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25 août 1680. Première représentation de la Comédie-Française, sept ans après la mort de Molière

mardi 26 août 2014

Un millier de spectateurs se pressent devant l’hôtel de Guénégaud pour assister à la naissance de la Troupe française des comédiens du roi.

Le 25 août 1680, une foule bigarrée encombre la rue devant le théâtre de Guénégaud, un ancien jeu de paume situé sur la rive gauche de Paris. Bourgeois, artisans, commerçants se pressent devant le guichet installé à l’entrée. Même si mousquetaires, chevau-légers et pages du roi entrent sans bourse délier, les comédiens de la troupe de feu Molière ouvrent de grands yeux devant l’affluence, souriant à l’idée de l’excellente recette qu’ils se partageront. Le millier de spectateurs payant devrait assurer une excellente recette de 1 500 livres. Le double de la représentation de l’avant-veille.

S’il y a foule pour assister au spectacle, c’est qu’en ce bel après-midi du dimanche de la Saint-Louis, il s’agit d’une grande première : la première représentation de la Troupe française des comédiens du roi ! Autrement dit : la naissance de la Comédie-Française. Au programme, pourtant, que des reprises : Phèdre de Racine, pièce écrite trois ans plus tôt, et Les Carrosses d’Orléans, une comédie en un acte de Jean de La Chapelle.

Sept ans auparavant, Molière est mort... dans son lit (voir éphéméride du 17 février). Aussitôt l’illustre comédien enterré, sa jeune veuve, Armande Béjart, prend en main la destinée de la compagnie avec le fidèle La Grange. Cela débute mal, car la troupe rivale du Théâtre de Bourgogne en profite pour convaincre plusieurs comédiens de Molière de la rejoindre, dont Michel Lenoir qui fut probablement l’amant d’Armande. Décimée, la Troupe du roi ne peut reprendre les représentations. Voyant cela, le salopard de Lully court réclamer à Louis XIV la salle du Palais Royal pour jouer ses opéras. Obligée de déménager, la troupe de Molière loue finalement l’hôtel de Guénégaud abandonné par... Lully. Ainsi se retrouve-t-elle à quelques pas du Jeu de paume des Métayers où Jean-Baptiste Poquelin et Madeleine Béjart avaient connu un cruel échec avec l’Illustre Théâtre en 1643 (voir éphéméride du 1er janvier).

Les six coups

Quand le théâtre du Marais ferme à son tour, plusieurs de ses comédiens rejoignent la Troupe du roi. "La troupe de feu sieur Molière ayant choisi ce qu’il y avait de bons acteurs dans la troupe du Marais, en a composé une des plus amples et des plus belles. Comme elle est en état de divertir Sa Majesté, le roi l’a honorée du nom de sa troupe", écrit le Mercure Galant. Désormais, la Troupe du roi compte 19 membres. Elle n’a plus comme seule rivale, à Paris, que la troupe de l’hôtel de Bourgogne qui s’appuie sur Racine. Durant sept ans, la guerre fait rage entre les deux théâtres. Elle s’éteint quand La Grange obtient le transfert de la jeune première de la troupe concurrente, Marie Champmeslé. C’est le coup de grâce obligeant le Théâtre de Bourgogne à suspendre ses représentations durant l’été 1680. Le 18 août, Louis XIV ordonne la jonction des deux troupes. L’hôtel de Guénégaud absorbe l’hôtel de Bourgogne. Ainsi naît la Comédie-Française le 25 août 1680 avec sa première représentation.

Dans la salle, le millier de spectateurs debout attend avec impatience le lever de rideau. Soudain, surprise, ils entendent frapper six coups et non pas trois comme il est d’usage. C’est pour rappeler que les comédiens du roi sont issus de la fusion de deux théâtres. Le 21 octobre 1680, le roi signe une lettre de cachet consacrant la fondation de la troupe unique composée de quinze hommes (Baron, Beauval, Champmeslé, Dauvilliers, Du Croisy, Guérin, La Grange, Hauteroche, Hubert, La Tuilerie, Poisson, Raisin cadet, Rosimond, Verneuil, Villiers) et douze femmes (Mesdemoiselles Baron, Beauval, Champmeslé, De Brie, Dennebault, Du Croisy, Dupin, Guiot, La Grange, Comte, Raisin). Sans oublier Armande Béjart, inscrite sous le nom de son nouveau mari, Guérin. L’acte d’association de la troupe est signé le 5 janvier 1681.

Pour une fois, citons nos sources : le fabuleux ouvrage d’Hélène Tierchant et de Gérard Watelet, La Grande Histoire de la Comédie-Française, éditions Télémaque.


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