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« Les Villes sous l’Occupation » : 1940, Strasbourg passe à l’heure allemande

mardi 21 juillet 2020 par Charles

La série documentaire « Les Villes sous l’Occupation » fait étape à Strasbourg, purement et simplement « annexée » après l’invasion nazie.
Par Alain Constant Publié hier à 20h00

Temps de
Lecture 2 min.

RMC DÉCOUVERTE - MARDI 21 JUILLET - 21 H 05 - DOCUMENTAIRE
Une grande et belle ville, habituellement bouillonnante de vie. Mais, en ce début du mois de septembre 1939, Strasbourg est silencieuse et presque totalement désertée par ses habitants. La raison ? Un ordre officiel d’évacuation, préparé depuis longtemps par les autorités françaises. « On pense à évacuer la ville dès 1935, deux ans après l’arrivée d’Hitler au pouvoir », souligne Richard Seiler, l’un des nombreux historiens interrogés dans ce passionnant épisode de la série documentaire Les Villes sous l’Occupation.

Cette gigantesque opération est parfaitement réalisée : 374 000 Alsaciens sont concernés, dont la quasi-totalité des habitants de Strasbourg. Hommes, femmes et enfants ont 48 heures pour quitter leur domicile et prendre un train, direction Périgueux ou Clermont-Ferrand notamment. Les adultes sont désemparés, certains enfants plutôt joyeux de cette aventure inattendue. Pendant des mois, alors que les troupes allemandes sont invisibles, la ville-front restera déserte…
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Le 19 juin 1940, la croix gammée flotte sur la cathédrale. Neuf jours plus tard, comme le montrent des images d’archives inédites, Hitler se rend sur place. Pour le Reich, Strasbourg est allemande, comme toute l’Alsace et la Moselle. Contrairement aux autres villes françaises, Strasbourg sera donc annexée. Sur les plans idéologique, linguistique et monétaire, tout doit être « défrancisé ». « Dans la France occupée, les nazis attendent de l’obéissance. Dans l’Alsace annexée, ils attendent une adhésion », résume un historien.
Pour mettre en place ce programme, le Führer a nommé à la tête de la région un proche. Robert Wagner, militant nazi de la première heure, ne perd pas de temps : arrivées massives de fonctionnaires allemands dans les entreprises et les établissements scolaires, germanisation des noms de rue (la place Kléber devient la Karl Roos Platz), disparition du franc, remplacé par le reichsmark, tout doit aller très vite.
« Indésirables » expulsés
Mais, sans habitants, difficile de faire redémarrer l’économie. Le retour des évacués de septembre 1939 est l’occasion d’une grande opération de propagande, comme l’attestent les archives filmées. A la gare de Strasbourg, musique militaire, discours et repas servis par la Croix-Rouge sont proposés aux familles strasbourgeoises, qui ont du mal à reconnaître leur ville nazifiée.
Wagner et ses troupes font le ménage : 30 000 « indésirables » sont expulsés, la ville vidée de ses citoyens de confession juive, et les habitants ont interdiction formelle de parler français. Autre opération de propagande : l’inauguration, le 23 novembre 1941, après d’importants travaux, de la prestigieuse université, mise en scène avec faste devant les caméras. Des professeurs de haut niveau, qui sont aussi des nazis convaincus, se sont portés candidats pour venir enseigner à Strasbourg.
Grâce à des témoins qui ont connu cette période sombre à l’adolescence, des historiens spécialistes de la région et de nombreuses archives filmées, ce documentaire est passionnant de bout en bout. Mouvements de résistance, filières d’évasion, incorporations forcées dans l’armée puis envoi sur le front de l’est, camps de « rééducation » et de concentration, aucun détail de cette période difficile n’est oublié. Le 14 août 1946, face au peloton d’exécution, Wagner s’écriera : « Vive l’Alsace allemande ! »
Les Villes sous l’Occupation : Strasbourg, d’Olivier Lacaze (Fr, 2019, 80 min).


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