MosaikHub Magazine

L’époque S’aimer comme on se quitte S’aimer comme on se confine : « Il n’avait pas envie de venir et maintenant on va rompre »

jeudi 30 juillet 2020 par Charles

L’amour les a rapprochés, alors même qu’ils ne pouvaient pas se rencontrer ; ils nous racontent leur histoire confinée. Laura, 26 ans, écrivaine, témoigne.
Par Eric Collier Publié le 16 juin 2020 à 18h00 - Mis à jour le 20 juin 2020 à 16h09

Temps de
Lecture 3 min.

Après avoir beaucoup discuté – ce que D.B appelle « faire le point » –, nous avons décidé de rompre. D.B, qui est israélien, a cherché un vol et a dit qu’il partirait dès que sa valise serait faite et ses affaires réglées. C’était le 16 mars et, dans la soirée, Emmanuel Macron a parlé à la télé. Il a annoncé la « guerre sanitaire » et D.B et moi, on s’est retrouvés confinés ensemble dans l’appartement de ma mère, qui s’occupe de ma grand-mère, malade d’un cancer. J’ai écrit un journal, parce que je me suis dit que ça pouvait avoir de l’importance. En voici un extrait, tiré de la dernière semaine :
Lundi 11 mai
J’écris alors qu’il est dans l’autre pièce. Chaque fois que je me lève, il me regarde et sourit. C’est très gentil de sourire et de bouger la tête pour montrer à l’autre qu’on l’a vu mais je préfèrerais qu’il garde sa tête baissée. J’essaie de me faire à l’idée que c’est la fin. Il est 10 heures du matin et on est lundi. Les gens normaux travaillent, de chez eux peut-être, mais ils travaillent tout de même, alors que nous, on se contente de se sourire et parfois de pleurer. Il y a aussi cette heure par jour pendant laquelle on se balade. De la façon la plus cordiale, on se parle de notre enfance, du temps, qui est couvert, et des choses qu’on voit, comme ce petit chien blanc qui a fait pleurer un enfant handicapé parce qu’il a dégonflé son ballon. Des plats qu’on va cuisiner et des courses qu’on doit faire. Il n’y a pas plus gentils que nous.
J’ai pas mal pensé à ma dernière rupture, après un an et demi, avec un garçon qui s’appelle Tamir. Je lui ai hurlé au téléphone que s’il m’appelait encore une fois, je le tuerai. Ce qui était une belle blague – Tamir, en plus d’être grand et lourd, est un ancien soldat. Mais l’envie y était, et Tamir ne m’a plus jamais appelée, excepté pour me dire que je lui devais de l’argent.
Là, c’est différent. Ça fait trois ans qu’on est ensemble, et D.B a 31 ans. Depuis deux mois, il passe son temps à regarder la télé. C’est moi qui l’ai emmené à Paris, et il m’en veut d’être bloqué dans l’appartement de maman. Le nôtre, d’appartement, est dans une banlieue de Tel Aviv. D.B a perdu son travail après s’être payé ce voyage. « Tu parles d’une idée », avait-il dit, et il avait raison. Je suis dans la même situation que lui, avec 374 euros sur mon compte. Il n’avait pas envie de venir mais il l’a fait par amour et maintenant on va rompre. Qui aurait pu prévoir qu’un mois après notre installation, l’épidémie allait arriver ? Mais qui peut prévoir quoi que ce soit, de nos jours ?
Il vous reste 25.46% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie