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L’ex-ministre des Finances Marie-Carmelle Jean Marie écrit au Premier ministre Jean-Henry Céant

dimanche 10 février 2019 par Charles

Nous publions ci-après une lettre ouverte de l’ancienne ministre de l’Economie et des Finances, Marie-Carmelle Jean Marie, adressée au Premier ministre Jean-Henry Céant dans le cadre du dossier PetroCaribe.

National -

Monsieur Jean-Henry CEANT
Premier Ministre
En ses bureaux
Monsieur le Premier Ministre,
J’ai constaté à travers les réseaux sociaux que mon nom figure avec celui de quatre autres personnes dans le dossier « Réhabilitation d’urgence de rues au Cap-Haïtien et des environs » mis en avant par l’Etat Haïtien pour porter plainte devant les tribunaux pour cas de corruption et association de malfaiteurs, sur la base du dernier rapport reçu de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif.
Si ce document s’avérait authentique, je vous informerais que selon ce rapport, portant la signature des Conseillers de la CSCCA, qui ont d’ailleurs émis un avis favorable pour obtenir décharge de ma gestion, je n’ai été ni ordonnateur direct, ni autorité d’approbation de contrat, ni ordonnateur indirect, ayant octroyé de main levée autorisant des dépenses dans le cadre dudit projet. Mon nom ne figure nullement dans les 8 pages, (pages 60 à 67) du rapport de la CSCCA relatives à ce projet particulier. S’agirait-il d’une erreur ? Permettez-moi d’en douter ! Car, dans ce complot pour faire taire ma voix discordante dans ce dossier, vous n’auriez pas pris le temps de lire attentivement le rapport de la CSCCA. Puisque plainte aurait été déposée, faisant confiance à la justice de mon pays, j’attendrai patiemment le moment venu pour témoigner et démontrer, devant les Tribunaux, le respect, [par tous mes actes administratifs en qualité de Ministre de l’Economie et des Finances], des prescrits du Décret de 2005 sur le Budget et la Comptabilité Publique et l’obtention du visa de conformité du Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, suivi de celui des Directions Générales du Budget et du Trésor.
Monsieur le Premier Ministre,
Vous me permettrez de vous rappeler que je suis arrivée, le 17 mai 2012, à la tête du Ministère de l’Economie et des Finances avec un dollar qui s’échangeait à 42 gourdes. Onze (11) mois plus tard, le 10 avril 2013, je démissionnais, le taux de change s’établissait seulement à 43 gourdes. Le billet vert, qui était à 45 gourdes à mon retour aux commandes le 2 avril 2014, ne gagnera que deux (2) points, pour se fixer à 47 gourdes à mon départ définitif du Gouvernement, le 16 janvier 2015. Je ne cherche pas la reconnaissance pour avoir fait mon devoir et bien servi mon pays, mais je n’accepterais pas non plus d’être punie à cause de cela, pire d’être accusée de lui avoir causé des préjudices.
Ces résultats tangibles n’étaient pas le fruit du hasard. Ils étaient dus à mes multiples combats pour mettre en œuvre et accélérer la réforme des finances publiques, malgré les nombreux obstacles et résistances. Lister ici tous les chantiers ouverts, et pour beaucoup très avancés, serait certainement fastidieux et pourrait me faire paraitre prétentieuse, alors que je n’en suis que fière. Qu’il s’agisse de la poursuite du déploiement des Comptables Publics, de l’interdiction du double endossement des chèques du Trésor, de la suppression de certaines dépenses non-essentielles, comme l’achat des corbeilles de fin d’année en décembre 2012 ou encore la suppression des services traiteurs pour des hauts cadres de certains ministères en commençant par le MEF lui-même, je reconnais m’être fait des ennemis dans le système. Ces mesures avaient permis de dégager 5 milliards de gourdes utilisés par des ministères sectoriels, dans les projets de reconstruction après le cyclone Sandy.
Monsieur le Premier Ministre,
Ceci résume en partie le combat sans merci que j’ai mené, le plus souvent seule, pour aider à la stabilisation du taux de change et des prix. Au vu du panorama actuel, avec une gourde qui a perdu la moitié de sa valeur depuis mon départ du Ministère de l’Economie et des Finances, je comprends cet acharnement à vouloir détruire mon image.
Pour la vérité et pour l’histoire, j’ai toujours dit publiquement qu’il était important de réaliser régulièrement l’audit général de tous les comptes des finances publiques, incluant les fonds de Petrocaribe et des autres bailleurs de fonds. Je savais à quoi je m’exposais en dénonçant des parlementaires, dans l’enceinte même du Parlement, et certains autres Hauts Fonctionnaires en plein Conseil des Ministres. Ceux qui pensent vouloir m’intimider et tremblent, à l’idée que je prendrai la parole dans ce dossier, s’acharnent depuis plus d’un an à vouloir me discréditer auprès de l’opinion publique, espérant ainsi disqualifier ma parole. Ils ont raison de craindre ma voix, car oui, je suis prête, comme toute personne auditée, à donner ma version des faits devant mes Juges, dans un vrai procès qui ne prend pas l’allure de cette fuite en avant et qui ne peut servir qu’à noyer la vérité.
Le célèbre chimiste français Antoine Lavoisier écrivit, la veille de sa mort à l’échafaud : « Il est donc vrai que l’exercice de toutes vertus sociales, des services importants rendus à la patrie, une carrière utilement employée ne suffisent pas pour préserver d’une fin sinistre et pour éviter de finir en coupable. ».
Non, je ne serai pas votre Lavoisier.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, mes salutations distinguées.
Marie-Carmelle JEAN MARIE
Port-au-Prince le 6 février 2019

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