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Attention aux excès de césariennes

lundi 12 novembre 2018 par Charles

Cette opération chirurgicale, utile, ne doit être pas être banalisée, car elle peut devenir dangereuse.
C’est un geste qui sauve des vies. Mais qui n’est pas non plus sans risque. Alors qu’une étude publiée dans la revue médicale The Lancet met en garde les gynécologues contre une épidémie mondiale de césariennes, son taux étant passé de 12 % à 21 % entre 2000 et 2015, quelle est la situation dans l’Hexagone ?
Assiste-t-on également à une flambée de ces opérations chirurgicales qui visent à inciser la paroi abdominale pour extraire l’enfant de l’utérus de la mère ? « Chez nous, les chiffres sont plutôt stables, assure Philippe Deruelle, secrétaire général du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Dans les années 1970, il y a eu une très forte augmentation des césariennes car on savait mieux les pratiquer et mieux anesthésier. Mais dès les années 1990, on a pris conscience qu’il fallait les limiter, contrairement aux Etats-Unis. » « On a énormément progressé », confirme Pia de Reilhac, présidente de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM).

Cicatrice sur l’utérus
Si l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime entre 10 et 15 % la proportion de césariennes absolument nécessaires pour des raisons médicales, ce taux s’élève à 20,6 % en France, selon la dernière étude du ministère de la Santé datant de 2016. Un peu au-dessus des recommandations. « Il faut encore faire baisser ce chiffre, insiste Philippe Deruelle. Le problème, c’est qu’il y a une grande hétérogénéité des pratiques. Dans certains hôpitaux, ce taux grimpe à 40 %. Ce n’est pas bon, pas normal et pas acceptable. »
En dehors des situations d’urgence, où elle est indispensable, la césarienne présente des avantages : gain de temps, moyen d’éviter l’utilisation des forceps et ventouses en urgence. Plus rapide, moins incertaine que par voie basse. « C’est un peu la solution de facilité, résume Philippe Deruelle. Et pourtant, elle n’est pas anodine. Elle laisse une cicatrice sur l’utérus. Et peut entraîner un risque lors d’un deuxième accouchement. »
Peur de l’épisiotomie
Alors comment réduire les césariennes en cas de plusieurs grossesses ? Les avis des spécialistes divergent tant les données scientifiques sur lesquels ils s’appuient sont complexes et parfois contradictoires. Selon Yves Ville, chef du service maternité de Necker à Paris (XVe), il existe une solution intéressante : « Certaines études montrent que déclencher l’accouchement entre 39 et 40 semaines, soit une semaine avant le terme, permet de réduire leur nombre. »
« C’est encore une forme de contrôle, réagit Benoît de Sarcus, chef de service de la maternité de Nanterre, pour qui cette question est complexe. « Patients et soignants, tout le monde est dans le contrôle. Attendre parfois 48 heures de plus pour un accouchement naturel, les équipes ne sont pas organisées pour ça. On ne veut prendre aucun risque. On veut un bébé parfait ! » « Il faudrait une énergie monstrueuse et beaucoup plus de moyens », poursuit Philippe Deruelle.
D’après les spécialistes, certaines femmes réclament aussi des césariennes avant de voir naître leur enfant. Peur de l’épisiotomie, des déchirures du périnée, souvenir traumatique d’un accouchement précédent, angoisses incontrôlables. « On en voit de plus en plus, il faut essayer de leur donner les bons arguments pour les convaincre, reprend Yves Ville. Mais il faut aussi savoir écouter ces femmes. La césarienne, ce n’est pas le diable. Il faut en finir avec le diktat de l’obstétrique. »
D’OÙ VIENT LA CÉSARIENNE ?
On entend souvent que le mot « césarienne » viendrait de Jules César. Légende, balaye Philippe Deruelle. « Il est peu probable qu’il soit né de cette façon. A l’époque, on ne savait pas encore où était le placenta, ni l’utérus, la dissection n’existait pas. » En réalité, « césarienne » vient du verbe « caedere » qui signifie « couper » en latin, une langue longtemps utilisée en médecine.
Alors à quand remontent les premières ? On trouve des traces de ces interventions dès le Moyen Age. A l’époque, lorsqu’une femme décédait au moment de l’accouchement, on faisait une incision de sa paroi abdominale pour extraire son enfant mort. Et le baptiser. « Cet acte était sûrement réalisé pour des raisons religieuses afin que le bébé puisse accéder au paradis », poursuit l’obstétricien. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que la césarienne est utilisée un peu plus fréquemment, cette fois-ci, à visée médicale pour sauver l’enfant. « Après la Seconde Guerre mondiale, on commence à en faire de plus en plus avec la possibilité d’anesthésier la mère grâce à un masque à l’éther. » Une pratique qui explosera dans les années 1970 avant d’être limitée vingt ans plus tard pour éviter les dérives.


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