer ses troupes du Moyen-Orient, et a recentré sa diplomatie vers l’Asie, où se trouve désormais le véritable rival stratégique des États-Unis : la Chine. Mais comment le dirigeant de la première puissance militaire mondiale peut-il refuser d’intervenir en Syrie après l’attaque chimique de la Ghouta, en août 2013, alors qu’il a lui-même fixé à Bachar el-Assad une ligne rouge – l’utilisation d’armes chimiques – à ne pas franchir ?

"Sa volte-face a été le tournant de la guerre", confie un des plus hauts diplomates français à l’époque des faits. "Lorsque vous êtes la première puissance au monde, vous ne pouvez pas tergiverser sur la Syrie, surtout quand vous avez fixé des lignes rouges." Cette spectaculaire pirouette, couplée à un refus d’armer significativement l’Armée syrienne libre, a été déterminante dans la radicalisation de la rébellion arabe sunnite, et a offert un boulevard à Vladimir Poutine et à l’Iran pour sauver Bachar el-Assad et imposer leurs conditions en Syrie. "Poutine s’en est servi pour avancer comme dans du beurre en Syrie", conclut le haut diplomate français. Profitant de l’effacement américain, c’est à Moscou que le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a convié ses homologues iranien et turc pour appeler à un cessez-le-feu étendu en Syrie et convenir de l’évacuation des derniers civils d’Alep. Comme un symbole, les Syriens – régime comme opposition –, mais aussi les monarchies arabes du Golfe, en étaient écartés.

Retour des Perses

Le bilan moyen-oriental de Barack Obama compte toutefois un succès retentissant : l’accord sur le nucléaire iranien. Mais il bénéficie surtout aux Perses, en remettant en selle l’Iran sur la scène internationale et en confirmant son statut de puissance régionale. Au grand dam du principal rival de la République islamique chiite, l’Arabie saoudite arabe et wahhabite (version ultrarigoriste de l’islam sunnite, NDLR), pourtant alliée privilégiée des Américains, avec lesquels elle est liée depuis 1945 par un pacte pétrole contre protection.

Or, avec l’essor du gaz de schiste, les États-Unis sont désormais indépendants au niveau énergétique. Et ont moins de scrupules à blesser leur allié arabe dans la région. Déjà heurtée qu’Obama ait abandonné le président égyptien Hosni Moubarak à l’issue des "Printemps arabes", fâchée par sa volte-face syrienne sur les armes chimiques, l’Arabie saoudite a été effrayée par la redistribution des cartes régionales que pourrait permettre l’accord avec Téhéran.

L’Arabie saoudite, "chouchou" fâché

"Les pays arabes n’ont pas masqué leur crainte au sujet de cet accord même s’ils l’ont officiellement approuvé", pointe l’ancien diplomate François Nicoullaud, spécialiste du Moyen-Orient. "L’Arabie saoudite, qui demeure d’une certaine manière le chouchou des États-Unis, redoute de perdre cette place privilégiée au détriment de l’Iran." Pourtant, sous l’ère Obama, la présence militaire américaine n’a fait que se renforcer dans le Golfe, les États-Unis comptant quelque 30 000 soldats dans la région. "Si les Américains se sont un peu redéployés en Asie, cela ne s’est pas fait au détriment du Golfe", assure François Nicoullaud.

Peu importe. Échaudés par le rapprochement américano-iranien, et voyant la main de Téhéran dans le moindre conflit secouant la région, les Saoudiens ont mis les Américains devant le fait accompli en lançant en mars 2015, à la tête d’une coalition de pays arabes, une guerre dévastatrice au Yémen contre les rebelles chiites houthis, soutenus par l’Iran. Or, en dépit des critiques américaines sur le nombre élevé de pertes civiles – 10 000 selon l’ONU –, Riyad poursuit sans relâche ses bombardements, quitte à détruire un nouveau pays arabe de la région.


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