MosaikHub Magazine

Nous m’aimons, vous t’aimez

vendredi 31 décembre 2021 par Charles Sterlin

CHRONIQUE / En février 2014, Paul Berthold, de Sherbrooke, me posait la question qui suit. « Comment dit-on : je suis impressionné par ce que nous avons fait (ici, préparer ensemble la maison pour sa mise en vente) ? "Je suis impressionné par nous" ? "Nous m’impressionnons" ? Pas "je nous impressionne", car ce n’est pas moi qui "impressionne nous deux", c’est nous deux "qui impressionnons moi". »

La meilleure façon de dire est celle de votre question : « Je suis impressionné par ce que nous avons fait. » Ou renversez la phrase : « Ce que nous avons fait m’impressionne. »

Maintenant, pourquoi les autres formes que vous citez sont-elles fautives ? On pourrait en effet croire que, si on peut dire « tu m’impressionnes », « il nous impressionne », « vous l’impressionnez », on devrait pouvoir interchanger les pronoms personnels sans contrainte et recourir à des tournures comme « nous m’impressionnons ». À la limite, on pourrait aussi dire « vous t’impressionnez » et « tu vous impressionnes »...

Mais ne ressentez-vous pas un malaise ?

En fait, il y a ici conflit entre la voix active et la voix pronominale.

Avec la voix active, comme l’explique la Banque de dépannage linguistique, « le sujet est vu comme prenant une part active à l’action évoquée par le verbe. Il est l’agent, celui qui fait l’action ». Alors que, dans la voix passive, le sujet est le « patient ». C’est lui qui subit l’action.

Sylvie a lavé sa voiture.

Sylvie a été lavée des accusations.

La voix pronominale, elle, est hybride : le sujet est à la fois agent et patient. Il pose l’action et la subit en même temps.

Sylvie s’est lavée ce matin.

Si vous dites « je t’impressionne », vous êtes à la voix active. « Je » pose une action sur « t’ », « toi ». Si vous dites « je m’impressionne », vous passez à la voix pronominale. « Je » pose une action sur « m’ », c’est-à-dire lui-même.

Mais avec « je nous impressionne », vous êtes à cheval sur les deux. « Je » pose à la fois une action sur lui-même (je est inclus dans le nous), mais également sur un complément extérieur, car il y a une autre personne dans le nous. C’est le même problème avec « nous m’impressionnons ». Or, un verbe ne peut être employé à deux voix en même temps.

Pour une raison semblable, vous ne pouvez pas non plus dire « je suis impressionné par nous ». Cette fois, il s’agit d’un conflit entre la voix passive et la voix pronominale, car le « je » subit l’action mais il l’exerce aussi sur lui-même, vu qu’il est inclus dans le « nous ».

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Voici une autre chronique, celle-là publiée le 20 septembre 2013, et abordant une utilisation abusive du mot attitude.

C’est la toute nouvelle expression en vogue. Désormais, quand une personne fait preuve d’énergie, de fermeté, de détermination, de courage, de volonté, on dit qu’elle « a de l’attitude »... Cet anglicisme pleut en ce moment sur la toile et dans les autres médias.

Une chroniqueuse de vins déclare que sa dernière trouvaille a de l’attitude. Un joueur de football avoue qu’il veut avoir l’attitude pour amorcer ses parties en lion. Un critique de spectacles estime qu’un groupe rock manque d’attitude, de mordant. Une styliste vous recommande de porter de longues écharpes qui donneront plus d’attitude à votre manteau.

Mais en français, le mot attitude est neutre. Il désigne un comportement, sans aucune connotation positive ni négative. Donc, dire d’une personne qu’elle a de l’attitude, c’est comme dire qu’elle a un comportement : ça n’exprime rien du tout.

Pour savoir de quelle attitude une personne fait preuve, il faut qualifier cette même attitude. On parlera alors d’une attitude gênée, arrogante, insouciante, autoritaire, nerveuse, etc.

Le bon mot à utiliser dans ce contexte est caractère. Contrairement à attitude, caractère peut avoir à la fois un sens neutre nécessitant qu’il soit qualifié (bon, mauvais caractère, caractère fort, faible, sérieux, passionné, changeant, etc.), mais il peut aussi avoir un sens synonyme de volonté et de détermination, comme dans « avoir du caractère », « manquer de caractère », « faire preuve de caractère »...

Bref, il est accepté dans les contextes où attitude est proscrit.

Pour ce qui est des longues écharpes, on dira qu’elles donneront plus d’allure à votre manteau.

On peut dire en français que quelqu’un prend une attitude, qu’il se donne une attitude, mais cela veut alors dire qu’il montre une fausse émotion, qu’il affiche quelque chose qu’il n’éprouve pas vraiment.

Il arrive aussi, en anglais, que le mot attitude soit utilisé dans le cas d’une personne qui exprime une confiance hautaine et rude, mais je n’ai trouvé aucun dictionnaire qui en fait mention.

En français, le mot attitude peut être synonyme de pose, de posture, de tenue, car à la base, ce mot signifiait : « Manière de tenir son corps. » Par exemple, un mannequin sur un tapis rouge adoptera une attitude naturelle, provocante, candide, élégante, etc.

Avec le temps, attitude a fini par s’appliquer aux postures... de l’esprit !

Perles de la semaine

Voici ce qui arrive quand on regarde Occupation double au lieu de Découverte...

Pourquoi le soleil se couche-t-il le soir ?

Il part à l’ouest pour rentrer sous la Terre.

De quel phénomène le fait que la Terre tourne sur elle-même est-il à la source ?

Elle produit de l’électricité. C’est le chant magnétique.

Quelle force est responsable de la rotation de la Terre ?

Le vent.

Pourquoi le soleil est-il chaud ?

Parce qu’il est une source de chaleur.

Que se passe-t-il lors d’une éclipse solaire ?

La lune va se cacher à l’intérieur du soleil.

Donne le nom de la septième planète du système solaire.

Utérus.

Source : Le sottisier du bac, Philippe Mignaval, Hors Collection, 2007.

Questions ou commentaires ?

Steve.bergeron@latribune.qc.


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