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Au bout de la honte

jeudi 18 juillet 2019 par Charles

« Tout milicien est mineur », disait le « bon docteur François Duvalier. Ce qui signifiait que toute querelle avec un milicien était, de fait et de droit, une querelle avec son père, le bon docteur lui-même.

On ne sait à quel père le mineur Jovenel Moïse (c’est un mineur en mal de père) a voulu porter plainte contre Haïti dans les colonnes du Miami Herald. On attend le jour où Donald Trump et Emmanuel Macron vilipenderont la France et les Etats-Unis dans les colonnes de Le Nouvelliste ou de Le National. Ce jour, on ne le verra pas. On peut apprécier ou détester leurs politiques, mais on ne peut leur reprocher l’indignité de ne pas choisir leurs concitoyens, ceux qui payent leurs salaires et ceux envers lesquels ils ont des obligations contractées par serment, comme leurs interlocuteurs.
Il est vrai qu’ils n’ont pas le statut de fugitifs dans leurs pays. Qu’ils ne sont pas dans une situation telle que les seuls lieux où ils peuvent se rendre sur le territoire national, sortir une phrase, boire un coup sans être moqués, chahutés, accusés de vol et d’autres crimes sont les abris constitués par les résidences d’ambassadeurs.
Jovenel Moïse est un « président », proscrit dans son propre pays, en exil intérieur, que la majorité n’identifie plus qu’à trois choses : le mensonge, la corruption et la répression. C’est lui qui a les armes, l’argent du pays. L’argent, il peut l’utiliser pour corrompre. Les armes, il peut donner l’ordre de les utiliser contre la population, le petit peuple en particulier. Il restera une loque institutionnelle, un homme traqué auquel personne, même ceux qui le servent ou l’utilisent n’accordent le principe d’une vérité, la dignité d’une morale.
Par respect pour la fonction qu’il avilit, on a voulu garder un ton serein, éviter la basse injure à laquelle son comportement nous invite, laisser à ses thuriféraires les armes de la vulgarité. Mais là, il est allé trop loin en signant cette tribune sous la forme de prière d’un petit enfant nègre plus domestique que responsable à on ne sait quel dieu ou chef. « Papa, protège-moi des Haïtiens, ils m’en veulent et me refusent la chance de continuer à les conduire dans l’abîme. Papa, la Cour supérieure des comptes, elle ne m’aime pas, viens faire un audit de son rapport. » Oui, on attend le jour où un président français dénoncera dans les colonnes du Nouvelliste le Conseil Constitutionnel, ou le jour où un président américain dénoncera la Cour suprême dans les colonnes du National.
Jovenel Moïse est allé au bout de la honte en exprimant par mensonges, par omission son désespoir sans vertu dans les colonnes du Miami Herald. Mais il y a longtemps qu’on ne s’adresse plus à lui que pour lui demander de partir. Si, parmi ses collaborateurs, quelques-uns ont encore une once de dignité, il vient de leur offrir l’occasion de se ressaisir. Après cette tribune de subalterne en mal de maître qui montre son mépris des institutions et des citoyens, son ignorance des obligations de sa fonction, qui peut encore prétendre s’allier avec un tel homme pour servir Haïti ?

Antoine Lyonel Trouillot
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