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Le Sénat juge le procès de Trump conforme à la Constitution

mercredi 10 février 2021 par Charles

L’ancien président, désormais installé en Floride, est accusé d’être à l’origine de l’attaque par ses partisans du Capitole à Washington début janvier.

© Drew Angerer / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
Source AFP
Publié le 09/02/2021 à 19h55 - Modifié le 10/02/2021 à 07h05
Une majorité de sénateurs a estimé que le procès de Donald Trump était conforme à la Constitution et pouvait se poursuivre, lors d’un vote mardi 9 février à l’issue d’une première journée d’audience. 56 sénateurs contre 44 ont voté pour la poursuite du procès de l’ancien président dans le cadre de la procédure de destitution, même s’il a quitté la Maison-Blanche et n’est plus qu’un simple citoyen.

Donald Trump est accusé d’avoir incité ses partisans « à l’insurrection » avant l’attaque sanglante du Capitole. Son avocat David Schoen a estimé qu’il s’agissait d’une « instrumentalisation politique de la procédure de destitution » qui va « déchirer » les États-Unis. « Ce procès va ouvrir de nouvelles blessures, profondes, dans la nation car de nombreux Américains le voient pour ce qu’il est : une tentative par un groupe de politiciens d’écarter Donald Trump de la vie politique et priver de leurs droits 74 millions d’électeurs », a-t-il ajouté.

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La performance décriée d’un des avocats de Trump
Au soir du premier jour du procès, démocrates et républicains se sont entendus sur un seul point : la performance de son avocat Bruce Castor n’était pas au niveau. « Il parlait pour ne rien dire », a déclaré à l’Agence France-Presse le sénateur républicain John Cornyn. « J’ai entendu beaucoup d’avocats plaider et ce n’était pas l’un des meilleurs », a-t-il encore assené. Sa consœur, la sénatrice Lisa Murkowski, s’est, elle, dite « atterrée » : « Je ne vois pas où il voulait en venir. »

Bruce Castor, 59 ans, fut longtemps procureur d’un comté de Pennsylvanie, et a rejoint in extremis la défense de l’ancien président après la démission de cinq avocats. Mardi, il s’est exprimé en premier pour défendre Donald Trump, mais a multiplié les digressions sur les sénateurs « des gens extraordinaires » qui « suscitent la fierté » de leurs électeurs et les métaphores sibyllines (« les vannes ouvertes », « le pendule politique »…).

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À la sortie de l’hémicycle, les démocrates ne se sont pas privés d’ironiser. « Je vais relire la transcription pour voir si je peux trouver un passage cohérent », a notamment lancé le sénateur Richard Blumenthal. « Les arguments de la défense étaient faibles et alambiqués, c’est le moins qu’on puisse dire », a ajouté l’élu de la Chambre des représentants Adam Schiff sur Twitter, où les internautes se sont aussi déchaînés contre l’avocat, l’un d’eux se demandant s’il avait reçu son diplôme « dans un distributeur de chewing-gum ».
À en croire deux sources anonymes citées par CNN, Donald Trump lui-même était à deux doigts de crier en l’écoutant. Pas déstabilisé par ces critiques, Bruce Castor a déclaré à la presse que « la journée avait été bonne » et qu’il « ne changerait rien » lors des prochaines audiences.

Un procès historique
Vivant désormais en Floride, le milliardaire ne se rendra pas au procès. Et il fait peu de doute qu’il sera, à son terme, acquitté. Dans un grand silence, les élus démocrates chargés de l’accusation ont traversé jusqu’au Sénat les mêmes couloirs du Capitole, siège du Congrès, où s’étaient précipités des manifestants pro-Trump le 6 janvier, semant le chaos et forçant l’évacuation des parlementaires.

Situation inédite, les 100 sénateurs qui font office de jurés furent ainsi les témoins, et victimes, de l’attaque. Après une prière, ils ont pris place pour ce procès historique. C’est en effet la première fois qu’un ex-président américain est visé par une procédure de destitution après avoir quitté la Maison-Blanche.

