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Bernard Madoff continue à faire des affaires en prison

jeudi 26 janvier 2017

A 78 ans, l’ancien escroc a réussi à mettre la main sur le marché du chocolat chaud de sa prison de Caroline du Nord, dans laquelle il purge une peine de 150 ans.

Bonimenteur un jour, bonimenteur toujours. Bernard Madoff appartient à cette catégorie. Il est même sans doute ce que l’on fait de mieux dans le genre. Un artiste de l’embrouille, capable de vendre n’importe quoi à n’importe qui. Du fond de sa cellule de la prison fédérale de ­Butner (Caroline du Nord), à trois quarts d’heure au nord-est de Durham, celui qu’on a surnommé « Oncle Bernie », à cause de sa bonhomie capable d’instaurer instantanément la confiance, continue à faire des affaires. S’enrichir sur le dos de ses contemporains, qu’ils soient acteurs, riches rentiers ou simples codétenus, est chez lui une seconde nature.

On ne présente plus Bernard Madoff, condamné en 2009 à 150 ans de prison pour avoir organisé la plus grande chaîne de Ponzi de tous les temps. Il avait ainsi réussi à arnaquer près de 20 000 investisseurs à qui il promettait des rendements mirobolants. Les versements des derniers arrivés permettaient de rétribuer ceux qui les avaient précédés dans cette course à l’avidité. Une belle chaîne de solidarité qui a fini par se rompre lorsque la crise financière de 2008 emporta tout. Bilan de l’escroquerie : plus de 64 milliards de dollars partis en fumée.

Aujourd’hui, Bernard Madoff, 78 ans, est derrière les barreaux et pas vraiment repenti. Il semblerait même que, pour lui, c’est Business as usual. « Bernie a été un brillant homme d’affaires, avec une vision originale du marché, et il continue à utiliser ses instincts en prison, raconte Steve Fishman, un journaliste américain qui le suit depuis des années et s’entretient avec lui régulièrement au parloir de la prison. A un moment, il a réussi à mettre la main sur le marché du chocolat chaud en prison, en rachetant tout le stock disponible pour le revendre avec profit dans la cour de promenade. »

Ces échanges entre Madoff et le journaliste ont donné naissance à « Ponzi Supernova », une série qui vient de sortir sur Audible, la filiale d’Amazon spécialisée dans les téléchargements audio. Les quatre premiers épisodes sont, d’ores et déjà, accessibles, en attendant deux autres dans les prochaines semaines.

« Un héros aux yeux des détenus »

Outre les confessions de Bernard Madoff, « Ponzi Supernova » fait intervenir des enquêteurs du FBI ou de la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme de la Bourse américaine, qui ont travaillé sur le dossier. On apprend ainsi, par le menu, les coulisses de l’exploit qui en ont fait l’un des escrocs les plus célèbres du monde, mais aussi les moindres détails de sa vie quotidienne aujourd’hui, comme détenu le plus populaire de sa prison.

D’après la série, l’aigrefin y est effectivement comme un poisson dans l’eau. « C’est une star ici. Il a volé plus d’argent que quiconque dans l’histoire, ce qui fait de lui un héros aux yeux des autres détenus », confiait récemment M. Fishman au site financier MarketWatch. Comme le rappelle l’un des enquêteurs du FBI, Keith Kelly, « il a refusé de balancer ses employés et ça, dans l’univers carcéral, c’est une ­valeur cardinale ». Son pedigree et le respect qu’il inspire l’ont ainsi amené à prodiguer des conseils financiers à certains prisonniers, leur indiquant les bons placements ou la façon de payer moins d’impôts.

Bernard Madoff est aussi un prisonnier modèle pour le personnel pénitentiaire, qui, petit à petit, lui a octroyé quelques faveurs. Ainsi, « Oncle Bernie » raconte que la porte de sa cellule « n’est pas fermée la nuit ». « J’ai une assez grande fenêtre, mais on ne peut pas l’ouvrir », plaisante-t-il.

Une gifle

Il a même réussi à se faire ­embaucher à la cafétéria de la prison, un « job en or », dixit l’un de ses codétenus. En tout cas l’endroit idéal pour organiser sa petite entreprise en court-circuitant à son profit l’approvisionnement de Swiss Miss, la marque de poudre instantanée de chocolat chaud auprès de laquelle la prison fédérale de Butner s’approvisionne. « Si vous en vouliez, vous deviez passer par Bernie », raconte Fishman, qui ne dit pas combien a ainsi empoché Bernard Madoff.

Le fait d’être respecté ne l’a pas empêché de se faire recadrer, comme ce jour où il voulut changer de chaîne dans la salle de télévision sans demander la permission, pour regarder l’émission d’actualité de CBS 60 Minutes. Une initiative qui lui valut une gifle d’un codétenu.

« Ponzi Supernova » revient sur la genèse de la gigantesque escroquerie qui l’a conduit en prison. Bernard Madoff explique la facilité déconcertante avec laquelle les plus grandes banques pouvaient lui proposer un milliard de dollars pour financer son affaire. « Il prétend qu’il a aidé beaucoup de gens à faire beaucoup d’argent et qu’il a été piégé par eux. En fait, l’essentiel de ses remords porte sur la façon dont il a bousillé sa carrière et sa famille, mais il se préoccupe moins du sort de ses victimes », analyse le journaliste.

Selon lui, « c’est une erreur de le voir comme un cas à part. Il a profité de la façon dont le système financier marchait, c’est ce que ne saisissent pas la plupart des gens. Ce n’était pas un monstre. Il était soutenu par le système, parce que celui-ci profitait de lui ».

Après tout, qu’il s’agisse de produits financiers à haut rendement ou de chocolat, le but est toujours le même : profiter des failles d’un système qui est bien en peine de donner des leçons de vertu.


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