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Nous sommes au fond, pourquoi creusons-nous encore ?

mercredi 14 novembre 2018 par Charles

Il y en a qui ont des piques, des pioches, des pelles. Certains manoeuvrent des tractopelles. D’autres, des bulldozers. Il y en a aussi qui y vont à la petite cuillère. Chacun fait de son mieux pour arriver au pire.

Editorial -

Ici, avec assiduité et persévérance, on creuse. Après la vase, après le fond, on continue à creuser. Cela dure depuis des années.
Cette image de forcenés qui creusent pour trouver la croûte terrestre est la seule qui semble convenir devant l’énormité du projet national.
Chacun fait ce qu’il peut pour dépasser les frontières des abîmes, pour plonger plus loin que les abysses. On est au fond et on creuse encore.
Hier, le commissaire du gouvernement gelait des comptes, vingt-quatre heures après il les dégèle. On ne sait pas si ce sont les convictions juridiques ou les accusations qui ont fondu entre-temps. Le tango du parquet ne renforce pas la justice.
Ce mardi, c’est un sénateur de la République qui raconte sa rencontre en tête-à-tête avec le président de la même République. A-t-il tout déballé ? Révélé tous les secrets échangés ? On ne le saura pas. Ce qui est dit est déjà énorme. Les affaires de tous sont des affaires d’État. Mais les affaires d’État ne sont pas pour être connus de tous.
L’insécurité et l’imprévisibilité s’étalent. De département en département, de ville en ville, de quartier en quartier. Si on n’y prend pas garde, le fossé qui se creuse dans la confiance ne pourra être comblé par aucune solution individuelle.
Pendant que tout se règle sur la place publique réelle ou virtuelle, le pays est incapable de payer au juste prix sa consommation d’essence. Il ne peut pas mettre un terme à la contrebande aux frontières. Aucune nouvelle taxe n’est levée et les anciennes ne sont pas recouvrées. La production d’électricité profite aux fraudeurs. La poule aux œufs d’or que devrait être le secteur des télécommunications ne profite pas au pays. On offre incitation sur incitation à des secteurs de l’économie qui ne tiennent jamais leurs promesses.
Avec autant de veines ouvertes, Haïti a un bel avenir de pays-cadavre. De maladresses en gaffes, de petites erreurs en gros errements, chacun creuse la tombe de l’État qu’il dirige ou qu’il souhaite diriger.
Chaque secteur espère bénéficier des erreurs des autres, chaque acteur compte récolter les grains semés par d’autres. Le projet national n’est pas de vivre mieux ensemble, mais de vivoter comme on peut ici.
Nous sommes à un carrefour dangereux de notre vie de peuple. Pas parce que, une fois encore, nous ne savons pas quelle direction prendre, mais parce que cette fois nous ignorons que nous sommes au milieu du carrefour.

Frantz Duval
Auteur


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