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Qu’est-ce que l’écriture inclusive ?

lundi 16 octobre 2017

L’écriture inclusive fait progressivement son apparition dans le débat public. Ses soutiens y voient une meilleure inclusion des femmes dans la langue, ses détracteurs un "enlaidissement" et une complexité supplémentaire dans l’apprentissage du français. Comment se traduit en réalité ce mode d’écriture alternatif ? 
Marlène Schiappa la promeut, Jean-Michel Blanquer craint qu’elle "n’abîme notre langue", même si "la cause est bonne". L’écriture inclusive fait désormais débat jusqu’au sein même du gouvernement. Mais concrètement, qu’est-ce que c’est ?

L’écriture inclusive en trois principes
L’écriture inclusive est décrite comme un "ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les hommes et les femmes" dans le Manuel d’écriture inclusive édité par l’agence de communication Mots-Clés.
S’appuyant sur les recommandations du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) le Manuel d’écriture inclusive la résume en trois grands principes : 

Accorder en genre les noms de fonctions, grades, métiers et titres, y compris au féminin
User à chaque fois du féminin et du masculin, "que ce soit par l’énumération par ordre alphabétique, l’usage d’un point milieu, ou les recours aux termes épicènes" (dont la forme ne varie pas au masculin ou au féminin)
Ne plus employer les antonomases (quand un nom commun est utilisé comme un nom propre) des substantifs "femme" et "homme". Ainsi, au lieu de "droits de l’Homme", on pourrait employer "droits humains". 
A quoi ça ressemble ?
Si la féminisation des noms de certains de métiers a provoqué des crispations il y a quelques années, c’est désormais autour d’un "point milieu" ou d’un point que se concentrent les critiques.
Pour que le discours inclue tout le monde, le HCE conseille à l’oral d’employer "les mots et/ou adjectifs au féminin et au masculin, par ordre alphabétique dans la mesure du possible".
A l’écrit, cette forme orale peut également. Mais le texte évoque aussi, et c’est là que cela coince pour certains, l’utilisation du point : là où l’on pouvait lire avant "des conseillers municipaux", il pourrait être écrit "des conseiller.ère.s municipaux.ales", selon une composition "racine du mot + suffixe masculin + point + suffixe féminin".

Le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer trouve que cela "ajoute une complexité qui n’est pas nécessaire" et craint que cela "n’abîme notre langue", à l’instar d’autres détracteurs de l’écriture inclusive qui, comme l’Académicien Michael Edwards, considèrent que c’est un "enlaidissement" de la langue.
Un long parcours
Pourtant, dans l’accord des noms et adjectifs, le guide du HCE souligne que le masculin ne l’a pas toujours emporté sur le féminin. "Jusqu’au XVIIe siècle, tous les noms de métiers, fonctions et dignités exercé.e.s par des femmes étaient nommé.e.s au féminin, de même que tous les métiers, fonctions et dignités exercé.e.s par des hommes l’étaient au masculin", rappelle le texte.
Ce n’est que vers 1600 que la règle favorisant l’accord au masculin finit par l’emporter, au motif que "le masculin est plus noble que le féminin", selon notamment l’Académicien Claude Favre de Vaugelas.
Déjà lors de la Révolution française, les femmes réclament que cet usage cesse, notamment lors d’un projet de décret en 1792.
Le HCE indique "soutenir la réhabilitation de l’usage de la règle de proximité, qui consiste à accorder les mots avec le terme le plus rapproché", comme dans "les hommes et les femmes sont belles".
Pourquoi l’utiliser ?
Longtemps cantonnée dans les discours féministes, les publications militantes et parfois les communications de certains mouvements politiques, l’écriture inclusive devient aujourd’hui un sujet grand public.
En 2008, une recommandation du Conseil de l’Europe suggérait déjà "l’élimination du sexisme dans le langage et la promotion d’un langage reflétant le principe d’égalité entre les femmes et les hommes". En France, l’article 1 de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes du 4 août 2014 exige une "approche intégrée de l’égalité". Une disposition législative ensuite appuyée par plusieurs autres articles, chartes et protocoles.
Mardi dernier, Muriel Pénicaud et Marlène Schiappa ont présenté le guide Mon entreprise s’engage à destination des PME et TPE pour promouvoir l’égalité femmes-hommes en entreprise, qui promeut notamment l’utilisation de l’écriture inclusive. 
Un manuel scolaire de CE2 de chez Hatier a également été rédigé en écriture inclusive. 

"Pendant 150 ans, les femmes n’ont pas eu le droit de vote. On considérait qu’elles étaient représentées par leur père, leur frère, etc.," explique Éliane Viennot, professeure émérite de littérature française, à Ouest-France. "Or, on a fini par admettre que la représentation politique devait être mixte. La représentation linguistique doit l’être aussi. Si on veut aller vers une société égalitaire, notre langage doit changer ", estime-t-elle.


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