MosaikHub Magazine

Dany Laferrière : Vers d’autres rives... Un regard poétique et artistique d’Haïti

vendredi 6 décembre 2019 par Charles

C’est le trente et unième roman de Dany Laferrière. « Vers d’autres rives » est un casse-tête pour les libraires. Il peut être classé dans au moins quatre sections :

Publié le 2019-12-03 | Le Nouvelliste
Jeunesse, Poésie, Art pictural, Roman. Il nous emmène, une nouvelle fois, de port en port, de gare en gare, découvrir son histoire et, à travers elle, qui nous sommes vraiment. Petit-Goâve, Port-au-Prince, Montréal, Miami…
Pour ma part, c’est un livre qui arrive au bon moment … 10 ans après l’« Énigme du retour », et le Prix Médicis, c’est une nouvelle occasion de présenter un regard différent sur Haïti et les Haïtiens. Car nous existons de deux manières. La version originelle de ce que nous sommes vraiment et la perception d’autrui. Ce roman offre l’occasion de contrecarrer le construit médiatique, le ouï-dire, la propagande du moment : Pays pauvre, Peyi lòk, Pays maudit.
« QUAND JE DESSINE J’ÉCRIS » Dany Laferrière
Nous vivons dans un monde de clichés. Nous sommes à l’ère du selfie, de l’autoportrait. D’ailleurs ce roman est dans la lignée d’ « Autoportrait de Paris avec Chat » nous retrouvons des dessins et une écriture faits à la main, par Dany lui-même. L’auteur se met à l’heure du temps, mais également, un retour à l’époque de l’intimité de la main, la feuille et la plume. Trilogie presque oubliée.
Nous vivons le temps des émotions en images. Les émoticônes !
Mais Dany fait mieux que des frimousses. Ce sont des tableaux qu’il dessine, des scènes de son enfance et de notre histoire qu’il enferme en images. Il nous situe par rapport à la caricature que nous croyons être devenus...
« Vers d’autres rives » est une vision optimiste d’Haïti utilisée comme couloir nous emmenant à notre propre humanité. C’est un raccourci vers le paradis où les oiseaux, les libellules ont autant d’importance que le lion ou l’humain. Et, comme le ciel et la terre forment un tout continu, nous ne pouvons modifier l’une des parties sans altérer l’autre.
UNE IMAGE VAUT MILLE MOTS !
Dany dessine ! Or, il a tant à dire. Est-ce par économie de mots qu’il utilise les dessins ? Mais la poésie, est là à dessein. Depestre, Brouard, Roumer. Durand. La poésie est un luxe pour Dany. Chemin de liberté ou des millions de gens lisant la même poésie mais vivant émotions et passions différentes.
La peinture, elle, est partout. C’est plutôt un immense tableau, ce livre. Mieux encore, une galerie d’arts que j’ai pénétrée en y plongeant mon nez. Dany en est le guide.
LA FAIM, LE MAUX QUI CRÉE L’IMAGE !
Dany a voulu rendre hommage à ces peintres naïfs qui peignaient pour la survie. Une réponse à l’immédiateté de leur faim. Le tableau, dit Dany, n’existe que dans les yeux du lecteur.
C’est Dewitt Peters, un Américain, fondateur du Centre d’Arts de Port-au-Prince, avec le concours d’intellectuels haïtiens, qui mit en lumière la peinture et les peintres haïtiens dans les années 50. Avant, aucune institution n’existait pour encadrer l’art.
Robert Saint Brice, Hector Hyppolite, André Pierre, Wilson Bigaud, Castera Bazile, Rigaud Benoit, Georges Liautaud, Roussan Camille, Préfète Duffaut, Jean Claude Garoute (Tiga)… Des étoiles qui illumineront le ciel de la France, attirant la crème de l’intelligentsia de Paris.
André Breton, Jean Paul Sartre, et André Malraux débarquent en Haïti, pour l’art. C’est une dizaine de toiles rapportées par Breton, en France, qui sera le déclencheur de l’âge d’or de la peinture haïtienne, jusqu’alors, passe-temps de bourgeois, dans l’intimité de leur véranda. Mais ce sont des analphabètes vodouisants qui la présenteront au monde.
Ce que Malraux confirmera par cette phrase : « Haïti est un pays habité par des artistes »
LA RESSOUVENANCE !
Ce tout récent roman de Laferrière est un rappel. Une manière de nous sortir de notre Alzheimer collectif et nous dire que nous continuons d’être ce que nous fûmes. Il nous suffit de cesser d’être cette contrefaçon, cette parodie humaine que nous jouons à répétition. Haïtiens, Dany nous dit que nous devrions nous élever à une version plus grandiose, égale à nous-mêmes. Soyons ce que nous sommes vraiment.
Dany est le gardien de notre mémoire. Il cumule dans son livre les détails de notre Moi collectif. Il n’est point mélancolique, encore moins nostalgique. Il chevauche les rives de l’âme haïtienne, à travers son roman qui coule de source…

Aly Acacia
Auteur


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie