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De quoi « la prudence » est-elle le nom ?

vendredi 9 août 2019 par Charles

« Ce qui distingue encore le bourgeois, c’est qu’il n’est pas philosophe. Les grandes spéculations le rebutent… Avec cela, la prudence étant une vertu bourgeoise, il est très prudent… Se démentir… c’est à quoi une grande partie de sa vie est occupée… Cela ne lui coûte pas parce que le contraire pourrait lui coûter… » sans offense aux individus, la valse hésitation de certaines institutions du secteur dit des affaires, concernant la démission de Jovenel Moïse, fait penser à ce que le grand critique Émile Faguet disait d’un écrivain.
Pas besoin des grandes spéculations de la philosophie pour réaliser que Jovenel Moïse ne peut se maintenir au pouvoir que par la répression et la corruption.
On l’a assez dit : la crise actuelle témoigne de l’incapacité d’un système fondé sur des mécanismes inacceptables d’exclusion, d’exploitation et de domination à se reproduire à l’identique. L’alliance entre les tenants d’un pouvoir politique qui ne fonctionne plus qu’à la répression et la corruption et certains membres de ce secteur dit des affaires est ce contre quoi un peuple en sa majorité est en train de se battre. Pas besoin donc d’être un génie pour comprendre que ce secteur dit des affaires qui fait partie du problème a une chance de faire partie de la solution. Si, et seulement si il rejoint le point de vue de la majorité et accepte des changements vers plus de justice sociale, plus d’intégration. Lequel changement nécessite le départ au plus vite de Moïse/PHTK. Avec Jovenel Moïse/PHTH, c’est la continuité de ce que Martelly avait réinitié : le « droit » des uns de faire ce qu’ils veulent et l’utilisation de la répression et de la corruption pour que les autres subissent dans la paix des moutons. Cela n’a jamais été que ça et ce ne peut être que ça.
Devant les morts de La Saline, prudence. Après le rapport de la Cour supérieure des comptes, prudence. Après les révélations de l’implication directe de dignitaires PHTK dans les commandes de crimes et le grand banditisme, prudence. Devant l’utilisation (la TNH nous en a offert le triste spectacle) à des fins personnelles et de propagande des institutions d’État, prudence.
Qui peut dire aujourd’hui, en dehors de ceux dont les intérêts privés ne concordent pas avec ceux de la nation, que l’intérêt général est que Jovenel Moïse reste au pouvoir ? Ces derniers mois, tous ceux qui ont tenu ce discours se sont décrédibilisés auprès de la nation.
De quoi cette prudence qui, lueur d’espoir, ne caractérise pas tous les représentants de ce secteur, - il est des positions courageuses, radicales - est-elle le nom ? Pour rester en littérature, rappelons la phrase célèbre d’un écrivain qui disait avoir vu entrer dans un palais « le vice appuyé sur le bras du crime ». Cette prudence (dictée peut-être par des forces étrangères ou la défense d’intérêts immédiats ?) risque d’être perçue par la majorité comme « le crime soutenu par le vice ».
Faguet disait aussi de cet écrivain qu’il traitait de bourgeois : « Comme il aime que le peuple le laisse tranquille, il aime tous les freins qui peuvent contenir le peuple. » Il est des moments historiques quand les peuples cessent d’être des patients ou du bétail qu’on soumet à la contention. Ce secteur dit des affaires a déjà raté bien des chances de faire partie de la solution… On voudrait être un peu naïf et le supposer de bonne foi, oublier que ce système a fait sa fortune et la misère des autres, mais cette prudence n’inspire vraiment pas confiance.

Antoine Lyonel Trouillot
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