MosaikHub Magazine

Pauvre fête du drapeau

jeudi 23 mai 2019 par Charles

Monsieur le Président,
Nous sommes nombreux à avoir éprouvé une grande peine en suivant les deux discours simultanés, celui de l’assistance et le vôtre, lors de votre visite à l’Arcahaie à l’occasion de la fête du Drapeau. On a beau ne pas aimer les cérémonials et les cocardes patriotiques, la nation méritait mieux que ce vaudeville, vous dans vos illusions et un démenti simultané à chacun de vos propos, à chacune de vos promesses. Malheureusement pour nous et pour vous, ceux qui vous traitaient de tous les noms et vous criaient « ale ! ale ! » étaient plus convaincants que vous. C’est que vous nous avez tellement promis. Tant va la cruche à l’eau…
Monsieur le Président,
L’histoire oubliera la plupart des gens qui vous entourent. Sauf quelques-uns dont la vilenie ou le ridicule, excessifs, exemplaires, entreront dans la légende. Mais vous, Monsieur le Président, l’histoire ne vous oubliera pas. Quelle image gardera-t-telle de vous ? Comment allez-vous entrer dans notre mémoire de peuple ? Votre prédécesseur, que l’on ose dire votre « maître » - mais je considère cela comme une insulte à votre endroit et envers votre fonction, un chef d’État ne pouvant avoir d’autre maître que le pays qu’il doit servir – eut à dire, vulgarité oblige, qu’après avoir « descendu son pantalon », il parvenait à « le remonter ». Hélas, aujourd’hui, ni pour lui, ni pour vous, ni pour vos amis et alliés politiques, personne ne croit à cette « remontada ». Personne n’en voit les signes. On ne voit que ce à quoi le pouvoir tèt kale nous a habitués : gabegie, favoritisme, autoritarisme, mépris de la condition et des revendications populaires.
Monsieur le Président,
Comment appeler la révocation d’un commissaire du gouvernement qui a mis l’action publique en mouvement contre l’un de vos proches ? Comment appeler la volonté de reconduire un ministre qui a fait la preuve que sous son autorité n’importe qui peut venir ici faire n’importe quoi et repartir en toute impunité ? Comment appeler la volonté de confier deux ministères à un même individu dans un contexte où il conviendrait que chaque responsable mette toute son énergie à la solution des problèmes dans son secteur d’intervention ? Comment vivre les pitreries sur fond de bousculade de vos amis parlementaires ? Comment entendre les déclarations de vos alliés qui justifient tout ou qui n’estiment même pas à avoir à se justifier ?
Monsieur le Président,
Les gens ont faim, ne peuvent plus circuler librement. « On tire lamentablement dans leurs rues », écrivait le poète. Quand on vous regarde à la télévision, soit vous semblez vous-même en état de choc, ce qui laisse supposer que vous n’avez pas les solutions, soit vous semblez être le seul Haïtien heureux, ce que des observateurs qualifient d’inconscience.
La cacophonie de l’Arcachaie en ce jour du drapeau n’a été bonne ni pour votre image ni pour la nôtre. Je crois que, faute d’autres intérêts communs, la nation partage avec vous celui de ne pas renouveler ce genre d’exercice. Heureusement que la mairesse de l’Arcahaie a mis dans cette histoire un peu de dignité. Même si, et nous en sommes tristes pour vous et pour nous, elle a dû le faire à vos dépens.

Antoine Lyonel Trouillot


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie