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Arrestation par « arrimage » !

jeudi 1er février 2018

National -

Arrimage est le mot utilisé de nos jours par plus d’un pour qualifier toute arrestation effectuée par la police, sans forme ni condition en dehors des principes tracés par la législation haïtienne quand il s’agit de personnes prises dans le feu de l’action, sans avoir été visées.

De quand date l’utilisation de ce terme dans une telle acception ?
Tous les acteurs du système judiciaire et de la chaîne pénale s’accordent à dire que cette pratique remonte à la création de la Police nationale d’Haïti en 1995. Parce qu’à l’époque des Forces armées d’Haïti, ce concept n’était pas à l’ordre du jour. Il faut préciser que ce mot arrimage ne figure dans aucun rapport de police. Et, c’est de bonne guerre que cette expression n’existe pas dans la législation haïtienne. Elle est plutôt utilisée par la population en général et par les acteurs prépondérants du système judiciaire haïtien en particulier.
Dans leur pratique quotidienne, selon un parquetier, les policiers remplacent l’opération qualifiée d’arrimage par association de malfaiteurs, une infraction dûment réprimée par le Code pénal haïtien. Soulignons que l’infraction d’association de malfaiteurs est très souvent utilisée par la police quand il y a difficulté pour les policiers à qualifier juridiquement l’acte posé en dehors de tout motif valable.
Selon la police, l’arrestation est toujours légale. Cependant, la légalité d’une arrestation est tracée par les lois et la Constitution de la République. Car, en dehors des cas de flagrant délit, les policiers doivent être munis d’un mandat dûment rédigé en créole et en français par une autorité mandatée à cette fin, notamment le juge d’instruction, le juge né des mandats. Donc, toute arrestation effectuée en dehors de ces paramètres est considérée comme nulle et de nul effet.
Ces arrestations qualifiées d’arrimage sont le plus souvent effectuées à la suite d’une manifestation sur la voie publique ayant provoqué des casses, émaillée d’actes de violence. La police procède à l’arrestation de n’importe quelle personne rencontrée sur place. Elles sont parfois une dizaine ou une vingtaine. Faute par la police de trouver les contrevenants, elles sont embarquées dans des véhicules en vue d’être placées en garde à vue dans des commissariats.
Parmi ces personnes, on trouve des marchands ambulants, des marchands de fresco, de pistache, de bonbons, des cireurs de bottes, des vendeurs de pap padap des curieux. La police arrête tous ceux qu’elle trouve sur sa route.
Arrivées au parquet, si ces personnes ne trouvent pas des substituts du commissaire du gouvernement avisés, consciencieux, maîtrisant sans l’ombre d’un doute les méandres de la loi, on les envoie toutes dans l’enfer du pénitencier national. Pour combien de temps ? Parfois, elles peuvent passer des mois et même des années avant de comparaître devant leur juge naturel.
Il y a plein de ces cas dans les prisons civiles du pays, notamment à Port-au-Prince. Quotidiennement, on les rencontre dans les couloirs du Palais de justice, accompagnés d’agents de l’Administration pénitentiaire nationale pour les empêcher de sauver. Il y en a qui ne savent même pas pourquoi ils ont été arrêtés par les agents de la PNH.
Cela fait toujours pitié de constater à l’audience des détenus libérés après 3 ou 4 ans de prison préventive pour n’avoir commis aucune infraction. Voilà des causes les plus flagrantes de l’augmentation aujourd’hui exponentielle de la détention préventive prolongée dans le pays, particulièrement dans la prison civile de Port-au-Prince, la plus grande juridiction de la République d’ Haïti.

Jean-Robert Fleury


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