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Tesson : « La tolérance est l’ennemie de la liberté »

mercredi 20 février 2019 par Charles

Pour Philippe Tesson, le temps est venu pour le gouvernement d’agir en conformité plus étroite avec l’étendue du risque. L’unité nationale est en danger. Par Philippe Tesson

Il y a trois mois apparut le mouvement des Gilets jaunes. Il provoqua immédiatement la bienveillance de l’opinion. Le discrédit dans lequel était tombé Emmanuel Macron depuis l’affaire Benalla au cours des mois d’été y contribua largement. Le zèle que montrèrent sans tarder les dirigeants de l’opposition, toutes formations confondues de l’extrême droite à l’extrême gauche en passant par les Républicains, à vanter les vertus de cette colère populaire fit le reste. C’était une aubaine pour eux, qui depuis l’élection du président de la République exploitaient tous les prétextes à déstabiliser celui-ci. En quelques jours, les Gilets jaunes devinrent la coqueluche du pays. Intellectuels, sociologues, journalistes surenchérissaient d’éloges à leur propos dans leurs analyses : ils étaient la revanche de la démocratie, le sel de la terre, l’aube du nouveau monde.
On ne distinguait pas d’où venaient les catéchumènes de cette nouvelle religion, ni qui ils étaient précisément. Ils bénéficiaient de la présomption d’une génération spontanée d’orphelins. On ne poussa pas très loin l’enquête. Certains d’entre eux nous touchaient par leur authentique sincérité. On ne s’étonna pas qu’ils ne fussent pas plus nombreux. On projeta sur eux nos propres misères, nos propres frustrations. On commença toutefois vers Noël à s’interroger sur leur identité et sur leurs objectifs et à s’agacer du trouble qu’ils nous causaient. Cette cérémonie du samedi devint à la longue insupportable, et trop brutale, trop haineuse. Mais que faisait donc le gouvernement ?

Le projet, c’est la mise à mort des différents systèmes qui nous gouvernent
Le gouvernement s’était effondré dans les sondages, et Macron avec lui. C’est alors qu’il se ressaisit au moyen d’un habile stratagème : le dialogue direct avec le pays, dont on ne sait à l’heure qu’il est ce qu’il en adviendra, mais dont le succès souligne à quel niveau de fragilité se situe le mouvement des Gilets jaunes, car il aura suffi de cette illusoire ruse de guerre pour qu’il montre sa réalité et son nombre.
Lire sur ce sujet l’interview d’Alain Finkielkraut au Point : « Les Gilets jaunes sont devenus une secte »

Quelle réalité ? Celle d’une humeur, réelle certes encore que limitée, mais qui fut rapidement exploitée, élargie aux dimensions d’un projet. L’humeur, c’était celle d’une minorité accablée par sa difficulté à vivre. Le projet, c’est la mise à mort des différents systèmes qui nous gouvernent, par des attaques successives sur tous leurs flancs. C’est ainsi que s’additionnent depuis quelques semaines, et à mesure que l’humeur s’apaise, des menaces plus circonstanciées, plus définies, plus organisées, plus graves, contre notre sécurité et notre équilibre, à travers des actions qui échappent aux Gilets jaunes de la première génération, mais qui continuent au besoin de leur être imputées puisqu’elles peuvent être menées sous leur uniforme. Ces actions étant d’autant plus violentes qu’elles viennent de forces plus organisées et plus destructrices. Elles présentent par là même un danger supérieur pour le pouvoir et pour le pays. Par là même encore, elles libèrent le pouvoir et le pays des scrupules moraux qui peuvent entamer leur détermination à se protéger. On ne réagit pas de la même façon à une humeur et à des menaces.
Les craintes morales ne sont plus à la mesure du temps présent
On sait ce que sont celles-ci. Elles touchent à tous les domaines de notre vie collective : sécuritaire, social, économique, idéologique, intellectuel, etc. Elles procèdent d’infiltrations, dont en la circonstance on commence à connaître ou à suspecter la source. L’affaire Finkielkraut en est le témoignage. Le temps est venu pour le gouvernement d’agir en conformité plus étroite avec l’étendue du risque. C’est question d’autorité. Mais ce devoir est valable pour tous. Pour les Gilets jaunes, qui ne doivent plus attendre pour se démarquer pleinement de leur parenté avec les manifestants qui font la honte du pays. Pour les dépositaires des pouvoirs institutionnels, on pense évidemment tout d’abord à la justice, à la police… Valable aussi pour ceux qui nous représentent, comptables de notre destin, qui est plus précieux que leurs préférences et leurs intérêts idéologiques. Valable pour nos élites intellectuelles dont les craintes morales ne sont plus à la mesure du temps présent. Valable enfin pour chacun de nous, dans sa conscience. Il est des situations où la tolérance est l’ennemie de la liberté.


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