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Les jeunes filles sous le regard inquisiteur d’Alberto Lattuada

dimanche 2 août 2020 par Charles

Deux films du cinéaste italien, « Guendalina » (1957) et « Adolescentes » (1961), ressortent en salle.
Par Murielle Joudet Publié le 30 juillet 2020 à 08h00

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Avant de pouvoir être l’héroïne d’un film, il faut d’abord se réveiller : c’est ce que nous montre la splendide ouverture des Adolescentes (1961). Filmée de dos, en gros plan, Francesca (Catherine Spaak) dort, offrant à la caméra le spectacle de sa respiration – et c’est déjà beaucoup. Son visage est traversé par un songe qui la fait doucement sourire. La caméra s’éloigne lentement pour laisser la jeune fille se réveiller en sursaut. Les yeux ouverts, le corps redressé, Francesca est encore absorbée dans son rêve. De longues minutes s’écoulent, elle touche ses cuisses et ses bras, se rallonge et s’agite au milieu des draps, comme en lutte avec un corps invisible. Quatre minutes, il fallait bien ça, pour montrer ce qu’un rêve d’amour fait à un corps juvénile – il le cloue au lit. La scène aurait pu durer des heures si le frère de Francesca n’était pas venu y mettre un terme. Car la journée doit commencer.
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Cinéaste secret, observateur acerbe de la société italienne et des désirs entravés par sa bourgeoisie, Alberto Lattuada a dédié plusieurs films aux jeunes filles, dont deux ressortent cet été au cinéma, Guendalina (1957) et Les Adolescentes (1961) : éblouissant diptyque sensuel, estival, mu par une énergie cyclothymique qui glisse sans crier gare de l’extase à la mélancolie. Pour le cinéaste, l’adolescente est d’abord un objet d’étude, un corps tellement cinégénique qu’il ne faut rien négliger, tout montrer : sa bêtise, ses joies, ses rituels, sa famille. Dans les deux films, le cinéaste italien consacre de longues séquences aux teenagers, qu’il scrute à la manière d’un poète épris de sociologie. Le dernier jour d’école est, dans Guendalina, l’occasion de capturer la frénésie qui s’empare des corps : les ados se ruent en bande vers la plage, dansent des slows, s’échangent des promesses qui ne passeront pas l’été et carburent au Coca-Cola. Cette meute de jeunes, c’est déjà une vague de libido qui fond sur le monde, sans connaître d’entraves – pense-t-on d’abord.
Concupiscence enragée
Réalisé quatre ans plus tard, Les Adolescentes se veut plus libre, plus onirique, ose les stases, ne perd rien des trajets dans l’espace de son héroïne, qui avance dans le film comme une somnambule. De 1957 à 1961, la jeune fille s’est subitement alourdie d’une tristesse qu’elle n’arrive pas encore à nommer, mais qui marque son regard. Une fureur sexuelle agite les murs du lycée pour filles : dans la salle de classe, les élèves s’épuisent en propos sur les garçons, cancans, ricanements et conjectures sur une lettre enflammée reçue par l’une d’entre elles. Surexcitées et pensives, la nuée d’adolescentes est bouleversée par une force qui la dépasse – son éveil sexuel – et qu’elle n’a pas encore appris à apprivoiser. Francesca prend sous son aile une de ses camarades qui, autrice de la missive, est l’objet de toutes les moqueries. Dans les toilettes, un face-à-face magnifique se formule entre les deux complices : elles se comprennent parce qu’elles sont toutes les deux hantées par un amour. Guendalina ose un avertissement : « Tiens-toi loin de ton amour, Francesca, ne lui dis rien ! » Amoureuse d’Enrico, un architecte et ami de ses parents aussi épris d’elle, la jeune fille s’impatiente de le retrouver à la fin de la journée.
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