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L’obsession de l’excellence et du partage chez le Dr Henri Ronald Ford disséquée par le Dr Jean William Pape

dimanche 1er mai 2022 par Charles Sterlin

Comment résumer le curriculum vitae de 46 pages de Henri Ronald Ford ? Je vais essayer de retracer les points essentiels de sa fulgurante carrière académique mais surtout son côté attachant et humain qui fait de lui quelqu’un d’exceptionnel.

Henri Ford est issu d’une famille de professionnels fortement soudée par la religion. Son père continue à exercer son rôle de pasteur même à 102 ans ! Dans cette famille on compte trois sœurs infirmières, trois frères médecins, dont Henri, œuvrant dans de grands centres hospitaliers aux Etats-Unis d’Amérique (EUA), une sœur avec un parcours impressionnant dans l’éducation, à l’école Union School de Port-au-Prince, pour ne citer que ceux-là !
Tous sont nés en Haïti et ont émigré aux EUA. Malgré leur évolution aux EUA où ils ont fréquenté des universités d’excellence (Ivy League), leur attachement à Haïti est indéniable. Au lendemain du séisme dévastateur de 2010 les trois frères médecins, Jean, Henri et Billy, accourus spontanément pour apporter leur aide à Haïti , firent la une du quotidien new-yorkais « Daily News ».

Mais parmi ses frères et sœurs, c’est Henri qui aura fait le parcours académique le plus impressionnant. Formé dans les plus prestigieux collèges, universités et hôpitaux des EUA, trois universités « Ivy League » : bachelier de l’Université Princeton où il a été diplômé avec honneur, diplôme de médecin de l’Université Harvard, suivi d’un internat et d’une résidence en chirurgie générale au New York Hospital de l’Université Cornell, on ne peut pas faire mieux !
Henri aurait pu se contenter d’une telle performance et s’arrêter là mais ce serait mal le connaitre. Il est de ceux qui veulent toujours aller plus loin. C’est ainsi qu’il accumule d’autres diplômes importants et d’autres expériences qui font de lui le candidat rêvé pour occuper le poste qu’il détient depuis juin 2018 : celui de doyen et haut responsable académique d’une desgrandes universités de médecine des EUA : le « Miller School of Medecine « de l’Université de Miami. Jamais un Haïtien n’avait occupé une telle position dans la sphère médicale.
Avant d’arriver à ce poste important il s’est encore spécialisé en chirurgie pédiatrique à l’université et hôpital de Pittsburg. De 1993 à 2005 il y occupe de multiples positions culminant en 2001 au poste de chirurgien en chef du « Children Hospital of Pittsburg ». Il est l’expert mondial incontesté des entérocolites ulcéro-nécrosantes, une maladie dévastatrice qui affecte en particulier l’intestin des nouveau-nés. Henri et son équipe déterminent les causes scientifiques de cette maladie. Le Dr Ford a prononcé de nombreuses conférences et énormément publié sur ce sujet. Le voilà dans le radar de toutes les universités et hôpitaux des EUA. C’est ainsi qu’en 2005 il est domicilié dans la côte ouest des EUA, à Los Angeles où il occupe le poste important de vice-doyen et chef de chirurgie au « Keck California School of Medecine » de l’Université de Southern California (USC). Il obtient un autre diplôme de USC, celui de maitrise en gestion des services de santé.

Il est membre du conseil de plusieurs journaux scientifiques, dont : Pediatric Surgery International – 2005-present et The Journal of Pediatric Surgery (également associé éditeur) – 2005 à nos jours
Henri a été honoré partout où il a travaillé : Universités Cornell, Pittsburg, USC et a reçu de multiples prix et reconnaissances, parmi lesquels on peut citer :
Membre du conseil de la prestigieuse université Princeton de 2010-2016 ;
prix de membre honoraire du Royal College of Surgeons of England, mars 2017.
Nominé par “Who’s Who Among Executives and Professionals Honors Edition” – 2008 – 2009 and Edition – 2017
Au moins 10 prix reconnaissant son leadership et humanisme.
Cités par plusieurs journaux et revues : People Magazine 2015, LA Weekly Magazine 2011, WebMD Magazine – 2010 ; Los Angeles Times Magazine 2009.Reconnu comme l’un des meilleurs chirurgiens aux EUA par :
« Best Doctors in America » 2005-present
“America’s Top Doctors - Castle Connolly Medical LTD.” – 2007 – présent ;
« Pasadena Magazine Top Doctors »- 2008 – présent ;
« Southern California Super Doctors in Los Angeles Magazine » – 2009 –présent
“America’s Top Surgeons- Honors of Distinction and Excellence” - 2012 to présent
« US News and World Report « –parmi les 1% des meilleurs médecins aux EUA 2012, 2013 ;
Prix humanitaire de la Fondation Lucienne Deschamps 2015, paradoxalement la seule reconnaissance reçue en Haïti !

