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Le destin de Gaza toujours aux mains d’Israël

dimanche 22 octobre 2017

Benyamin Nétanyahou pourrait être tenté de saboter, comme il l’avait fait en 2014, le processus de réconciliation inter-palestinienne.

Signature, le 12 octobre au Caire, d’un accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas
Le Premier ministre Nétanyahou, en arrivant au pouvoir en 2009, a hérité d’une division entre la Cisjordanie et la bande de Gaza qui lui est à tous égards favorable. L’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, dominée par le Fatah à Ramallah, ne peut plus prétendre représenter l’ensemble du peuple palestinien, ce qui l’a encore plus affaiblie face à Israël. Quant au blocus imposé à la bande de Gaza, sous contrôle du Hamas, il permet d’exclure deux millions de Palestiniens de l’équation démographique avec la population juive d’Israël et des colonies (à Jérusalem-Est et en Cisjordanie). L’éventualité d’une réconciliation authentique entre le Fatah et le Hamas place donc le chef du gouvernement israélien dans une position inédite.
L’OMBRE DE DAHLAN
Nétanyahou misait jusqu’à récemment sur un tout autre scénario à Gaza : le transfert du pouvoir à Mohammed Dahlan, longtemps l’homme fort de l’Autorité palestinienne à Gaza, avant d’en être expulsé par le Hamas en 2007, puis d’être exclu du Fatah en 2011. Désormais installé à Abou Dhabi, Dahlan bénéficie du soutien sans faille des Emirats arabes unis et d’une relation très intime avec la hiérarchie militaire en Egypte (au point de mener des missions sensibles au profit du « maréchal » Haftar, le protégé des Emirats comme de l’Egypte en Libye). Lui-même natif de la bande de Gaza, Dahlan y a financé généreusement des actions « sociales », notamment des mariages collectifs, afin d’y consolider des réseaux de soutien et une base populaire.
Cette montée en puissance de Dahlan, toujours persona non grata en Palestine, a contribué à la réorganisation interne et programmatique du Hamas : Yahya Sinouar, le chef historique de la sécurité interne du mouvement, en a pris le contrôle pour la bande de Gaza, marginalisant la direction politique, à qui une nouvelle charte du Hamas, enfin débarrassée de sa rhétorique antisémite, a cependant été concédée. Sinouar, sous la pression des services égyptiens, mais aussi pour éviter une confrontation dévastatrice avec Israël, travaillait à un partage du pouvoir à Gaza avec Dahlan : à celui-ci la gestion civile, au Hamas les affaires militaires, sur fond d’allègement graduel du blocus imposé par Israël et par l’Egypte à ce territoire palestinien.
LES DEFIS DE LA RECONCILIATION
Ce scénario d’un retour de Dahlan aux commandes de Gaza avait sans doute les faveurs de Nétanyahou. Il consolidait en effet la division entre la Cisjordanie et Gaza, si profitable à Israël dans ses projets de colonisation. Il permettait de substituer la dépendance du Hamas envers la générosité du Qatar à des transferts financiers des Emirats au profit de Dahlan, alors qu’Israël partage l’hostilité des Emirats à l’encontre des Frères musulmans et de leur mouvance. Un desserrement de l’étau israélo-égyptien sur Gaza répondait aussi aux inquiétudes de la communauté israélienne du renseignement quant à la « bombe à retardement » d’un territoire surpeuplé, privé de toute perspective (Israël, du fait de ces inquiétudes réitérées au plus haut niveau, avait ainsi relativement assoupli son blocus par rapport à la rigidité du siège imposé par l’Egypte à Gaza).
C’est une tout autre voie qu’ouvre l’accord signé le 12 octobre au Caire entre le Fatah et le Hamas, dix jours après la visite à Gaza du Premier ministre palestinien. Le président Abbas n’a pas ménagé ses efforts pour éviter que Gaza ne tombe sous la coupe de sa « bête noire » Dahlan, qu’il accuse dorénavant de tous les crimes. L’Autorité palestinienne est censée reprendre au 1er décembre le contrôle effectif de la bande de Gaza, et donc des points de passage avec Israël et avec l’Egypte. Le Hamas s’engage à intégrer l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), signataire des accords de paix avec Israël en 1993. Des élections générales devraient se dérouler sur cette base, pour la première fois depuis la présidentielle de 2005 (qui avait vu la victoire d’Abbas) et les législatives de 2006 (marquées par le succès du Hamas).
LES OPTIONS DE NETANYAHOU
Le Premier ministre israélien a réagi très vigoureusement à la visite du Premier ministre palestinien à Gaza : « nous ne sommes pas prêts à accepter une réconciliation-bidon où la partie palestinienne se réconcilie aux dépens de notre existence ». Il a posé trois conditions à l’acceptation par Israël d’un tel processus : la reconnaissance de l’Etat d’Israël par le Hamas ; le démantèlement de sa branche armée, les brigades Qassam ; et la rupture des liens entre l’Iran et le Hamas. Il a depuis martelé qu’une telle réconciliation « rendait la paix bien plus difficile à atteindre ». Il a également rappelé son exigence d’une libération par le Hamas de deux civils israéliens détenus à Gaza et de la restitution des dépouilles de deux militaires israéliens.
Des pourparlers sont en cours dans le cadre d’un échange de prisonniers que le Hamas souhaite élargir à ses cadres politiques arrêtés par Israël en Cisjordanie. De telles tractations complexes se sont déjà déroulées par le passé et avaient d’ailleurs abouti, entre autres, à la libération de Sinouar. Quant à la question de la reconnaissance d’Israël, le Hamas l’estime réglée par sa future intégration à l’OLP, qui a solennellement reconnu Israël depuis 1993. Nétanyahou ne satisfera certainement pas d’une telle posture et il continuera d’insister sur la démilitarisation du Hamas, même si les brigades Qassam respectent le cessez-le-feu en vigueur avec Israël depuis le terrible conflit de 2014.
Nétanyahou a ainsi posé des conditions qui ne seront remplies ni à court, ni à moyen terme. Il se donne les moyens de saboter le moment venu le processus de réconciliation entre le Fatah et le Hamas, comme il l’avait d’ailleurs fait en 2014, précipitant par cette escalade la « guerre de cinquante jours » autour de Gaza. Il sait disposer avec Dahlan d’une option alternative en cas d’échec du rapprochement en cours entre les « frères ennemis » palestiniens. Non seulement, cette réconciliation demeure pavée d’embûches, mais Israël peut donc choisir de la torpiller à l’étape de son choix.
Oui, aujourd’hui comme hier, le destin de Gaza demeure aux mains d’Israël.


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