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Petit portrait d’une police sous-équipée…

jeudi 23 janvier 2020 par Charles

Au petit matin, des rafales d’armes automatiques ont été entendues à l’entrée sud de Port-au-Prince. Le porte-parole de la police, le commissaire Michel Ange Louis Jeune, interrogé par Le Nouvelliste, a confirmé un accrochage qui a fait trois blessés par balle, dont un agent de l’Unité départementale du maintien d’ordre (UDMO), corps spécialisé de la PNH, mardi 21 janvier 2020. Les jours du policier touché à la jambe ne sont pas en danger.
Peu après 9 heures 47, la circulation automobile, à cause de ce nouvel incident, est fluide. Entre la grand-rue et Martissant 1, des marchandes, plantées dans un paysage de détritus, de ruisseaux où pullulent de vieilles maisons en mal de ravalement, profitent d’un calme précaire. En face de Cité l’Eternel où l’incursion de bandits de Village-de-Dieu a fait trois morts en fin de la semaine écoulée et provoqué un tweet du président Jovenel Moïse pour remonter les bretelles aux chefs du Conseil supérieur de la Police nationale (CSPN), il y a un blindé et un pick-up de l’UDMO. Pas plus.
Capot relevé, le véhicule, dérisoire abri pour des agents de police, fait barrage pour permettre une manœuvre mécanique du chauffeur qui se paie le luxe de quelques minutes d’inattention par rapport au danger qui peut surgir à tout moment. Beaucoup de policiers ont laissé leur vie et leur santé dans cette zone chaude.
A quelques centaines de mètres plus au sud, le sous-commissariat de Martissant n’a pas l’allure d’un poste avancé en territoire hostile. Un vieux pick-up de police immatriculé I-00114, petit chat endormi, fait le guet. Il est cabossé, a un impact de balle au milieu du pare-brise. Deux policiers sont postés à l’entrée de l’un des plus anciens points de contrôle de la région métropolitaine. Martissant est la porte d’entrée à la capitale pour cinq départements géographiques si on compte l’Ouest. Les moyens déployés ne sont pas à la hauteur ni du danger ni de l’importance des lieux.
A un jet de pierres de ce sous-commissariat de police, en face d’une station d’essence, il y a un véhicule blindé de la police. La poussière, l’état général du véhicule indiquent qu’il est abandonné et ne peut plus patrouiller sans grosses réparations. La seule présence policière visible est à Fontamara 43.
Les policiers veulent travailler. Ils n’ont tout simplement pas les moyens, a confié un cadre de la PNH. La police a demandé depuis un certain temps de nouveaux blindés pour faire face à la situation, assurer la sécurité du segment compris entre Bicentenaire et Martissant 23 pour faciliter la circulation des personnes et des biens. Elle n’a rien reçu, a regretté ce cadre, soulignant que depuis fin décembre, des policiers ont démontré leur détermination à faire leur travail. « Face à ce qu’il y a à Village-de-Dieu et à Savien, dans l’Artibonite, il faut avoir des moyens. Aux grands maux les grands remèdes », a-t-il indiqué.
Sans négliger l’importance d’une intervention prenant en compte les racines du problème à Martissant et dans d’autres quartiers précaires où la misère prend des rides au quotidien, il faut déplorer l’absence de volonté de mettre des moyens à la disposition de la mission de la police qui est de protéger et servir la population, toute la population, a confié au journal une source sous le couvert de l’anonymat.
Selon cette source, "la dernière initiative pour doter la police de nouvelles armes et d’autres équipements remonte au temps du Premier ministre Laurent Lamothe, en 2012. Chaque fois que l’on doit acheter armes, munitions, matériel roulant ou équipements pour la PNH, il y a un scandale et la police en ressort plus affaiblie".
Plus d’une cinquantaine de fusils, confiés au Palais, ont disparu. Certains ont été retrouvés dans des pays voisins, utilisés dans des actes criminels. Cela peut provoquer une certaine froideur au niveau de certains partenaires internationaux quand il est question d’armer la PNH, a regretté cette source qui déplore le mal profond qu’est l’effondrement d’une partie de la crédibilité des institutions de l’Etat haïtien.
Entre-temps, si des agents de l’UDMO, de la police administrative sont sur le front avec peu de moyens, ils ont toujours leurs yeux pour regarder l’armement, les véhicules et la logistique de l’USGPN. La force qui sécurise les déplacements du président Jovenel Moïse. Cette unité dispose d’hommes entraînés, d’armes puissantes et de matériel moderne. Pour se rendre à Gressier, en 2019, afin de participer à la graduation d’une promotion de soldats des FAD’H, la sécurité présidentielle avait déployé les grands moyens pour sécuriser l’itinéraire du président Jovenel Moïse. C’est peut-être l’une des seules fois où des usagers de la route se sont sentis en sécurité, avait plaisanté un habitant de Carrefour.
"L’USGPN, les agents de la PNH et tous les corps civils d’intelligence sont déployés tous les jours pour sécuriser le parcours du président de la République. Il reste peu de moyens pour protéger le reste de la population. La PNH doit vivre d’économies et de privations", déplore un observateur de l’inadéquation sécuritaire en Haïti.

Roberson Alphonse
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