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Emeline Michel et sa lettre d’amour à son pays PUBLIÉ 2020-08-07

lundi 10 août 2020 par Charles

« Promes se dèt ! » C’est avec ces mots qu’Emeline Michel introduit son email qui m’arrive à 5 h le matin du vendredi 7 août. La diva m’avait assuré deux jours plus tôt qu’elle ferait de son mieux pour me faire parvenir ses réponses à mon questionnaire avant son concert virtuel qui sera diffusé ce samedi 8 août 2020 à partir de 8 h du soir. Et elle a tenu parole. Tout en préservant le mystère autour de l’événement à venir, elle donne donc un aperçu de cette lettre d’amour qu’elle a préparée avec soin pour son pays.

Établie à New York, État frappé de plein fouet par la pandémie du coronavirus, Emeline, comme des milliers d’autres, a dû vite s’adapter. « Tous les repères ont changé. Le défi pour moi est d’en réinventer d’autres... », témoigne-t-elle. « C’est une période très étrange ! Au lieu de faire tomber les masques, on se doit de les rajuster », note la chanteuse, soulignant au passage que c’est aussi la première fois qu’elle n’a pas pris l’avion pendant plus de 4 mois. Mais l’artiste en elle n’a pas pour autant chômé. En mai dernier elle a offert à son public la chanson « Chanjman » qui a aussi été vidéoclippée. « Un super accueil ! Avec des mentions dans le Daily News, Caribbean News, avec quelques retombées de mes droits d’auteurs qui me rassurent que la musique est encore écoutée. Je ne saurais me plaindre, Dieu merci ! », lâche-t-elle, reconnaissante envers son public. Et, tenez-vous bien, la diva ajoute : « Il y a aussi un album très avancé qui devrait suivre, reste à faire des enregistrements avec une chorale en Israël, au Canada et en Haïti. Je suis à l’écoute du temps pour identifier le bon moment. » Vivement que ce bon moment arrive, quoi !
Mais en attendant, Emeline nous sert un concert en ligne. Un concert en grande partie motivé selon elle par « le besoin d’être », car « un créateur qui ne crée pas est pareil à un oiseau auquel on a coupé les ailes ». La grande dame de la musique haïtienne confesse toutefois qu’un spectacle sans spectateurs ne l’avait pas beaucoup tentée au début. « Je suis née du live. Le rire et les applaudissements d’un public me nourrissent. La vibration, la force, la fragilité même de cette communion sont incomparables au spectacle filmé », explique-t-elle. Mais s’adaptant au nouveau normal, elle s’est laissé convaincre par « l’envie de partager un moment très spécial avec mes musiciens qui sont des perles rares et offrir ce cadeau à des amants de la musique ». De plus, à ses yeux, il s’agit d’un échange guérisseur d’un côté de la vitre comme de l’autre. Un concert virtuel gratuit ; une lettre d’amour à son pays comme on peut le lire sur l’affiche. Cette affiche s’inscrit pour la star sous le signe de la gratitude. « J’ai reçu en cadeau de très belles chansons de mon pays. Être née en Haïti m’a aussi appris la défiance, le fait même de perdurer malgré les adversités pendant plus de trente ans sur scène dans ce métier très difficile partout. Ce spectacle est une offrande, un geste entier, sans attente. Bien sûr, on accueillera avec reconnaissance toute générosité. C’est extrêmement dispendieux d’absorber les coûts pour la réalisation d’un tel plateau. Mais pour moi, c’est tout ou rien. Je n’ai pas compté. Le public peut discerner que le jour où je n’aurai pas envie de m’investir, je m’arrêterai », insiste l’interprète de « Mèsi Lavi ». Émeline en profite pour remercier Gahri Lubin et Rigaud Simon, pour leur confiance en sa vision ; le ministère de la Culture et de la Communication et ses supporters dont Kwizine art, Haup qui permettent d’alléger le poids du spectacle et aussi toutes les plateformes de diffusion.
À quoi doit-on s’attendre ce samedi ? Une sélection de plusieurs de ses chansons écrites pour Haïti depuis 1986, des extraits de plusieurs albums. « On a eu du fil à retordre, puisque la liste est longue... Je fais un mea culpa à l’avance pour les chansons que je n’ai pas pu inclure sur plus d’une heure de spectacle », prévient celle qui a déjà à son actif 10 albums. Deux invités prendront aussi part au spectacle : un écrivain et un chorégraphe. « Ce sont tous les deux des êtres habités par cette île. Je ne peux être mieux accompagnée pour parler d’amour à Haïti. La cause étant urgente face à cette chute libre que connait notre pays, vous découvrirez avec moi toutes les bonnes raisons accompagnant ces choix », promet-elle. Un peu plus loin, la chanteuse explique : « J’ai une grande tendresse et une admiration profonde pour notre académicien Dany Laferrière. Son humour, son humilité et son humanité font de lui un grand homme au sens propre du mot. Quant au chorégraphe Jeanguy Saintus, sa passion, son intégrité face à son art révèlent un respect immense pour son héritage. Haïti a besoin de se rappeler de ses trésors. Je les appelle mes DIGNITAIRES. » Et à tous ceux qui des fois lui reprochent de ne pas donner assez et de les laisser sur leur faim, c’est une Emeline d’abord innocente qui répond « Aaaah !!! Pourtant mes répertoires sont toujours de 9 à 10 chansons. Peut-être qu’il va falloir faire en 2 tomes », avant d’ajouter, un brin espiègle : « Je préfère de toute façon m’entendre dire que c’est trop court au lieu d’être trop long. Ce que j’oserais traduire par "le temps passe très vite quand on a du plaisir..." (rires) Pour moi c’est essentiel ! »
Alors oui, Emeline sera sur scène ce samedi, pour un concert gratuit pendant lequel elle reprendra ses chansons adressées à son pays. C’est d’ailleurs avec les paroles d’une chanson écrite en 1986 que la voix de "A.K.I.K.O" s’est assurée de lancer ce rendez-vous avec tous ceux-là qui l’ont accompagnée pendant ses 32 années de carrière. Ces gens pour lesquels elle ne cessera de remercier la vie. Sa conclusion leur est directement adressée : « Un grand merci pour les témoignages continuels d’encouragement, d’amour et de respect que je reçois. Ils m’irriguent et m’aident à trouver encore une place. Ce monde virtuel est tellement compliqué ! Qui regarde quoi ? Qui reçoit vraiment quoi ? On est jeté dans un monde imaginaire, élusif. C’est un accouchement réel, pour ne pas dire une césarienne, que de créer en des temps aussi incertains. La présence et le support des fans aident à la survie de notre art. Si ou vrèman renmen Mizik, pa lage nou, rete kanpe avèk nou ! »
Crédits Photos : Eléonore Coyette

Daphney Valsaint Malandre


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