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Pour avoir des cheveux « parfaits », Donald Trump est prêt à assouplir une loi sur la consommation d’eau

jeudi 13 août 2020 par Charles

L’administration américaine a satisfait, jeudi, une demande du président, en proposant d’augmenter la pression maximum des pommeaux de douche, aujourd’hui limitée.
Publié hier à 19h55
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Le président américain Donald Trump sur la pelouse sud de la Maison Blanche à Washington, D.C., le 26 avril 2019. MANDEL NGAN / AFP
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ù placer la frontière entre les réglementations de l’Etat et les libertés individuelles ? Pour Donald Trump, la bonne réponse semble se situer à l’entrée de sa salle de bain. Jeudi 13 août, le département de l’énergie américain a accédé à une demande insistante du président républicain depuis plusieurs mois : il a proposé d’augmenter le débit d’eau des pommeaux de douches, régi par une loi sur l’énergie votée en 1992 et renforcée par l’administration Obama.
Aujourd’hui, le filet d’eau en est réduit à « goutter, goutter, goutter », a dénoncé M. Trump lors de plusieurs de ses meetings. En visite dans une usine du groupe Whirpool de l’Ohio, le 6 août, comme depuis la Maison Blanche à la mi-juillet, le constat est le même : « Vous prenez une douche, l’eau ne coule pas. » D’ailleurs, dans les lavabos, « l’eau ne sort pas » non plus, et il faut parfois s’y reprendre « à dix ou quinze fois » pour tirer la chasse d’eau aux toilettes.

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« Résultat, affirmait Donald Trump au mois de janvier, vous restez [dans la douche] cinq fois plus longtemps. Vous utilisez probablement plus d’eau et c’est une expérience très désagréable. Alors, nous allons nous débarrasser des limiteurs et vous allez avoir toute la pression. »
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« Un pommeau de douche » est « un pommeau de douche »
Suivant les consignes présidentielles, le département de l’énergie a ouvert, jeudi 13 août, une nouvelle bataille dans la guerre réglementaire menée sur la définition même de ce qu’est un « pommeau de douche » au regard de la loi fédérale. Explications : voté par le Congrès en 1992, l’Energy Policy Act impose que la pression des pommeaux installés dans toutes les douches et baignoires des foyers américains soit limitée à 9,5 litres par minutes. Le texte vise notamment à réduire le gâchis d’eau aux Etats-Unis, avec l’ambition de réduire la dépendance énergétique du pays aux importations.
La mesure entre en application dès 1994 mais, pendant plus de quinze ans, certains fabricants et distributeurs de douches contournent l’esprit de la règle en ajoutant un, deux, voire trois jets à l’intérieur des cabines. Une pratique justifiée, selon eux, par le fait que, pris individuellement, chaque pommeau respecte le plafond légal.
En 2011, l’administration Obama se fend d’un avis réglementaire après avoir reçu plusieurs signalements de ces abus. Le document recadre l’interprétation du texte de loi : « Il a toujours été de l’avis du département de l’énergie que quand le Congrès a utilisé [en 1992] le terme “un pommeau”, il voulait bien dire “un pommeau” », précise le département de l’énergie, illustrant son propos d’un schéma digne d’un test de Rorschach.

Plusieurs pommeaux, ou un seul ? En 2011, le département de l’énergie de l’administration Obama a décidé de considérer comme « un pommeau » l’ensemble des jets présents dans une cabine de douche, réduisant ainsi le débit total utilisable. Department of energy / US Governement
Depuis, le plafond de 9,5 litres s’applique donc pour la pression de l’ensemble de la douche. Quand trois jets sont installés, leur débit total ne peut dépasser cette limite, et la nouvelle règle proposée par l’administration Trump explique sans détour vouloir revenir sur cette évolution : « chaque pommeau dans un produit contenant plusieurs pommeaux serait pris séparément pour déterminer sa conformité avec la réglementation », précise le texte. Il fait l’objet d’une enquête publique de six semaines, ouverte jeudi et à l’issue de laquelle l’agence décidera – ou non – d’adopter la mesure.
« J’ai ces beaux cheveux, il me faut beaucoup d’eau »
Donald Trump, qui n’a jamais précisé le nombre ou la localisation des logements dans lesquels « l’eau ne coule pas » aux Etats-Unis, se plaît à répéter qu’il est lui-même victime du phénomène : « J’ai ces beaux cheveux, il me faut beaucoup d’eau [pour les laver] », lançait-t-il en janvier. « Mes cheveux, je ne sais pas vous, mais ils doivent être parfaits [après la douche] », a de nouveau insisté le président, en juillet, lors d’une intervention au titre évocateur : « Réduire les réglementations pour aider tous les Américains ».
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Une telle prise de position peut aussi séduire la partie la plus libérale de l’électorat républicain, traditionnellement opposée aux tentatives de régulation initiées par Washington. « La violence d’Etat par le biais des réglementations fédérales a été menée délibérément pour affaiblir notre capacité à être propres et à rester en bonne santé », estimait, en 2015, la conservatrice Fondation pour l’éducation économique, dans un billet consacré au débit d’eau dans les salles de bains. « C’est l’une des idées les plus stupides qu’ait eu le Congrès », considérait plus laconiquement, dès 1998, un chercheur associé à l’Institut de la compétitivité des entreprises, autre opposant à la réglementation.
« Pas de demande du public »
Plusieurs associations de consommateurs, interrogées jeudi par l’agence Associated Press (AP), estiment, au contraire, « qu’il n’y a pas de demande du public ni de besoin de changement » sur ce sujet. « Vous pourriez avoir jusqu’à 40 litres d’eau par votre pommeau par minute, ce qui vous propulserait sans doute en dehors de votre salle de bains », souligne à AP Andrew deLaski, responsable de l’Appliance Standards Awareness Project, collectif spécialisé dans les économies d’énergie.
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En étudiant un échantillon de 12 499 pommeaux de douche, représentatif de ceux utilisés aux Etats-Unis, le département de l’énergie a estimé que 74 % des équipements utilisaient moins de 7,5 litres d’eau par minute, soit 20 % de moins que les standards fédéraux en vigueur – sans que le manque de pression ne devienne un sujet de mécontentement au niveau national. Aux Américains déçus de leur cabine de douche, Andrew deLaski propose deux solutions alternatives au changement de réglementation : s’assurer de la bonne pression du réseau d’eau dans leur logement, et bien vérifier que leur pommeau de douche n’est pas, en réalité, défectueux.
Simon Auffret


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