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Bas les masques

mercredi 24 avril 2019 par Charles

Lorsque le concert de Michel Martelly avait été annulé à Montréal, j’avais été frappé par la question posée par un animateur de radio à son correspondant au Canada qui essayait de rendre compte de l’ampleur de la mobilisation, des motifs de l’annulation, la misogynie n’étant pas l’un des moindres.

On pouvait vivre cette annulation comme une victoire des femmes, mais aussi des porteurs de discours critique sur un groupe politique dont Martelly, on a les leaders qu’on peut, est le chef symbolique. Les questions de l’animateur n’allaient pas dans ce sens et le brave correspondant semblait parler dans le vide.
L’animateur préférait insister sur ce qu’il adviendrait de l’argent de ceux qui avaient déjà payé leurs billets. Comme s’il se jouait là l’aspect le plus important de cette affaire. C’était certes du mauvais journalisme, erreur ou mauvaise foi. Sans dire qu’il y là quelque chose de volontaire, sur cet exemple précis, il ne fait pas de doute que, dans les médias, dans certains plus que d’autres, il s’est mis en place des stratégies de détournement des discours revendicatifs et des discours accusateurs du pouvoir politique.
C’est à qui donnera beaucoup de temps à l’impréparation de l’opposition, son manque d’unité. C’est à qui parlera du manque de cohésion des PetroChallengers. C’est à qui s’étendra sur tel projet, programme ou activité du gouvernement. C’est à qui invitera les mêmes intervenants dont on sait déjà ce qu’ils vont dire.
Réflexe de classe, opportunisme, convictions conservatrices… Tout y est. Et personne n’a le droit de dire à qui que ce soit quel camp il doit adopter et quel discours il doit tenir. La liberté d’expression étant notre seule conquête, toujours à défendre et aujourd’hui très menacée par les réflexes autoritaires du pouvoir politique, il faut souhaiter qu’elle soit appliquée à tous. Il est vrai que, pour l’instant, ce ne sont pas les médias défenseurs de PHTK qui sont victimes d’incendies ou dont les journalistes sont parfois malmenés.
Le problème n’est pas que Jovenel Moïse, Martelly et consorts aient des médias qui les soutiennent de toutes les caresses dans le sens du poil, c’est plutôt le caractère pernicieux de cette défense. D’autant que nul n’est dupe. Assumer une ligne éditoriale contribuerait au débat d’idées. Sans tomber dans le piège de certaines radios clairement au service d’un homme ou d’un parti, on peut se positionner sur les affaires du pays, mieux informer et contribuer à former, et assumer une position.
Par exemple, si l’intention est de former et d’informer, et non pas d’orienter les esprits loin des problèmes qu’ils dénoncent, plutôt que de déblatérer sur le manque d’unité de l’opposition, (ce n’est quand même pas elle qui gaspille notre argent, ne garantit pas notre sécurité et se montre incapable de diriger, même s’il est vrai qu’il y a des questions à lui poser à cette opposition, bon nombre affirment vouloir transformer la société vers plus de justice sociale, mais ils semblent avoir plus de désaccords entre eux qu’avec ceux qui veulent perpétuer les inégalités), pourquoi ne pas l’inviter à débattre ouvertement sur ce manque (ou pas) d’unité ?
Cette stratégie de la sourdine ne marche plus. Les gens ne sont pas bêtes et ils ont fini par comprendre pourquoi tel parle de ceci plutôt que de cela, sur tel ton plutôt que sur tel autre. Alors que les postures soient nettes… À moins d’avoir honte de ses choix.

Antoine Lyonel Trouillot
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