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« En Afrique, la Russie sème des petits cailloux et attend de voir ce que ça donne »

dimanche 16 décembre 2018 par Charles

Les sanctions occidentales jouent un rôle important dans le choix de Moscou de se tourner vers l’Afrique. Surtout si cela permet en plus de gêner les Occidentaux.

Arnaud Kalika est directeur de la sûreté de Meridiam, une société spécialisée dans le financement et la gestion d’infrastructures publiques. Ancien analyste à la direction du renseignement militaire, il intervient auprès de différents think tanks internationaux sur la Russie et la géostratégie et dirige le séminaire en criminologie dans le monde post-sovétique au CNAM. Il est l’auteur de L’Empire aliéné. Le système du pouvoir russe (CNRS Editions, 2008) et du « Brouillard manichéen de la relation franco-russe » (La Revue des deux mondes, septembre 2015).
Peut-on parler d’un retour de la Russie en Afrique ?
La Russie est de retour, mais elle part de très loin. A la chute de l’URSS [en 1990], l’Afrique a disparu de ses priorités stratégiques. Les intérêts russes ont plié bagage ; le complexe militaro-industriel a continué à fonctionner, mais une dizaine d’ambassades et de centres culturels ont fermé, ainsi que des délégations commerciales et des antennes du KGB.
Les grands textes définissant la politique extérieure de la Russie évoquent l’Afrique au minimum, et d’abord dans le cadre de la coopération avec les entités régionales telles que l’Union africaine ou la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Rien n’est dit concernant les relations bilatérales. En termes de priorités, l’Afrique est encore reléguée loin d’autres aires géographiques, comme le Moyen-Orient, l’Europe ou l’Asie. Par ailleurs, elle a toujours été perçue en Russie selon une vision hégélienne, raciale, avec une « Afrique utile » englobant le Maghreb-Machrek – l’Algérie en premier lieu –, et l’Afrique subsaharienne, encore appelée « Afrique noire ». A partir de 2013-2014, la crise ukrainienne a eu un effet accélérateur, Moscou cherchant des voies alternatives pour exister dans des zones qu’elle avait délaissées.
Avec quelles intentions ?
L’objectif premier est économique. Les Russes n’ont plus rien en Afrique : les échanges avec l’ensemble de l’Afrique subsaharienne tournent aux alentours de 5 milliards de dollars [4,4 milliards d’euros], 18 milliards si l’on ajoute l’Algérie. C’est très faible. La Chine, la Turquie, l’Europe, les Etats-Unis, le Brésil sont loin devant. Les secteurs prioritaires sont minier, pétrolier et nucléaire. Rosatom [l’entreprise publique du nucléaire] a une vraie politique d’implantation, avec le développement de minicentrales. La Russie tente surtout de vendre des contrats-cadres aux pays partenaires, avec des avantages tels que des formations de personnels à Moscou ou la création d’écoles, en échange de positions privilégiées sur les marchés.


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