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Dany Laferrière et le charme des mots

mercredi 24 avril 2019 par Charles

CHRONIQUE / Dany Laferrière ne m’a déçu dans aucune de ses apparitions à « Tout le monde en parle », et il n’a pas fait exception dimanche soir. Qui d’autre que l’Académicien aurait pu faire l’éloge de l’alphabet avec autant de verbe et d’éloquence ? « S’il n’y avait pas l’alphabet, nous serions tous morts. […] L’alphabet porte le fardeau du monde. S’il n’y avait pas cela, vous vous imaginez, on aurait pu perdre toute la mémoire du monde », a-t-il dit, relevant au passage que les voyelles étaient « snobs et prétentieuses », regardant les consonnes de haut.

L
aferrière, qui semble chaque fois éprouver un réel plaisir sur ce plateau, a écrit et dessiné à la main son 30e livre, Autoportrait de Paris avec chat. Il déplore que l’ordinateur nous ait fait négliger nos propres mains, « le premier outil de l’homme et de la vie ». « La main a une mémoire que l’ordinateur n’a pas. […] Nous refusons de l’utiliser. Nous sommes en train de perdre quelque chose. »
Le romancier reconnaît que l’Académie ne compte que quatre femmes et souhaite qu’il y en ait plus. « Disons quatre femmes et un Noir », a-t-il ajouté, rappelant qu’il y avait plus de femmes auteures que d’hommes, et que 80% du lectorat est féminin.
Alors que ses cinq dernières années lui semblent être passées à la vitesse de l’éclair, Marc Dupré reste avec l’impression d’avoir un peu négligé les siens. « Je m’ennuie de mes enfants, de ma femme, de ma vie familiale », affirme l’ancien coach de La voix, qui a quitté l’émission par choix, et qui ignore s’il y retournera un jour. Il a écrit pour sa femme Pourquoi t’es restée ?, se demandant comment elle a pu supporter l’être anxieux qu’il est et qui travaille sans arrêt. « Je ramenais ça à la maison », dit-il. Depuis la mort de son beau-père René Angélil, Dupré et son épouse vont beaucoup moins à Las Vegas, vivant encore leur deuil.« Elle est vraiment meilleure que moi », dit-il de sa fille Stella, avec qui il chante en duo. Un Justin Bieber chinois a repris sa chanson La tempête, un tabac dans son pays. « J’ai pas fait une fortune avec ça », affirme néanmoins Dupré, qui s’apprête à remonter sur la scène au Centre Bell et au Centre Vidéotron. La carte du fou du roi : « Tu t’es tellement créé de compétiteurs avec La voix qu’aujourd’hui, t’en es réduit à passer à Tout le monde en parle pour vendre tes billets. »
On ne se lasse pas de Chantal Machabée, qui mériterait enfin son trophée Artis. Comme elle le raconte dans sa biographie intitulée Chantal Machabée : désavantage numérique, et signée Guillaume Lefrançois, la vedette de RDS savait déjà enfant qu’elle voulait devenir journaliste sportive. Passionnée de hockey, elle a collectionné une bonne cinquantaine d’autographes de Guy Lafleur, son idole de toujours. À ses débuts à RDS, elle a dû se résoudre à porter des broches pour corriger une seule dent croche à la demande d’un patron, alors qu’on n’exigeait pas des collègues masculins bedonnants de perdre 30 livres. Elle a fait de tout, y compris décrire les tournois de fers avec Jean-Paul Chartrand.
Elle garde contact avec Jacques Demers, privé de la parole mais qui parvient à communiquer. « Malgré toutes ces épreuves-là, il demeure joyeux », affirme la journaliste et animatrice, qui a soutenu M. Demers avant qu’il ne dévoile au grand jour qu’il était analphabète. Exemples de commentaires vulgaires et méchants qu’elle peut recevoir : « T’es une salope. Tu dois coucher avec les joueurs. T’es une conasse. Tu connais rien. Qu’est-ce que tu fais encore là ? T’es trop vieille pour être là. » Et c’est pire quand le Canadien connaît une série de défaites. Il fallait bien trouver un défaut à Chantal Machabée : elle admet qu’elle sacre beaucoup, sur la passerelle, les soirs de matchs, et peut lâcher un « Qu’est-ce qu’il fait là, l’estie de chaudron ? »
« Je pensais que vous alliez faire l’entrevue avec un sac sur la tête », a dit d’emblée Dany Turcotte à Marc Bergevin, qui avait le caquet bas dimanche. « Ce qui est arrivé l’an dernier est inacceptable et j’en prends l’entière responsabilité », affirme le directeur général du Canadien. Il pointe du doigt l’offensive déficiente, l’« atroce » jeu en désavantage numérique, la saison « en-dessous de ses capacités » de Carey Price, de même que les défenseurs. Va-t-il endurer la baboune de Carey Price durant les huit ans de son contrat ? Bergevin a trouvé le moyen de défendre son gardien, parlant d’un « être sensible » et « frustré ».
Il rejette les rumeurs de ses chicanes avec Max Pacioretty, relevées entre autres par Mike Bossy, et contredit Réjean Tremblay, qui dit avoir su de Geoff Molson que la décision d’échanger P.K. Subban a été prise des mois avant la transaction. Ne comptez pas sur lui pour regretter cet échange, que bien des partisans ont encore sur le cœur.
Colombe St-Pierre a du caractère, et on aime ça. Élue cheffe de l’année au premier gala des Lauriers de la gastronomie québécoise, elle parle franchement de ce qui la heurte, notamment du mariage impossible entre production industrielle et artisanale, considérées à tort sur un pied d’égalité par nos réglementations. Oui, les femmes sont moins nombreuses que les hommes en gastronomie, tout comme dans le guide Michelin. « Mes compères masculins ont toujours été là pour moi », dit-elle toutefois, ajoutant ne jamais avoir été brimée par eux. « J’ai toujours eu un caractère qui ne laissait aucune place à toute forme d’intimidation », dit-elle au sujet du mouvement #moiaussi en gastronomie. Elle éclate de rire en entendant le nom de Jean-Claude Apollo, qui lui inspire ce gag un peu douteux, mais apprécié de l’assistance : « Ça ferait du bien, une matante cochonne ! » Vantée par Dany Laferrière, qui salue sa hardiesse et qualifie sa cuisine de « fougueuse » mais de « très raffinée » en même temps, la propriétaire de Chez St-Pierre au Bic assume pleinement son choix de tenir un resto en région, mais admet avoir enregistré un déficit pour la première fois dans la dernière année.
Le film Origami, mélange de drame psychologique et de science-fiction, nous ramène François Arnaud, qui joue un restaurateur d’œuvres d’art capable de se déplacer sur sa propre ligne du temps. Médium qui parle aux morts dans Midnight, Texas, François Arnaud préfère les plateaux américains aux français, où les acteurs seraient moins bien préparés. « Ils parlent aux maquilleuses comme si c’était de la scrap », dit-il des collègues français. L’acteur vit à Brooklyn, mais s’ennuie du Québec et de « vivre en français ». Producteurs québécois, prenez-en note. La carte de Dany : « T’es jeune et beau, profites-en bien. Par expérience, je te le dis, ça durera pas. »


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