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Errol Boulos Sr : « Dans la mentalité haïtienne, il y a un problème avec les Dominicains » -

mercredi 29 juillet 2015

De l’autre côté de la frontière, Errol Boulos Sr est tout un personnage. Un des rares Haïtiens capables de se targuer d’avoir rencontré le président dominicain à plusieurs reprises. D’ailleurs, une photo soigneusement conservée dans son cadre et exposée, entre autres photographies, dans l’imposant bureau d’Errol Boulos Sr, en atteste. On y voit notamment le propriétaire des lieux posant en compagnie de son fils et de Danilo Medina, l’actuel chef d’Etat dominicain. À la tête de la compagnie de fabrication de bougies, Velas Hispaniola – le plus gros producteur de bougies de toute l’Amérique centrale et des Caraïbes et qui, en 2014, s’est hissée parmi les cinq plus gros exportateurs par kilo vers différents marchés aux Etats-Unis, Errol Boulos Sr, loin de s’installer dans une tour d’ivoire, se montre préoccupé, concerné par le sort de ses concitoyens. En effet, il prend position, il tranche. Sans langue de bois aucune. Allant jusqu’à prendre parti pour la légalisation et pour la formalisation du statut des travailleurs haïtiens. « Le gouvernement haïtien n’a pas aidé dans le processus de la légalisation […] Le gouvernement dominicain a légalisé gratuitement [les migrants haïtiens] alors que le gouvernement haïtien a réclamé environ 100 dollars américains au départ. L’écrasante majorité des Haïtiens en République dominicaine ne possèdent pas cette somme », a déclaré, d’entrée de jeu, l’investisseur haïtien rejetant sur le gouvernement haïtien l’échec du Programme d’identification et de documentation des immigrants haïtiens (PIDIH). « Ce n’est que peu de temps avant l’expiration du PNRE [Plan national de régularisation des étrangers] que l’Etat haïtien a ramené le versement sous la barre de mille pesos », a-t-il ajouté. « Aucun pays ne va accepter que des étrangers rentrent sur son sol de manière illégale », a concédé celui qui, au début des années 2000, a fui l’insécurité qui régnait, à cette époque, en Haïti. En effet, il attribue son installation en république voisine à une suite de concours de circonstances et confesse notamment avoir échappé de justesse à plusieurs attaques qui visaient son enlèvement. En dépit de tout, même à distance, on sent que l’entrepreneur n’a pas complètement coupé le cordon avec sa terre natale. D’ailleurs, il suit de près tout ce qui s’y passe. Très branché high-tech, et autant que la gestion de son usine lui en laisse le loisir, il se livre à du journalisme 2.0, son autre dada après la photographie. En effet, il tient son propre blog dans lequel il entreprend assez souvent de relayer les articles, de bonne facture, de Le Nouvelliste. « Des milliers d’internautes visitent mon blog », a déclaré fièrement l’homme d’affaires qui compte au moins 20 ans d’expérience dans la vente de paraffine et plus d’une décennie dans la production de bougies, et dont une partie de la famille réside encore Haïti. Par ailleurs, l’industriel haïtien n’a pas manqué de fustiger l’incapacité des dirigeants haïtiens à documenter convenablement leurs citoyens et cette mentalité des Haïtiens à toujours trouver un bouc-émissaire à leur échec. « Dans la mentalité haïtienne, il y a un problème avec les Dominicains, de l’élite au peuple, du plus bas au plus haut niveau », a déclaré, dépité, Errol Boulos Sr, dans son franc-parler habituel, en homme qui sait peser chaque mot qui sort de sa bouche. Avec lui, chaque syllabe prononcée compte, chaque révélation vaut son pesant d’or. Et, quand il arrose avec son lance-flamme, il n’y va pas de main morte. Tout le monde y passe : l’Etat, la bourgeoisie, l’Haïtien lambda, etc. Il assène des gifles violentes, cinglantes à toutes les couches de la société haïtienne. A l’en croire, toutes les catégories précitées sont des « salopes. » « Haïti est le seul pays au monde où l’élite économique s’entretue », a-t-il pesté, dénonçant ainsi cette mentalité ambiante, très égoïste du « chacun pour soi ». « Ce que le gouvernement dominicain veut, c’est légaliser les Haïtiens pour qu’ils puissent légalement entrer dans l’économie dominicaine », a-t-il fait savoir, arguant que le gouvernement dominicain n’a pas le contrôle des migrants haïtiens qui, à défaut de pouvoir s’identifier, se font exploiter outrageusement. « Sans une carte d’identité, impossible d’ouvrir un compte en banque, d’avoir accès au crédit », a avancé Boulos, qui estime que les Haïtiens doivent avoir leurs papiers afin de pouvoir jouir des avantages sociaux à l’instar des travailleurs dominicains. Face à l’ogre dominicain, si Haïti n’a que sa main-d’œuvre à offrir, qu’elle le fasse formellement, légalement, réclame Errol Boulos Sr dont l’entreprise, établie sur 180 000 pieds carrés, emploie environ 400 ouvriers. D’un autre côté, le businessman haïtien, très pragmatique, admet que le gouvernement dominicain n’a pas le choix et qu’il doit légaliser les travailleurs haïtiens. « Il ne peut pas se payer le luxe de renvoyer tous les Haïtiens », a-t-il déclaré sans pour autant dédouaner les autorités haïtiennes de leur mission d’identifier leurs ressortissants. A propos de son usine, Velas Hispaniola, zone franche créée depuis 2003, Errol Boulos, qui s’est transformé en guide pour nous faire faire le tour des installations, a fait savoir qu’elle fabrique plus de un million cent mille (1100000) bougies par jour qui sont distribuées dans plus de 15 pays dans toute la région. Des bougies de tous types qui sont produites à partir de trois matières premières, à savoir paraffine, mèche et verre, et qui alimentent les grands centres de distribution, comme Wal-Mart par exemple. Pour lui, le slogan « Haiti is open for business » n’est autre que du vent. Entre Haïti et la République dominicaine, en termes de protection des investissements, il n’y a rien de commun. A part, bien sûr, une certaine similarité entre les codes du travail de ces deux pays avec une légère différence au niveau du salaire de nuit qui est de 15% plus haut que celui du jour. Selon lui, le transport [maritime] de l’Allemagne à Haïti est 1 200 dollars plus cher que de l’Allemagne à la République dominicaine et pour ce qui a trait à l’énergie, Haïti perçoit plus de 30 centimes le kilowatt/heure tandis que dans les parcs industriels en République dominicaine l’électricité coûte à peine 18 centimes. « Nous autres, nous produisons notre propre énergie, à l’aide de gaz naturel, et qui nous revient à 5 centimes et demi le kilowatt/heure », a confié Errol Boulos Sr, dispose à des confidences, en cette matinée de samedi 4 juillet dernier à l’équipe de Le Nouvelliste à qui il a ouvert toutes grandes les portes de sa vaste fabrique de bougies


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