Les prouesses académiques du Dr Ford sont dues à une poursuite, une obsession même de l’excellence, comme l’a si bien fait remarquer le Dr Vanessa Rouzier, chef de la pédiatrie aux Centres GHESKIO. Henri a eu à opérer avec succès plusieurs de ses patients qui frôlaient la mort. Ce passionné de la perfection et du travail bien fait est d’une intégrité absolue et n’admet aucun compromis de ses valeurs. En même temps il a une personnalité bien balancée et un sens aigu de la modération, ce qui lui permet d’être patient pour les grandes causes comme celle de la construction d’un centre de traumatologie de haut niveau à Port-au-Prince, rêve partagé avec le promoteur du projet, l’éminent neurochirurgien et philanthrope américain, le professeur Bart Green, chef de neurochirurgie au Jackson Memorial Hospital de l’Université de Miami et considéré comme l’un des 10 meilleurs dans sa profession aux EUA ; rêve partagé également avec l’infatigable Dr Marguerite V. Mevs, les héroïques Drs Jerry et Marlon Bitar qui dirigent avec brio l’hôpital Bernard Mevs (HBM), mais on reviendra sur ce projet. Henri a une vraie passion pour l’enseignement et la formation des jeunes cadres qu’il a le don de recruter et qu’il encourage à se parfaire ; il a souvent reçu dans sa maison à Los Angeles des étudiants haïtiens pour les aider à rentrer dans le système médical américain. En Haïti il a aidé leprogramme de résidence en pédiatrie à HBM en déboursant de ses fonds propres. C’est un vrai leader et meneur d’équipe avec un sens profond de sa mission dans la vie qui ne doit pas s’arrêter à sa réussite personnelle mais plutôt dans sa responsabilité d’aider à améliorer le sort des autres. Henri est aussi un grand optimiste qui est un exemple vivant du « rêve américain » et qui vit le grand rêve d’aider Haïti à se relever malgré toutes les contraintes et les déceptions que nous avons vécues. Avant tout, il a une profonde humilité et un humour contagieux : il ne se voit pas comme un super chirurgien mondialement reconnu mais plutôt comme l’instrument du « Très-Haut » qui lui permet d’accomplir les miracles de la médecine moderne.

J’ai eu le privilège de le rencontrer après le tremblement de terre et d’être invité par la suite chez lui à Los Angeles et plus récemment comme professeur invité à l’Université de Miami. Un jour après le séisme de 2010, les Centres GHESKIO recevaient des patients avec des fractures et blessures inimaginables auxquelles nous n’étions pas préparés à faire face.

Un ami et confrère, le Dr Eric Goosby, me proposa de faire venir une équipe médicale américaine spécialisée dans les soins d’urgence. Eric dirigeait à l’époque PEPFAR, le programme mis en place par le président Georges Walker Bush, la plus grande initiative jamais entreprise par un pays, en l’occurrence les EUA, pour s’attaquer à une pandémie, le Sida, qui semait le deuil et la consternation dans le monde entier. Nous avons eu la chance de recevoir du gouvernement américain une équipe d’experts nommée DMAT (Disaster Medical Assistance Team). Henri faisait partie de ce contingent qui a eu à sauver des milliers de vies. Avec sa spécialité en chirurgie pédiatrique et son expertise en traumatologie et médecine d’urgence, et ses longues années d’expérience dans les grands centres hospitaliers des EUA, Henri était particulièrement bien armé pour aider les multiples patients grièvement blessés qui nous arrivaient de partout. Je me souviens d’un malentendu qu’on a eu avec l’équipe américaine et qui a été réglé par Henri. Les opérations se faisaient sous des tentes qui avaient été érigéesd’urgence sur le campus des Centres GHESKIO au boulevard Harry Truman. Une fois le patient opéré et relativement stable les médecins américains souhaitaient les exéater au plus vite pour faire la place aux autres qui arrivaient en masse. Ils n’avaient pas réalisé que ces patients n’avaient plus d’endroit où aller. Leurs maisons avaient été détruites par le tremblement de terre. Avec l’aide d’Henri on a aménagé une salle post-opératoire de récupération pour les recevoir le temps qu’il fallait pour les stabiliser et les voir en ambulatoire. Depuis cette affaire Henri était devenu notre porte-parole auprès de l’équipe de DMAT, ce qui a facilité la vie à nous tous.

