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Conjoncture Quand l’État baisse pavillon face aux bandits…

vendredi 26 octobre 2018 par Charles

National -

L’effondrement de l’État se mesure à l’aune des conquêtes territoriales effectuées par des gangs armés.

Quartier après quartier, l’État absent est remplacé par des assassins souvent sponsorisés par des politiques. Ces jours-ci, c’est Savane Pistache, quartier jadis paisible surplombant Port-au-Prince, qui alimente les pages de cette chronique macabre pour des populations laissées à elles-mêmes. Après l’attaque à l’arme automatique dans le secteur contre l’homme d’affaires et secrétaire général du RDNP, Éric Jean Baptiste, des témoignages glaçants ont été fait jeudi matin sur les ondes de Radio Caraïbes par des résidents de la zone. Il y a des morts à qui l’on fait l’indignité du refus de sépulture.

À côté du racket systématique, la terreur imposée à coups d’armes automatiques, les assassinats en plein jour et fort probablement les violences sexuelles sur les femmes et les filles sont le lot des pauvres habitants de ces quartiers. Pour certains des policiers résidents de Savane Pistache, il y a un choix cornélien à faire : fuir, mourir ou affronter des assassins, des sociopathes.
Plus qu’avant, l’appareil sécuritaire, épine dorsale d’un État délitement accéléré depuis des décennies, a montré ses limites. La police ne semble avoir ni la volonté ni les moyens pour tenir en respect et contenir ces criminels qui opèrent avec la quiétude des rois.
Pour ne rien arranger, le chef de l’État, gardien des institutions, absorbé par le brûlant dossier PetroCaribe, n’a que ses mots et certains de ses assistants les grosses réquisitions, près d’un million de dollars américains en un mois, le mois de septembre, pour renseignements et police. Au service du palais national.
Quand cela chauffe, quand la nouvelle des effusions de sang arrive dans la presse, il faut trouver un responsable de la faiblesse de l’appareil sécuritaire. Récemment, le président de la République s’est tourné vers la PNH.

« La population ne comprend pas qu’un groupe de caïds et de criminels puisse lancer des défis à sa force publique de sécurité au vu et au su de tout le monde sans être inquiété ou appréhendé », avait indiqué le président sur le ton de la critique molle de Michel-Ange Gédéon, directeur général de la PNH, lors de la récente cérémonie de graduation d’une nouvelle promotion de policiers et de policières.
Les chefs ont une nouvelle fois fait l’économie d’une approche holistique de la problématique de l’insécurité et de la défaillance d’autres entités, des maillons importants pour lutter contre le phénomène.
Sans accès aux munitions, une arme n’est qu’un métal inutile. Si c’est effectivement le cas, où est le rapport produit par les différents services d’intelligence de l’État sur le circuit d’alimentation du marché en munition de tout calibre ?

Les munitions ne traversent-elles la frontière terrestre entre Haïti et la République dominicaine où des agents de l’ordre sont plus occupés à rançonner des contrebandiers et non la nature de ce qu’ils transportent, à savoir armes et munitions ?

Ne savons-nous pas que des armes et des munitions entrent par nos ports ? Ne savons-nous pas que des véhicules officiels vont à la rencontre de ces bandits ? Qu’apportent-ils ? Des friandises ?
Nos différentes lignes de défense sont poreuses et la police judiciaire pas correctement équipée et financé pour réprimer le banditisme en utilisant les techniques d’intervention pour appréhender les criminels tout en limitant grandement les dommages collatéraux.

C’est au financement de la cueillette de renseignements exploitables, garantissant le plus possible l’effet de surprise lors des opérations de la police judiciaire que devrait être alloué l’argent du renseignement.

L’État n’a pas non plus créé la petite armée de juges spécialisés, intègres, correctement équipés, correctement protégés pour traquer les bandits. Ni la prison de haute sécurité gardée par des geôliers incorruptibles, pas comme ceux qui avaient les portes de la prison de Croix-des-Bouquets un dimanche matin pour laisser s’échapper des criminels dangereux dont beaucoup sont encore dans la nature.
Si le petit reste de sérieux, de crédibilité de l’appareil sécuritaire de l’État n’en finit pas d’être émietté par ces assassins dont beaucoup étaient en échec scolaire, en échec d’intégration sociale, nos représentants, des sénateurs et députés des commissions Justice et Sécurité, tombent d’épuisement à force de faire semblant, à force de brasser du vent.
Pour le moment, et c’est ce qui est navrant, les bandits continueront de tuer des gens humbles. Ils continueront de gagner du terrain, comme un cancer en métastase jusque dans les quartiers huppés ou non où régnerait encore une illusion de sécurité...

Roberson Alphonse
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