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Mouvement « Black Lives Matter » : « Pékin et Moscou ne réalisent pas que ce qu’ils perçoivent comme une faiblesse des démocraties libérales est en réalité leur force »

vendredi 12 juin 2020 par Charles

En traversant l’Atlantique, le mouvement Black Lives Matter, comme #metoo, a unifié par le bas un Occident que Donald Trump et sa doctrine « America First » avaient profondément fracturé, analyse Sylvie Kauffmann, éditorialiste au « Monde », dans sa chronique.
Publié le 10 juin 2020 à 01h23 - Mis à jour le 10 juin 2020 à 07h01
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Manifestation après la mort de George Floyd près de la Maison Blanche, à Washington, le 6 juin. JIM BOURG / REUTERS
Chronique. Depuis deux semaines, à Russia Today et à Global Times, c’est tous les jours la fête. Que peut-on rêver de mieux, lorsque l’on dirige un organe de propagande russe ou chinois, qu’une bonne flambée d’émeutes dans les grandes villes américaines ? Quoi de plus efficace qu’une photo de bâtiments en feu dans la nuit en bannière d’un site Web, agrémentée de manifestants de toutes les couleurs dansant de joie ? Et comment ne pas céder à la tentation de relancer la mécanique lorsque la contestation s’étend, de manière inespérée, aux villes européennes ?
Choquée par l’usage de gaz lacrymogènes contre les protestataires aux Etats-Unis – une arme surperflue à Moscou, tant les rares manifestations y sont vite réprimées –, la porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, Maria Zakharova, a prié Washington, le 7 juin, de « commencer à respecter les droits de l’homme et à observer les règles de la démocratie ». « Le temps est venu de cesser de se poser en donneur de leçons et de se regarder dans la glace », a-t-elle ajouté. Le même ton est de rigueur à Pékin, où l’on a malgré tout pris soin d’interdire aux habitants de Hongkong, sous prétexte de coronavirus, de commémorer le massacre de la place Tiananmen, le 4 juin 1989.
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Curieusement, les hérauts de l’ordre russe et chinois ne réalisent pas que ce qu’ils perçoivent comme une faiblesse des démocraties libérales, cette capacité à produire de la contestation et du désordre, est en réalité leur force. Que bien des jeunes Russes et Chinois rêveraient de pouvoir protester et regardent peut-être les images de cette ébullition non pas avec horreur, mais avec envie. Et que le mouvement Black Lives Matter, en traversant l’Atlantique, est en train de réunifier un Occident que Donald Trump et sa doctrine « America First » avait profondément divisé.
Le poison d’une relation
Au sommet, en effet, cette communauté d’Etats que l’on appelait « l’Ouest », pendant la guerre froide, face à « l’Est », dominé par l’Union soviétique, est spectaculairement fracturée. La relation transatlantique est devenue un objet d’étude pour historiens, et les principaux dirigeants européens se sont mis à cet égard en mode « pause » jusqu’au 3 novembre, date de l’élection présidentielle américaine, dont, selon la formule consacrée, ils espèrent le meilleur tout en se préparant au pire.
La chancelière Angela Merkel a fait échouer le G7 de Donald Trump en prétendant ne pas pouvoir se déplacer à cause de la pandémie ; le président américain a riposté en menaçant, selon le Wall Street Journal, de retirer 9 500 soldats des 34 500 encore stationnés en Allemagne, et de limiter à 25 000 leur nombre en permanence, y compris au moment des rotations. On en est là.
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