Après avoir offert les meilleurs soins aux grands blessés du séisme, Henri aurait pu se frotter les mains, reprendre ses multiples obligations aux EUA et oublier Haïti. Tout au contraire, il est devenu encore plus attaché à ce coin de terre et a fait de multiples voyages entre 6 et 12 par an à partir de la Californie, ce qui n’est pas un petit effort. Son passage en Haïti à ce moment critique où tout était à faire a renforcé sa conviction d’aider notre pays à se relever.

Il s’est impliqué dans le curriculum des facultés de médecine pour adopter un curriculum unique. Il a eu à faire gratuitement de multiples opérations, près d’un millier à l’hôpital Bernard Mevs et à l’hôpital universitaire de Mirebalais, où il réalisa la séparation réussie des jumeaux siamois, une première en Haïti. Il a eu à opérer beaucoup de patients avec des tumeurs. Il a réalisé plus de deux cents interventions chirurgicales sur des enfants avec une imperforation de l’anus et a appris à d’autres chirurgiens la technique pour bien effectuer cette opération. Henri a eu à opérer un cas très compliqué, celui d’un enfant de deux ans qui avait l’estomac et les intestins brûlés après avoir ingurgité une grande quantité de chlore. Cette opération compliquée qui a duré dix heures n’avait jamais encore été faite en Haïti. L’association avec l’hôpital Bernard Mevs, les Drs Marguerite V. Mevs, les frères Bitar et le Dr Green de l’Université de Miami renforça le désir d’Henri Ford d’aider à monter en Haïti un centre médical de haut niveau pour recevoir les urgences. Le poste de doyen à l’école de médecine de Miami rend la collaboration plus réelle. Port-au-Prince est située à moins de deux heures d’avion de Miami, contre huit-dix heures pour Los Angeles. Tout Haïtien sensé se doit de supporter la mise en place de ce Centre de traumatologie. Le terrain a déjà été donné généreusement par un grand philanthrope haïtien, M. Eddy Handal. C’est le plus beau cadeau qu’on peut offrir à notre pays et à ses promoteurs infatigables : les Dr Bart Green, Marlon et Jerry Bitar et Henri Ford. En cette période particulièrement difficile où tout espoir semble perdu, nous pouvons encore faire la différence en réalisant cette œuvre qui nous aidera à sauver bien des vies. Le maitre d’œuvre est le projet Medishare de l’Université de Miami qui a déjà réalisé le plan complet de la construction et les besoins en équipements et en formation. Le budget complet comprenant les équipements est de 27 millions de dollars américains. La contribution à date de l’Etat haïtien sous l’administration Martelly-Lamothe est l’équivalent en gourdes à l’époque de 5 millions de dollars américains. La construction a déjà débuté. Elle se fera par phase de façon à rendre le centre opérationnel avant même d’avoir tout le montant du budget. Ce centre permettra de sauver ceux qui n’auront pas le temps de prendre l’avion–hôpital ou l’hélicoptère pour se faire soigner à l’étranger et ceux qui n’ont pas les moyens de s’y rendre. Voilà une cause non partisane qui devrait intéresser tous les Haïtiens !

Henri Ronald Ford, un homme entier à la voix de ténor et au sourire éclatant, est d’une générosité débordante, et d’un optimisme à tout épreuve. Il est au-dessus de la mêlée, un homme debout, un géant de la médecine.

Dr Jean William Pape


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