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Ci-gît Boulevard Jean-Jacques Dessalines

samedi 21 décembre 2019 par Charles

A six jours de la Noël, la capitale se contente de vivre au jour le jour. Mais de vivre quand même.

Publié le 2019-12-19 | Le Nouvelliste

Dans ce numéro du Nouvelliste, Roberson Alphonse dresse un portrait décapant du boulevard Jean-Jacques Dessalines.

Cette voie transporte nos rêves de modernité et de grandeur depuis plus d’un siècle.

Cette artère fut un temps une des fières réalisations de François Duvalier.

Entre le Marché en fer érigé par Florville Hyppolite et les travaux de Duvalier, la rue a connu de belles années.

Reconstruit en béton hydraulique dans les années 60 avec trottoirs, caniveaux et chaussée encaissés ne faisant qu’une seule pièce, le boulevard Jean-Jacques Dessalines est la plus solide de nos réalisations routières.

La grand-rue a tenu bon jusqu’à aujourd’hui, mais dans quel état !

La plaque de cuivre, marquant le kilomètre zéro, placée dans le temps au milieu de l’intersection de la rue Pavée et du boulevard, n’existe plus depuis des années, emportée par les pilleurs de métaux. Mais ce n’est pas seulement ce point de repère qui manque à l’ancien plus important passage du pays.

Il lui manque de tout. L’assainissement, la sécurité, l’ordre, l’achalandage commercial et surtout une ambition.

En reconstruisant le Marché en fer à l’identique, la Digicel a été la seule entreprise, la seule entité à parier sur la renaissance du centre-ville de Port-au-Prince en perte de vitesse depuis plus de vingt ans.

Dix ans après le séisme, le constat est implacable. Nous laissons mourir le plus grand boulevard du pays tout en ne construisant rien de mieux ailleurs.

Reste la créativité pour donner vie à ce qui reste, ce petit reste pour ceux qui restent sur place.
La vie résiste. Et Ghetto Biennal, qui se tient ces jours-ci à la grand-rue est un bel exemple de résistance et de création.

Capharnaüm absolu dans un pays qui a perdu le sens de l’orientation pour déterminer son avenir, le boulevard Jean-Jacques Dessalines est une belle métaphore de notre folle envie de vivre.

Après les Syto Cavé, Lyonel Trouillot et autres plumes qui avaient écrit la "Légende du Boulevard Jean-Jacques Dessalines" dans une pièce jouée au Théâtre national dans les années 80, reste aux poètes et aux romanciers de conter l’aventure de la grand-rue.

Notre déperdition dépasse le périmètre des sciences exactes.

Au cimetière de nos ambitions, comme pour l’empereur Jacques 1er assassiné au Pont-Rouge, situé au prolongement du boulevard qui porte son nom, on peut dire pour Port-au-Prince : “Ci-gît Boulevard Jean-Jacques Dessalines et autres rêves de grandeur”.

Frantz Duval
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