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En mémoire de l’ex-Première dame Célima Dorcély Alexandre

mercredi 26 août 2020 par Charles

Je tiens tout d’abord à remercier chacun d’entre vous d’être venu nous assister, ma famille et moi pour accompagner notre Maman Célima Dorcély Alexandre dans sa dernière demeure.
Manman !
Que c’est dur de vivre sans ta présence physique ! Il nous est extrêmement difficile, à mes frères et moi de te laisser partir en paix ! J’ai beau savoir que notre mort est programmée dès notre naissance, que c’est une échéance inévitable, mais j’espérais vivre plus longtemps avec toi. Prendre soin de toi ! Te rendre un peu de ce que j’ai reçu de toi. Toi qui m’as tant aimée, qui a fait de moi la personne que je suis aujourd’hui.
Ma Mère avait une forte personnalité. Elle régnait en maitre absolu sur son foyer. Elle aimait donner des ordres et tout le monde se devait d’obéir, Papa en premier.
Elle tenait toujours à nous raconter l’histoire de sa naissance pour vanter le courage et la persévérance de ma grand-mère qui vaquait à ses occupations habituelles de commerçante le jour où elle est venue au monde. Elle l’a poussée toute seule sans assistance, s’est débrouillée pour couper le cordon ombilical et dans une souffrance inhumaine et avec vaillance, a emmailloté son bébé soigneusement et la déposée sur sa monture, elle prit le chemin de retour vers Joanau, section communale de Thomazeau. Elle était fière de sa lignée faite de femmes courageuses et déterminées ! Li te yon fanm doubout, menm jan ak grandmère m !
Elle était la petite dernière d’un premier lit de 5 enfants. Elle a vecu ses premières années tranquillement à Thomazeau auprès de ses parents et de ses ainés. Toute petite, elle était rebelle, curieuse et surtout très intelligente. Ma grand-mère a donc décidé de lui offrir une éducation différente et l’a envoyée en pension chez une parente qui vivait à Port-au-Prince. Elle n’avait que 7 ans. Cet arrachement aussi jeune du cocon familial, bien que dramatique, a forgé sa détermination et son caractère. Elle est devenue plus que jamais une battante.
Elle a été éduquée dans l’austérité et dans une discipline de fer tant par sa « tante » que par les sœurs du Bel-Air qui ont contribué à sa formation spirituelle et académique.
Toute bonne chrétienne vertueuse et studieuse qu’elle était, cela n’a pas pu l’empêcher de tomber éperdument amoureuse très jeune de mon père qui était en pension au Bel-Air afin de poursuivre également ses études. Ils se sont rencontrés en pleine période d’examen de certificat d’études primaires. Elle passait les examens, lui était en 5e secondaire. Leurs regards se sont croisés, ma maman a été foudroyée, pétrifiée sur le coup. Des promesses ont été échangées, mais elles ne se concrétiseront que bien des années plus tard. Ils étaient à Port-au-Prince pour étudier et ni l’un ni l’autre n’auraient accepté de décevoir leurs parents respectifs. Ils étaient tous deux disciplinés et cultivaient un grand sens d’abnégation.
Mon père est devenu avocat, et Manman très jeune à 26 ans, a été nommée membre de la Commission Communale de Thomazeau. Elle a occupé ce poste pendant 10 ans. Ce qui l’a introduite à la politique et au service communautaire. Ensuite, elle a renoncé à ses fonctions, à toute ambition personnelle, à toute carrière, pour se consacrer uniquement à son époux et à ses enfants.
Manman avait deux grandes passions :
Boni, notre père, son mari l’amour de sa vie ; ce géant de plus de 2 mètres qu’elle appelait son petit mouton.
Et ses quatre enfants. Elle vivait pour nous et à travers nous.
Par dessus tout elle voulait nous offrir une éducation poussée et de qualité. C ‘était une obsession pour elle.
Petite je n’aimais pas l’école. Chaque matin j’étais malade. J’avais toutes sorte de malaises : migraines, mal au ventre. J’avais toujours un prétexte pour rester à la maison. Pour me motiver elle a imaginé un stratagème. Elle nous a expliqué que nous étions ses petits soldats. Et que des soldats ont des devoirs, devaient se réveiller sans se plaindre, faire tous leurs devoirs sans gémir et avoir une discipline stricte.
Alors chaque matin elle claquait des mains et criait « mes petits soldats » et toute la fratrie devait se réveiller, se préparer rapidement, avaler le petit déjeuner et prendre la route pour l’école sans parler et elle nous accompagnait toujours. Elle suivait de très près nos progrès scolaires et célébrait systématiquement nos moindres petits succès. Elle m’a élevé sur un même pied d’égalité avec mes frères.
A la maison, je n’avais aucune obligation d’accomplir des tâches ménagères ; Rien. Elle me disait régulièrement que ma seule mission était de bien travailler à l’école. Elle m’a toujours poussée, encouragée, stimuler. Elle était tellement fière de chaque étape scolaire que pour lui faire plaisir je n’ai jamais arrêté d’étudier.
Manman a toujours été à la fois très stricte et aimante avec nous. On recherchait toujours son approbation. Elle n’avait pas besoin de parler, un regard suffisait pour nous signifier son agrément ou son insatisfaction.
Manman, tes petits soldats sont devenus des professionnels accomplis au service de leur famille et de leur communauté grâce à ton dévouement, tes sacrifices et ton amour infini.
Requiescat in pace Manman.

Marjorie Alexandre Brunache
Auteur


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