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Dieu fait sa rentrée littéraire

samedi 30 août 2014

Qui règnera sur l’automne littéraire ? Il n’a ni éditeur ni agent, mais squatte sous diverses formes plusieurs romans en vue, même signés par des incroyants comme Emmanuel Carrère. La star de la rentrée, c’est Dieu.

Les éditions P.O.L ont frappé fort cette semaine en publiant "Le Royaume", peut-être le plus attendu des 607 romans français et étrangers de la rentrée, précédé par une campagne médiatique impressionnante et une critique d’emblée dithyrambique.

Une somme de près de 650 pages dans laquelle Emmanuel Carrère, prix Renaudot en 2011 pour "Limonov", se retournant sur ses trois ans de crise mystique au début des années 1990, en profite pour enquêter avec brio sur la genèse du christianisme, sur les pas de l’évangéliste Luc et de Paul l’apôtre.

Luc, Paul, et bientôt Jude : le méconnu jeune "frère" de Jésus est au coeur du nouveau roman de Françoise Chandernagor, à paraître le 1er octobre chez Albin Michel, dans la veine historique qui a fait le succès de l’auteure de "L’Allée du Roi". Même date de sortie et même éditeur pour "Son visage et le tien" d’Alexis Jenni, prix Goncourt 2011 (pour "L’Art français de la guerre") devenu chroniqueur à l’hebdomadaire catholique La Vie, qui ici évoque la figure du Christ.

- Ni complaisance ni nostalgie -

"On relève depuis quelques années une présence assez visible d’écrivains qui soit s’inscrivent dans une littérature chrétienne, soit s’intéressent aux racines judéo-chrétiennes de nos sociétés", explique à l’AFP l’universitaire Frédéric Gugelot, spécialiste de l’histoire culturelle du fait religieux. Il n’est pas difficile de classer au rayon religieux des romanciers aussi fameux que Sylvie Germain, Christian Bobin ou encore François Taillandier, dernier lauréat du Grand prix catholique de littérature. Mais cette rentrée littéraire a une saveur particulière, avec des "figures connues et reconnues qui dévoilent un intérêt pour la façon dont le christianisme a inspiré leur formation intellectuelle ou a compté dans leur cheminement", selon Frédéric Gugelot.

Le professeur de Nouveau Testament Régis Burnet y lit "un retour du refoulé" : "le christianisme a été une religion extrêmement impressionnante, et elle l’est encore pour beaucoup de références". Emmanuel Carrère ne dit pas autre chose, qui écrit avoir pensé que sa crise de foi était une "affaire classée"... "Il faut qu’elle ne le soit pas tout à fait pour que, vingt ans plus tard, j’aie éprouvé le besoin d’y revenir", admet l’écrivain dans "Le Royaume".

Mais attention, prévient Frédéric Gugelot, on ferait fausse route en voyant dans cette tendance une profession de foi chez des écrivains réputés agnostiques. "Il n’y a chez eux aucune complaisance ni nostalgie", souligne l’historien.

C’est particulièrement vrai chez Catherine Cusset qui, à travers sa narratrice Marie, raconte sans admiration rétrospective "Une éducation catholique" (Gallimard) entre un père chrétien pratiquant et une mère juive athée.

Constat proche à la lecture de "Pas pleurer" (Seuil) de Lydie Salvayre, laquelle n’est pas tendre envers l’Eglise pro-franquiste en 1936, mais admirative devant l’écrivain catholique Georges Bernanos, qui alors s’est dressé contre le clergé espagnol.

Même le dramaturge Olivier Py, catholique flamboyant, raconte dans "Excelsior" (Actes Sud), son deuxième roman en forme de méditation lyrique, la quête d’absolu d’un architecte qui semble évoluer sans concession envers la religion, et vouloir cheminer au-delà de cet horizon. Au-delà de Dieu.


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