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Un montage vidéo à charge
Le dossier d’accusation contre Donald Trump se fonde sur des « faits concrets et solides », a déclaré l’élu et procureur démocrate Jamie Raskin, en diffusant dès l’ouverture du procès de l’ancien président devant le Sénat un montage vidéo à charge. L’élu, un ancien professeur de droit, a promis d’éviter « les longues leçons » ennuyeuses et a projeté un film d’une dizaine de minutes, qui a immédiatement replongé les cent élus dans la violence de l’assaut sur le Capitole le 6 janvier.

La vidéo juxtapose des extraits des scènes de chaos et les déclarations enflammées de Donald Trump devant ses partisans, réunis à Washington au moment où le Congrès certifiait la victoire de son rival démocrate Joe Biden à la présidentielle. « Battez-vous comme des diables, leur avait-il notamment lancé, juste avant le coup de force contre le temple de la démocratie américaine.

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Les deux parties veulent un procès rapide
La Constitution impose une majorité des deux tiers pour un verdict de culpabilité. Même si des sénateurs républicains ont vertement critiqué le rôle du 45e président américain dans ces violences, il semble peu probable que 17 d’entre eux joignent leur voix aux 50 démocrates pour condamner le milliardaire, encore très populaire auprès de sa base. Une chose unit les deux camps : ils veulent aller vite, et un vote final pourrait avoir lieu dès le début de la semaine prochaine.

Les républicains parce qu’ils ne veulent pas s’attarder sur une séquence qui divise leurs rangs ; les démocrates parce qu’ils veulent que le Sénat puisse de nouveau rapidement se concentrer sur leur priorité : approuver les candidats et les lois de Joe Biden. Se présentant en rassembleur d’une Amérique meurtrie, ce dernier prend soin de se tenir à distance de cette procédure. Le nouveau président ne va pas commenter les argumentaires, d’ailleurs il ne les regarde pas, a souligné encore une fois mardi la porte-parole de la Maison-Blanche Jen Psaki.

Des « preuves accablantes » de la culpabilité de Donald Trump
C’est un débat juridique sur la constitutionnalité du procès qui va occuper l’après-midi mardi : chaque camp a deux heures pour livrer ses arguments et les sénateurs voteront ensuite pour dire s’ils se jugent compétents. Ce point est au cœur de l’argumentaire des avocats de Donald Trump, David Schoen et Bruce Castor, pour qui il est « absurde et anticonstitutionnel de mener un procès en destitution contre un simple citoyen ». Un argument repris par de nombreux sénateurs républicains. Une simple excuse pour éviter d’avoir à juger sur le fond la conduite « méprisable » de Donald Trump et donc « de se mettre à dos les partisans du président », a tonné le chef de la majorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer.

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Pour les « procureurs » démocrates, il existe des « preuves accablantes » de la culpabilité du milliardaire, responsable selon eux de « la pire violation de la Constitution jamais commise par un président américain ». Ils rappellent ses mois passés à nier sa défaite face à Joe Biden, en dénonçant, contre toute évidence, des fraudes électorales « massives ». Et son long discours devant les milliers de partisans rassemblés le 6 janvier à Washington, alors même que les parlementaires étaient réunis au Capitole pour entériner la victoire du démocrate.

« Vous ne reprendrez jamais notre pays en étant faibles. Vous devez montrer de la force », avait-il lancé à la foule chauffée à blanc devant la Maison-Blanche, avant d’appeler à se rendre jusqu’au Capitole pour faire « entendre votre voix de façon pacifique et patriotique ». Mais pour ses avocats, « le président Trump n’a exhorté personne à commettre des actes illégaux ». Affirmer qu’il pourrait être responsable des violences d’un « petit groupe de criminels » qui l’ont « absolument mal compris » est « tout simplement absurde », ont-il écrit lundi. Donald Trump « refuse d’accepter la responsabilité de ses actes », ont rétorqué les procureurs démocrates mardi peu avant l’ouverture du procès


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