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Laurent Lamothe propose des pistes de solution pour le développement d’Haïti

jeudi 19 avril 2018 par Charles

Depuis son départ de la Primature, en décembre 2014, l’ancien chef de gouvernement Laurent Lamothe n’a pas chômé. Au-delà des activités caritatives de la fondation Dr Louis G. Lamothe, fondée en mémoire de son père et dont il est membre d’honneur, l’ex-Premier ministre haïtien a plutôt bien réussi sa reconversion sans pour autant tourner le dos complètement à la politique.

Dans une interview exclusive accordée à la rédaction, Laurent Lamothe revient longuement sur ses actuelles occupations professionnelles et propose des pistes de solution pour aider Haïti à sortir de la misère dans laquelle elle patauge depuis des lustres.

National -

« Depuis ma démission comme Premier ministre du pays, je me suis consacré à la fondation Dr Louis G. Lamothe qui travaille principalement à Nan Panyòl et Anse du Clerc [pour implémenter] le concept du village intelligent », confie d’entrée de jeu Laurent Lamothe, très détendu ce jeudi en fin d’après-midi.

Depuis tantôt deux ans, la Fondation, aux dires de M. Lamothe, s’attèle à apporter aux résidents de ces deux villages isolés (Nan-Panyòl – 3e section de Souçailles, dans la localité de Furcy et Anse-du-Clerc – commune d’Abricot dans la Grand’Anse), l’éducation, l’accès routier, l’entrepreneuriat agricole et l’énergie solaire.

« Beaucoup de personnes pensent que la fondation est un dinosaure alors qu’en réalité elle est un anolis », a ensuite déclaré Laurent Lamothe sur un ton plein d’humour avant d’enchaîner avec une de ses formules favorites, devenues depuis son leitmotiv, « nous essayons de faire beaucoup avec peu de moyens ».
À en croire l’ancien chef de gouvernement, les actions de la fondation ne sont qu’un chapitre d’une vie professionnelle bien remplie. « Je donne beaucoup de conférences à travers le monde », révèle Laurent Lamothe, qui dit privilégier l’économie numérique comme stratégie pour l’inclusion financière à travers le monde. « Je me suis spécialisé dans les pays émergents en Afrique et dans les Caraïbes où j’aborde non seulement les problèmes mais aussi les solutions », poursuit le conférencier, grand adepte des technologies.

Malgré ses longs périples qui le conduisent assez souvent à l’autre bout du monde, Laurent Lamothe, qui demeure à ce jour le plus jeune politique à occuper la fonction de Premier ministre d’Haïti, dit porter toujours son pays Haïti dans son cœur. « Je suis de près la situation », déclare-t-il avant d’encenser le président Moïse qui, selon lui, ne ménage pas ses efforts pour apporter le développement dans les milieux ruraux.
« Nous avons un président qui ne cesse de chercher des solutions dans des conditions non seulement socialement compliquées mais aussi politiquement compliquées », fait remarquer Lamothe, saluant au passage la reprise du projet de développement touristique de l’île à Vache par l’actuelle administration.
En ce sens, il conseille l’équipe au pouvoir de pérenniser les acquis à travers un cadre réglementaire dans toutes les approches de développement et de lutte contre la pauvreté. « C’est dans ce cadre que j’encouragerais le Parlement et le gouvernement à mettre sur pied une assurance universelle pour couvrir au moins les soins préventifs qui pourraient être subventionnés à partir d’un financement innovant », indique-t-il, abordant avec verve un de ses dadas.
Les financements innovants. Actuellement, il travaille beaucoup aux côtés du président Paul Kagamé, au Rwanda, pour l’aider à développer l’économie numérique dans son pays. D’une manière générale, le principe des financements innovants comme solutions mondiales aux problèmes de financement des pays émergents. Outre le Rwanda, précise Laurent Lamothe, beaucoup de pays au monde ont déjà adopté ce principe. C’est le cas de la Tanzanie, du Libéria, du Congo et du Sénégal.
Le principe des financements innovants consiste à introduire de nouvelles sources de financement qui n’existent pas pour pouvoir financer un projet spécifique de développement. À l’époque où j’étais chef de gouvernement, se rappelle Lamothe, il y avait beaucoup de méthodes de financements innovants qui étaient établis, qui continuent d’ailleurs d’exister, comme le prélèvement sur les appels téléphoniques, sur les transferts, les billets d’avion. « C’est ce modèle qui est appliqué un peu partout à travers le monde [et] qui permet aux pays de ne pas dépendre de l’aide internationale, de l’assistanat externe mais plutôt de leurs propres ressources ».
Grâce à l’inclusion financière d’un côté et l’utilisation des technologies de l’autre, Lamothe estime que les pays émergents peuvent arriver au même niveau de développement que les pays développés dans beaucoup moins de temps, à condition qu’ils aient une mentalité ouverte à l’utilisation des nouvelles technologies de pointe, surtout en matière d’inclusion financière parce que 90% de la population vivant des les pays émergents (Afrique, Caraïbes et Haïti) n’ont accès ni à un compte en banque, ni à une assurance, ni à aucun service financier.
De l’avis de Laurent Lamothe, le Rwanda est un pays à suivre et Paul Kagamé, un président à suivre. « Beaucoup de pays devraient suivre le Rwanda, y compris Haïti », considère l’ex-Premier ministre exhortant ses compatriotes à ne pas céder aux signaux persistants du découragement. Pour lui, il est important que tout un chacun garde son optimisme pour qu’Haïti puisse aller de l’avant.
Un changement de mentalité, une approche différente vis-à-vis des problèmes du pays, voilà en gros la prescription de Lamothe pour un meilleur lendemain de notre Haïti chérie. « Dans la majorité des cas, une minorité bruyante critique tout […] mais une fois arrivée au pouvoir, elle ne fait rien », peste l’ancien homme fort du pouvoir Tèt Kale, lançant un appel à la majorité silencieuse et à ceux qui occupent les postes de décision pour qu’ils ne laissent pas cette minorité bruyante les dévier des objectifs essentiels de développement.
À la jeunesse, Laurent Lamothe adresse le message suivant : elle doit faire mieux et elle doit s’impliquer pour faire mieux. Pour ce dernier, le problème à la base de l’exode de la jeunesse haïtienne au Chili n’est autre que la misère, la pauvreté et le manque d’opportunités. Contrecarrer cette amère réalité passera par la création de beaucoup plus d’opportunités et d’emplois dans le pays. Et aussi le développement, à moyen et long terme, des ressources touristiques et minières dont on dispose et qui demeurent à ce jour inexploitées.
« L’exploitation des ressources minières reste un sujet tabou en Haïti », déplore Laurent Lamothe, soulignant que le pays ne saurait être développé uniquement avec les recettes de la DGI et de la douane. « Le Chili qui attire et fascine autant nos jeunes est un des plus grands exploitants de cuivre au monde », fait remarquer Lamothe, précisant qu’aucune stratégie ne marchera en Haïti si elle ne passe pas par l’exploitation des ressources naturelles de ce pays pour réinvestir les bénéfices dans la jeunesse. Il encourage cette dernière à tenter sa chance dans le « coding ». C’est l’actuelle planche de salut offerte à la jeunesse haïtienne, via les technologies, qui a beaucoup à gagner en devenant une génération de programmeurs.

Patrick Saint-Pré
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