MosaikHub Magazine

Haïti, sous haute tension, fait ses adieux à son président assassiné

samedi 24 juillet 2021 par Charles Sterlin

Jovenel Moïse a été enterré lors de funérailles nationales à Cap-Haïtien, où des violences ont éclaté et des barricades ont été érigées.

Les Haïtiens ont rendu vendredi 23 juillet un dernier hommage sous haute sécurité à leur président assassiné Jovenel Moïse, lors de funérailles nationales dans une ville où ont éclaté des violences, venant illustrer l’instabilité du pays. La cérémonie solennelle s’est déroulée à Cap-Haïtien, la métropole septentrionale d’Haïti. M. Moïse, tué par un commando armé le 7 juillet à son domicile de la capitale, Port-au-Prince, était originaire du nord du pays.

Des policiers avaient été déployés un peu partout dans les rues mais ils n’ont pas empêché, comme la veille, un déchaînement d’agressivité. Des tirs d’armes à feu ont même retenti à l’extérieur de l’enceinte où se déroulaient les obsèques, forçant le départ précipité de certains participants dans des nuages de gaz lacrymogènes lancés par les forces de l’ordre.Le cercueil de Jovenel Moïse, recouvert du drapeau national et de l’écharpe présidentielle, était exposé sur une esplanade, ornée de fleurs. La dépouille était gardée par des soldats des forces armées d’Haïti. Martine Moïse, la veuve du président, grièvement blessée dans l’attaque, était présente, le bras en écharpe après avoir été soignée dans un hôpital de Floride. Le visage barré d’un masque et portant une photo de son mari, elle s’est inclinée devant son cercueil.

Délégations étrangères
Des représentants de délégations étrangères, du corps diplomatique et les membres du gouvernement s’étaient succédé auparavant pour lui présenter leurs condoléances. Le président des Etats-Unis, Joe Biden, a envoyé une délégation menée par Linda Thomas-Greenfield, l’ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU, comptant également Daniel Foote, le nouvel émissaire américain pour Haïti. Ils ne se sont pas éternisés.

« La délégation présidentielle est en sécurité et au complet après les tirs rapportés lors des funérailles », a déclaré Jen Psaki, la porte-parole de la Maison Blanche. « Le peuple d’Haïti mérite la paix, la sécurité et un avenir meilleur », a estimé, de son côté, Mme Thomas-Greenfield, de retour aux Etats-Unis.

Martine Moise, épouse de l’ancien président, rend hommage à son époux durant les funérailles nationales, le 23 juillet 2021 à Cap-Haïtien.
Martine Moise, épouse de l’ancien président, rend hommage à son époux durant les funérailles nationales, le 23 juillet 2021 à Cap-Haïtien. MATIAS DELACROIX / AP
Un bataillon a rendu les honneurs militaires au chef de l’Etat, qui était âgé de 53 ans, avec notamment l’hymne présidentiel, suivi de l’hymne national. L’office religieux était dirigé par cinq prêtres. La veuve du président a rendu un hommage appuyé à son mari, à la fructueuse carrière d’entrepreneur avant son entrée en politique, et a déploré sa fin tragique, « sauvagement assassiné », « abandonné et trahi ». « Quel crime as-tu commis pour mériter un tel châtiment ? », a demandé l’épouse en deuil, coiffée d’un chapeau noir.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Haïti n’est ni un cauchemar ni une carte postale »
Barricades et véhicules enflammés
Des partisans de Jovenel Moïse sont empêchés d’assister aux funérailles par les forces de l’ordre à Cap-Haïtien, le 23 juillet 2021.
Des partisans de Jovenel Moïse sont empêchés d’assister aux funérailles par les forces de l’ordre à Cap-Haïtien, le 23 juillet 2021. MATIAS DELACROIX / AP
Les habitants du nord d’Haïti rappellent que Jovenel Moïse est le cinquième chef d’Etat originaire de leur région à avoir été tué dans l’Ouest, où se trouve la capitale, Port-au-Prince. Certains accusent la classe possédante des Haïtiens de l’Ouest d’avoir perpétré ces assassinats. Ce ressentiment a mis vendredi le Cap-Haïtien en ébullition, avec des axes routiers bloqués par des barricades et des véhicules enflammés. Des entreprises privées ont été incendiées. Des journalistes étrangers et locaux ont été agressés par les protestataires.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Haïti : à Port-au-Prince, « le chaos est total, les gangs sont partout, surarmés et d’une violence hors de contrôle »
Jeudi, des riverains avaient déjà érigé des barricades sur les routes nationales qui mènent à la ville afin d’empêcher les habitants de Port-au-Prince de venir assister aux funérailles. Ariel Henry, le nouveau premier ministre, qui a pris ses fonctions mardi, a promis de traduire en justice les assassins du chef de l’Etat et d’organiser des élections présidentielle et législatives exigées par la population et la communauté internationale. En milieu de journée, le corps de Jovenel Moïse a été enterré en petit comité dans l’intimité des jardins de la résidence familiale.

Le Monde avec AFP


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie