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Susie Morgenstern : « Je suis une usine » Par Raphaëlle Leyris

samedi 8 août 2020 par Charles

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Portrait« Un écrivain à l’ouvrage » (4/5). L’autrice jeunesse, française d’adoption et de plume, livre ses secrets de création littéraire : chaque matin, elle amorce sa journée avec quelques vers, avant de noircir les pages de son journal. Ensuite, seulement, Susie Morgenstern peut écrire.

N’en eût-elle pas eu « vraiment marre » d’être rivée à des écrans, elle aurait franchi le pas. Il y a quelques semaines, Susie Morgenstern a éprouvé une forte tentation en voyant une annonce pour une master class en ligne de l’écrivaine Judy Blume, l’un des très grands noms de la littérature jeunesse américaine. Car elle aussi est née aux Etats-Unis, mais c’est de ce côté-ci de l’Atlantique, et en écrivant en français, qu’elle a marqué à jamais des générations de jeunes lecteurs. Et singulièrement influencé, avec son humour et sa confiance dans leur intelligence, la manière dont on écrit ici pour les enfants et les adolescents. Elle est l’autrice d’un nombre impressionnant de best-sellers longue durée, comme La Sixième, La Première Fois que j’ai eu seize ans, Lettres d’amour de 0 à 10, Joker (L’Ecole des loisirs 1984, 1990, 1996, 1999).
« Quelle boulimie ! »
Et pourtant, donc, elle a failli s’inscrire au cours d’écriture de Judy Blume – la tentaient également, dans le même programme, les master class du poète Billy Collins et de Joyce Carol Oates. Travailleuse stakhanoviste, l’écrivaine aurait adoré approcher les secrets de fabrication de ces auteurs qu’elle révère. Susie Morgenstern admire comme elle fait tout : avec générosité, curiosité et envie de progresser, même à 75 ans, même avec quelque cent cinquante livres derrière elle. « Cent cinquante ! Quelle boulimie ! J’ai un peu honte ! », s’exclame-t-elle en riant, avec son accent américain aussi marqué qu’à son arrivée en France, en 1967, après son mariage avec le mathématicien français Jacques Morgenstern (1937-1994).
Si elle-même a arrêté il y a quelques années de dispenser des ateliers d’écriture, elle accepte obligeamment de parler de sa manière de travailler, par visiophone, en se livrant, toute d’enthousiasme, de gentillesse et de professionnalisme. La native du New Jersey devenue niçoise passe l’été à Neuchâtel (Suisse), où vit Georges, son « amoureux » – les deux veufs ont raconté leur rencontre (sur Internet) et leur complicité dans Fleurs tardives (Bayard, 2018).
Là, dans un bureau avec vue sur le lac de Neuchâtel et la chaîne des Alpes, elle s’installe à son ordinateur tôt le matin, comme elle le fait dans sa maison de Nice, où elle a pris l’habitude d’écrire dans la cuisine depuis que l’épuisement lié au traitement d’un cancer, il y a quelques années, lui a fait renoncer à grimper à l’étage, où elle « bossai[t] » avant. En bonne santé ou malade, Susie Morgenstern écrit dès qu’elle le peut. « Quand j’étais en chimio, j’avais des nausées atroces, mais je courais me remettre à mon ordinateur juste après avoir vomi. » A aucun instant de la conversation, elle ne sera plus sérieuse qu’au moment d’assurer : « J’ai une très grande éthique du travail et de la discipline. » Elle la met au service de l’activité qui la rend la plus heureuse, celle à laquelle elle n’imagine jamais renoncer, tant elle constitue son « oxygène » et donne « une justification à [son] existence ».
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