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Ayiti tè glise, Ayiti tè k ap souke

jeudi 11 janvier 2018

Editorial -

Les décorations de Noël du Champ de Mars, la grande place publique au centre de la capitale haïtienne ont été défaites ce mercredi, deux jours avant le 12 janvier, huitième anniversaire du séisme de 2010 qui a causé la mort de plus de deux cent mille Haïtiens. Le sapin de Noël érigé dans la grande cour du palais national, résidence officielle du président haïtien, a, lui aussi, été démonté. Vendredi, le président Jovenel Moïse compte poser la première pierre de la reconstruction de ce bâtiment emblématique détruit par le tremblement de terre de 2010 comme la majorité des sièges des ministères et le centre-ville de Port-au-Prince. Pour marquer le 12 janvier, il y aura une cérémonie officielle du souvenir au mémorial de St-Christophe, au nord de Port-au-Prince, non loin des lieux où la majorité des victimes ont été enterrées. Les rescapés vont, sans doute, cette année encore, se tourner vers les églises pour trouver recueillement et réconfort. Comme en 2010, la douleur sera individuelle, le souvenir personnel. Il n’y a pas de grands rassemblements de prévus.
Les traces du séisme sont encore visibles. Il en sera ainsi des années. Huit ans après le tremblement de terre, la grande région métropolitaine et les villes de Léogâne et de Jacmel, zones les plus touchées par le sinistre, se relèvent lentement. Avec le lancement de la reconstruction du palais national, le président Jovenel Moïse rompt avec la politique de Michel Martelly qui voulait que le dernier sinistré logé sous une tente trouve un meilleur abri avant de reconstruire le siège de la présidence. Huit ans après le 12 janvier, il y a encore prés de 60 000 personnes dans des abris provisoires, mais en général, la vie a repris son cours dans la grande majorité des rues les plus affectées en 2010. La reconstruction n’est ni générale ni planifiée, mais elle se poursuit sans les aides annoncées, portée par les moyens des uns et des autres.
En Une du Nouvelliste de mercredi, l’expert haïtien Claude Prépetit dénonce le fait que « les décisions pour réduire le nombre de morts en cas de séisme majeur ne sont pas encore prises »…. C’est une déclaration très forte. L’ingénieur Claude Prépetit prêche dans le désert depuis des années. Avant 2010, il avait prévenu, à plusieurs reprises, que nous étions, en Haïti, à la veille d’un séisme majeur. Il n’a pas été entendu. Aujourd’hui, à la tête d’un organisme d’État sans moyens, il continue de dénoncer « les précautions non prises », particulièrement dans le secteur de la construction. On rebâtit, mais pas toujours mieux qu’avant.

Qu’est-ce qui a changé ici depuis le tremblement de terre de 2010 ?
Une chose a changé en Haïti depuis 2010 : nous sommes plus attentifs aux mouvements de la terre et sommes mieux informés. En l’espace de quarante-huit heures, deux séismes ont été enregistrés par l’Unité de surveillance sismique du Bureau des mines et de l’énergie que dirige Prépetit. Lundi, un séisme de 4,5 sur l’échelle de Richter au sud de la ville des Cayes. Un autre séisme de magnitude 3,19, mardi, à 15 kilomètres au sud de Port-au-Prince et de Carrefour, sur la même ligne de faille qui a provoqué le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Les multiples séismes de faible intensité de ces derniers jours ravivent de mauvais souvenirs. Pour Claude Prépetit, il n’y a rien de nouveau. Haïti est sur un réseau de failles qui bougent. Il déplore que nous n’ayons « malheureusement pas encore décidé de prendre des décisions drastiques au niveau du bâti et de l’éducation pour réduire réellement la vulnérabilité ». Pour lui, « Au moment où l’on cherche à avoir une meilleure connaissance de la sismicité, il faut des mesures de mitigation pour réduire la vulnérabilité des gens. L’objectif et la finalité c’est de réduire les pertes en vie humaine et en biens matériels », insiste celui qui a passé une bonne partie de sa vie à prévenir les Haïtiens des risques des séismes en Haïti.
Nous répétons tout le temps qu’Haïti est une terre glissée. Nous le disons, sourire aux lèvres, même quand c’est pour prévenir du pire. Il nous faudrait prendre l’habitude de rappeler qu’Haïti est une terre qui bouge et que cela tue. Ayiti tè k ap souke pi byen fè pòtre peyi a ke Ayiti tè glise.

Frantz Duval
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