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Mario Andrésol propose une reconfiguration de la gouvernance de la sécurité en Haïti

vendredi 19 juillet 2019 par Charles

Invité récemment à une journée de réflexions sur la gouvernance et la sécurité à l’Université Quisqueya (UniQ), l’ancien directeur général de la Police nationale d’Haïti, Mario Andrésol, a plaidé en faveur d’une « reconfiguration de la gouvernance de la sécurité en Haïti ». Il propose une prise en compte en quatre dimensions du champ de sécurité : « sécurité nationale, sécurité publique, sécurité humaine et sécurité sociétale ».

Le domaine de la sécurité n’est pas seulement l’apanage de l’appareil de l’État. Il y va également de la responsabilité des citoyens qui en constituent les différents « objets référents de la sécurité », a souligné l’ancien militaire qui se voulait plutôt pédagogique, dans son intervention faite devant une assistance composée d’étudiants et de différentes personnalités. Mario Andrésol a présenté des menaces spécifiques circonscrites dans les champs distincts liés à la sécurité : « sécurité nationale, sécurité publique, sécurité humaine et sécurité sociétale ».
Il y a une part, la sécurité nationale qui concerne le niveau de défense se rapportant à « toutes situations militaires ou non militaires pouvant porter atteinte à l’indépendance ou à la souveraineté nationale, à la stabilité de l’ordre démocratique et républicain et à la prospérité économique de la République », rappelle Mario Andrésol, citant l’auteur Arnol Wolfers. Ainsi la sécurité publique (niveau judiciaire) concerne « tous les phénomènes ayant trait aux menaces criminelles traditionnelles contre les vies et les biens des citoyens ou contre l’ordre public » (citant Sébastian Roché).
D’autre part, il y a la sécurité humaine, reprend l’ancien numéro un de la PNH, qui s’applique à toute situation ou phénomène touchant la capacité du citoyen à s’épanouir ou à réaliser son plein potentiel humain. À ce niveau, les citoyens sont confrontés à des menaces multimentionnelles (comme le souligne l’OEA) ou menaces de sécurité humaine (selon l’ONU), évoquant par exemple les violations massives des droits de l’homme, l’insécurité routière et urbaine, les déficits d’État de droit et la mauvaise administration judiciaire, entre autres.). Enfin, la sécurité sociétale qui est liée à tous les phénomènes politiques ou sociaux susceptibles de porter atteinte aux caractéristiques identitaires ou essentialistes d’une communauté humaine distincte et de compromettre sa cohésion sociale.
« En matière de sécurité, nous sommes très en retard par rapport aux pays de la région »
Dans son intervention, le spécialiste en sécurité, Mario Andrésol, a expliqué qu’Haïti est « très en retard » par rapport aux autres pays de la région dans le domaine de la sécurité. Pour l’ancien directeur général de la PNH, « notre approche de la sécurité continue d’être exclusive au lieu d’être intégrale ». Pour que la sécurité soit durable, il faut, selon lui, qu’elle intègre tous les champs. « Il apparaît clairement que notre police nationale ne peut porter, à elle seule, le fardeau de la sécurité. Sa mission, selon la loi de novembre 1994, se confine strictement dans le champ de la sécurité publique », soutient Mario Andrésol. Il revient donc à l’État de se donner les moyens et les institutions pour garantir une totale sécurité à ses citoyens, croit-il, en proposant donc une reconfiguration de la gouvernance de la sécurité en Haïti, comme pour rompre avec les mauvaises pratiques.
Mario Andrésol préconise une « dose de créativité institutionnelle, d’audace, voire d’utopie »
Andrésol propose, du point de vue de l’État, l’élaboration d’une politique de sécurité et de défense, la création d’une structure étatique destinée à optimiser et à coordonner les actions des différents organismes de sécurité, notamment en matière de renseignements criminels, la mise en place de la stratégie intersectorielle fondée sur les actions conjuguées des structures de sécurité et de la justice et sur les actions de lutte contre la pauvreté du pouvoir central et la mise en œuvre d’un plan de sécurité intégré.
Mario Andrésol croit également que l’État doit « renforcer la chaîne pénale par la création, entre autres, d’un parquet national spécial pour traiter des cas liés notamment au terrorisme, au kidnapping, à l’enrichissement illicite, au blanchiment des avoirs, au trafic d’êtres humains, au trafic de la drogue, à la contrebande donner une habilitation à des policiers de la DCPJ afin de poser des actes de police judiciaire, renforcer les capacités opérationnelles et techniques de la PNH par l’augmentation des moyens mobiles et de communication.
L’organe de l’État mis à part, les citoyens ont, par ailleurs, leur part de responsabilité et d’engagement quant à l’expérimentation de cette nouvelle approche sécuritaire, en évitant notamment les comportements à haut risque. Mario Andrésol propose alors « un pacte social pour concrétiser une nouvelle vision de la sécurité dans laquelle chaque citoyen sera un acteur éveillé et vigilant de la sécurité publique ». Il croit qu’il pourrait exister « l’émission ponctuelle de consignes de sécurité à la population pour aider celle-ci à mieux se comporter et, par voie de conséquence, à contribuer à la production de la sécurité. Il conseille aux autorités locales à prendre en main les préoccupations sécuritaires de leurs juridictions, tout en formant des comités de sécurité (du département aux sections communales ils sont à encourager), et en organisant une campagne de sensibilisation pour un changement de comportement et la promotion de la collaboration entre la police et les acteurs de la société civile.

Worlgenson Noël
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