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« Il devrait faire une fibroscopie mais comme il n’a pas l’AME… »

jeudi 19 septembre 2019 par Charles

Au sein de l’exécutif, certains souhaitent réformer l’aide médicale d’Etat. Au centre d’accueil de Saint-Denis de Médecins du monde, on essaie surtout de gérer les urgences.

« Ici, on n’en fait pas trop des prothèses mammaires… » Avec ironie, et une once de dépit, le médecin balaye le sujet. Il y a quelques jours, le délégué général de La République en marche (LRM), Stanislas Guerini, s’offusquait sur la chaîne CNews des « abus » dans l’utilisation de l’aide médicale d’Etat (AME). D’après l’élu, ce dispositif de soins réservé aux étrangers en situation irrégulière servirait à financer des opérations de chirurgie esthétique. Un soupçon de « tourisme médical » sur lequel le gouvernement fonde son souhait de réformer l’AME.
Pourtant, au centre d’accueil, de soins et d’orientation de Médecins du monde (MDM) de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), l’équipe n’a jamais observé un tel phénomène. Ici, 6 000 personnes sont accueillies chaque année, des étrangers majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne et pour la plupart éligibles à l’AME.
« Les gens viennent parce qu’ils ne savent pas où aller pour se faire soigner. Ils n’ont pas d’argent, pas de Sécurité sociale ; 60 % de nos bénévoles travaillent sur la constitution de dossiers de demandes d’AME », explique Adeline Grippon, qui coordonne le centre.
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« Prise en charge extrêmement compliquée »
S’il ne s’agit pas d’un dispensaire, des dépistages y sont effectués (tuberculose, VIH…) et des médecins assurent aussi des consultations.
« C’est varié, aléatoire, et ça va du moins grave au plus grave, reprend Patrice Valleur, chirurgien retraité et bénévole au centre de MDM. Des tas de gens traînent leur pathologie depuis longtemps, du fait de leur situation administrative. Ils ne savent pas que l’AME existe. » « On touche beaucoup les maladies de la précarité, ajoute la coordinatrice. Ce sont les conditions de vie qui détruisent la santé. » Problèmes ostéo-articulaires, digestifs, respiratoires, cardio-vasculaires, maladies de peau…
Ce jour-là, Patrice Valleur reçoit un jeune Ivoirien en consultation. Arrivé en août en France, il se plaint de douleurs à l’abdomen. Le médecin soupçonne un ulcère. « Il devrait faire une fibroscopie mais comme il n’a pas l’AME, en attendant, je vais lui donner un traitement cicatrisant », explique-t-il. Il y a trois semaines, il a examiné un jeune homme qui se plaignait de ne pas arriver à manger.


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