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Les trous noirs du système financier haïtien

samedi 29 août 2020 par Charles

On ne connaît pas tous les acteurs qui interviennent sur le marché des changes. Plus de 50% des devises que reçoit le pays échappe au contrôle du régulateur, car cette somme énorme est captée par le marché informel. Trop d’acteurs du marché des changes fixent comme ils le souhaitent le taux de change.
Toutes ces déclarations ont été faites par Jean Baden Dubois, en conférence de presse mercredi.
Le message du premier des banquiers était ambivalent, mercredi.
Le gouverneur de la Banque de la République d’Haïti est apparu très en contrôle du système bancaire. Il n’a pas manqué de réitérer la menace traditionnelle des gouverneurs qui affirment tous pouvoir dompter le marché des changes grâce aux réserves dont dispose la BRH et grâce à la panoplie de sanctions qui sont à la disposition du régulateur.
D’ailleurs, mercredi, pour la première fois, la Banque centrale a admis avoir sanctionné deux banques. Les raisons n’ont pas été dévoilées, mais le montant de plus de 865 millions de gourdes laisse supposer des fautes sérieuses de la Unibank et de Capital Bank. On espère pour bientôt une publication exhaustive des sanctions et de leur usage.
Le même jour, au même endroit, le même gouverneur a étalé la fragilité du système financier haïtien. Comme pour le reste de l’économie, l’informel a le pouvoir. Beaucoup de pouvoirs.
Et comme pour tout le reste en Haïti, l’informel est informe. On ne sait pas qui, ni combien, ni quoi exactement représente ce secteur.
Prenons le change. À écouter le gouverneur, ce n’est qu’après avoir émis la circulaire sur les maisons et agents de transferts que la BRH a compris l’ampleur du phénomène des sous-agents, ces petites officines, éparpillées sur tout le territoire, particulièrement là où il n’y a pas les institutions régulées. Ces sous-agents paient les transferts reçus de l’étranger à un pourcentage considérable de la population.
Ne demandez pas combien ils sont, quel est leur poids réel ni quelles sont leurs marges. Le régulateur cherche à le savoir. Le saura un jour.
Pour le moment, le rôle des sous-agents est si important qu’une réforme annoncée deux fois par la Banque de la République d’Haïti a dû être reportée sine die.
Les sous-agents sont présents depuis des décennies mais échappaient au radar du régulateur.
On ignore quels autres trous noirs existent, agissent, grandissent au sein ou en parallèle avec le système bancaire ou dans notre système financier.
Leur invisibilité a des conséquences certaines. Les attaquer sans bien les comprendre en aura aussi.
Au cours de la même conférence de presse, le gouverneur Dubois a annoncé la publication la veille d’un décret, un autre, qui reconnaît enfin l’existence des entreprises de microfinance, organise leur fonctionnement et les place sous la régulation de la Banque centrale.
S’il fallait un exemple éloquent de l’existence des trous noirs, la liberté, sans cadre légal, dont jouissaient les institutions de micro finance en est la preuve.
Le ministère de l’Economie et du Commerce, le ministère du Commerce et de l’Industrie, le ministère de la Planification et la Banque de la République d’Haïti, pour ne citer que ces institutions, ont du pain sur la planche. Elles doivent inventorier, étudier et comprendre beaucoup de facettes de l’économie et ensuite chercher les bons outils pour agir.
Les trous noirs sont là sous nos yeux pendant que nous contemplons, heureux, une image fausse de la réalité.
Le marché des changes et ses mille ramifications sont un exemple parfait de notre ignorance abyssale du monde qui nous entoure : le fameux informel qui, comme tout bon trou noir, avale tout.

Frantz Duval
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