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« Ce ne sont pas les bénéficiaires de TPS qui fuient les États-Unis », affirme le chancelier haïtien

jeudi 10 août 2017

Des 2 580 demandeurs d’asile au Canada, 60% sont originaires d’Haïti. Des statistiques balancées en marge d’une visite de deux ministres haïtiens, solidaires des réfugiés hébergés dans ces centres d’accueil à Montréal en attendant le traitement de leur demande.

Ces réfugiés, du moins la grande vague des nouveaux migrants, ne sont pas les Haïtiens qui ont le statut de protection temporaire aux États-Unis, a affirmé Antonio Rodrigue, ministre haïtien des Affaires étrangères. À La Maison d’Haïti, mardi soir, le chancelier a rencontré des leaders communautaires. Le temps aussi de répondre aux questions des journalistes présents. Transcription d’une partie de la conférence du ministre qui espère une amnistie du Congrès américain pour accorder un statut de résident permanent aux Haïtiens paniqués par la politique migratoire du président Donald Trump.

National -

Journaliste : Monsieur le ministre des Affaires étrangères, expliquez-nous d’abord le sens de votre visite. Pourquoi à Montréal et non les États-Unis.
Antonio Rodrigue : Le but de notre visite c’est pour d’abord apporter la solidarité du gouvernement et du peuple haïtiens à nos frères et sœurs qui sont arrivés ici [Montréal] dans les conditions que vous savez. Nous sommes sensibles à leur situation. [Nous voulons] évaluer leurs besoins, dans quelles conditions ils se trouvent... remercier également le gouvernement canadien pour ce qu’il a fait. Il accueille et héberge ces gens-là. [Nous témoignons] la gratitude du gouvernement haïtien, du pays tout entier. Nous discutons avec eux du futur des gens qui se trouvent ici. Accueillir et héberger c’est une première étape, il y a plein d’autres choses à faire. [Nous voulions] savoir quelles sont les suites à cette situation présente. Dans ce sens, nous avons rencontré le maire de Montréal. Nous avons parlé également avec la ministre de l’Immigration du Québec (…) aux compatriotes qui sont ici. On a parlé de documents d’identité, de passeport... Voir comment les donner à ceux qui n’en n’ont pas. Ils vont en avoir besoin pour tout le processus d’inscription, de régularisation de leur statut (…)
Pourquoi ici et non les États-Unis ? Aux États-Unis on ne voit pas ces images circulant sur les réseaux sociaux. Toutes les images d’Haïtiens qui traversent la frontière. On a beau dire que ce sont des gens qui fuient les États-Unis à cause de l’échéance de janvier [2018] du TPS. Mais, les faits montrent que ce n’est pas tout à fait le cas. Une grande majorité provient d’autres lieux comme le Brésil, le Mexique…Ou, il y a encore des gens qui viennent des États-Unis même, mais ce sont des gens qui vivaient en situation irrégulière, sans être [des bénéficiaires] du TPS. Oui, il y a des gens qui ont le TPS, mais ce n’est pas uniquement que des bénéficiaires de TPS qui sont ici (...). Ce sont des gens qui travaillent, qui sont dans des situations assez confortables. Ils ont des maisons, des voitures…Ils n’allaient pas laisser tout ça d’un coup et venir au Canada. Peut-être en amont, il y a cette population qui regarde ce qui va se passer d’ici janvier pour prendre à ce moment des décisions.
Journaliste : En parlant de TPS, dans quel état sont vos discussions avec les autorités américaines ?
Antonio Rodrigue : Les discussions se poursuivent. J’ai eu personnellement des discussions avec les autorités américaines à Washington. Le secrétaire [du département de la sécurité intérieure des États-Unis] John Kelly est venu en Haïti également. Le président [Jovenel] Moïse a parlé au vice-président américain à ce sujet. Dernièrement le président a rencontré un groupe de congressman américain. Parmi les sujets débattus, il y avait la question de TPS. D’autre part, à Washington, notre ambassadeur, en particulier, continue à faire la gestion de cette question. De temps à autre, il a des contacts avec des officiels américains du Département d’État. Il rencontre également des groupes de pression du congrès américain, du Black Caucus qui nous appuie dans ce sens. Pour avoir une nouvelle extension du TPS. Nous avons une extension de six mois, jusqu’à janvier. Le secrétaire Kelly avait indiqué qu’avant l’expiration des six mois, il allait évaluer la situation pour voir s’il y a la possibilité ou encore la nécessité de donner une nouvelle extension de six mois ou de mettre un terme [au programme]. D’après ce qu’il [Kelly] a dit, et il l’a répété à maintes reprises, c’est un statut temporaire, donc, un jour ou l’autre ça va finir.
Mais avec l’administration Trump qui a une nouvelle vision, une nouvelle politique migratoire, ce n’est pas évident que le TPS va continuer à se faire aux États-Unis. D’ailleurs, il y a des [ressortissants] de pays d’Afrique qui ont déjà perdu ce statut. Ce sont des pays qui étaient frappés par l’Ebola [maladie à virus]. Ils (les États-Unis) disent qu’il y a une situation [sanitaire] qui s’est améliorée, même si ce n’est pas totalement éradiqué (l’Ebola), les gens peuvent repartir. Il y a aussi des [habitants] de pays de l’Amérique centrale, dont Honduras et Nicaragua qui étaient frappés par le cyclone Mitch, qui sont aussi bénéficiaires. Eux, leur statut arriveront à expiration en janvier également. Les États-Unis veulent éliminer ce statut.
Journaliste : Du côté d’Haïti, qu’est-ce que vous allez faire pour accueillir, voire intégrer les Haïtiens établis temporairement aux États-Unis, si jamais on n’obtient pas la possible extension évoquée par Kelly ?
Antonio Rodrigue : On n’entend pas arriver jusque-là, parce qu’il y a plein d’actions en cours. Parmi ces actions, il y a des discussions pour essayer de mettre dans notre camp des personnalités influentes, de poids, pour que le congrès américain puisse passer une loi pour accorder l’amnistie qui permettra aux gens qui sont dans le TPS d’obtenir un statut de résident permanent. C’est ça la meilleure option. Si nos frères doivent retourner en Haïti, évidemment on doit se préparer. Le gouvernement mettra en place toutes les structures nécessaires pour les accueillir et les insérer dans le pays.

Claude Gilles
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