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Émouvantes funérailles du Dr Jessica Jeanniton Vincent et de son fils

jeudi 3 septembre 2020 par Charles

Au pied de l’autel de l’église Saint-Pierre, à Pétion-Ville, pas de cercueil mais une table ronde recouverte d’une nappe blanche. Au centre de cette table, une urne funéraire au couvercle doré est posée dans un écrin de roses blanches. Contrastant avec ce réceptacle froid, une photo ensoleillée fixe l’église bondée jusqu’au parvis. La prise, éternelle, est celle d’un petit moment de bonheur de Dr Jessica Jeanniton Vincent, chignon strict, collier et robe rouge « fushsia » aux épaules dénudées, posant avec son fils « Josh », un bout de chou qui n’avait pas encore un an.
Sur des visages fermés, des larmes ruissellent. Ces personnes arpentent peut-être la vallée où coule le fleuve tranquille des beaux souvenirs de cette mère et de son bébé, emportés par les eaux en furie de la tempête tropicale Laura, dimanche 23 août 2020, quelque part à Tabarre.
Silence. Quelque chose de lourd pèse sur l’assistance. Mourir comme ça, mourir ainsi, raconte forcément la fragilité décuplée de la vie ici où l’environnement, joyeusement abîmé, est une bombe à retardement, notre bombe à retardement. Le sentiment de gâchis noue les gorges de beaucoup de jeunes femmes dont certaines en blouse, au fond de l’église, avant qu’un sanglot n’éclate, au second refrain de la chanson qui invite à tenir sa lampe allumée. La flamme de Jessica et de son fils est éteinte et les larmes des uns et les soupirs des autres essaient de la rallumer.
Mère et grand-mère éplorée, Évelyne, au premier rang, crie, pleure, vit les yeux ouverts ce que redoute tout parent : assister aux funérailles de son enfant et de son petit-enfant. Le père de Jessica, l’agronome Edgard Jeanniton, est lui aussi submergé. On l’assiste. Quelqu’un caresse ses omoplates comme pour apaiser un déchirement, pour réduire un trop-plein de chagrin, d’une perte mesurable au portrait rapide de Dr Jessica Jeanniton Vincent qu’esquisse ses camarades de promotion à la faculté de médecine de l’Université Notre-Dame d’Haïti.
La gentillesse, la discipline de Jess la bosseuse sont vantées. L’étudiante modèle au sourire contagieux était amoureuse de la danse, de l’art dramatique. Elle soignait son style, son apparence et communiquait quelque chose de rassurant qui poussait les autres au travail, à l’effort, rappelle une camarade. Source d’inspiration pour sa promotion à l’UNDH, fierté de l’école Sacré-Cœur après être devenue lauréate nationale en 2006, aux examens pour la rhéto, Jessica était une « pédiatre 5 étoiles ». Elle repoussait, à cause de son obstination, les limites de la mort en tentant parfois l’impossible pour sauver des enfants malades confiés à ses soins.
« Le départ tragique de Jess est une perte pour sa famille et le pays », témoigne une autre camarade de Dr Jessica Jeanniton Vincent, remplaçant au pied levé une autre ayant fondu en larmes. Le caractère tragique de cette disparition laisse sur les lèvres et dans les cœurs de ses ami(e)s ce regret de ne pas pouvoir dire merci à Jess, elle qui était « une source d’inspiration ».
Ils sont venus. Ils sont tous là pour rendre hommage à Jess, lâche-t-elle, parce que les eaux en furie ne sauraient gommer le temps d’avant la tragédie, avant que ces eaux bosseuses, rageuses n’aient emporté Jessica, empli ses poumons et fracassé son corps dans un dédale de détritus.
Dans l’assemblée, un silence assourdissant. Les secondes ont un goût d’éternité. Les grandes douleurs sont muettes, note avec justesse l’archevêque de Port-au-Prince, Max-Leroy Mésidor. Pour lui, au fond, cette mort est inutile, injuste et insensée. L’homme d’église met comme un baume sur la blessure des éplorés. Il revient sur la promesse de la vie éternelle, de la résurrection en Jésus le Christ. Jessica, soutient Max-Leroy Mésidor, avait « toutes les vertus de ses parents, un couple qui aime l’église et qui travaille pour la société ». Jessica était aussi et surtout source de fierté pour ses parents.
Entre hommage et compassion, l’archevêque épuise le rituel funéraire. Répand de l’eau bénite sur l’urne, fait une dernière offrande d’encens qui se dissipe dans l’église avant de flirter avec les vitraux qui passent au jaune à la lumière du soleil, presque une heure avant d’atteindre son zénith. « Que l’encens monte devant Dieu avec nos prières », prononce-t-il dans son intercession pour Dr Jessica Jeanniton Vincent et son fils Josh partis pour l’au-delà ce dimanche-là, comme 29 autres personnes tuées par Laura, une tempête tropicale…

Roberson Alphonse
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